Si vous voulez de temps en temps croquer une douceur en littérature qui vous ferait plaisir , qui vous ferait sourire, sans vraiment vous casser la tête tout en lisant une prose de qualité , eh bien ne passez pas à côté de
Georgette, même si l'histoire est finalement poignante.
Georgette c'est la bonne, la nourrice….elle va se marier et quitter la famille de Déa, la narratrice alias l'auteure , une famille franco-syrienne ( cette connotation changeant un peu le contexte 😊), alors qu'elle a treize ans. Pour elle ,elle était une mère, un père,
Mais,
« Je ne sais pas qui elle était vraiment.
Je ne sais pas ce qu'elle pensait de nous….
Je sais ce qu'elle était pour moi. Je ne sais rien d'autre d'elle…. »
Or la triste vérité,
« Elle était une domestique et tu étais une enfant de la bourgeoisie. »
Pourtant la narratrice a aimé cette femme, a été aimée d'elle durant les treize premières années cruciales de sa vie, d'où ce livre émouvant en hommage à une personne qui a fait partie de sa vie , de son quotidien, et l'a apparemment fortement marquée affectivement.
Des passages délicieux sillonnent ce court roman écrit avec amour:
« La raclette : son instrument roi.
Georgette lavait le sol de la terrasse à grande eau et le raclait à la perfection. Plus tard j'ai essayé d'imiter son mouvement, la grâce et la puissance, la régularité de métronome avec laquelle l'instrument déplace parfaitement les torrents d'eau, la magie de cette eau brunie qui emporte avec elle la saleté, de cette raclette qui laisse derrière elle la pierre heureuse et chatoyante au soleil, frémissante sous un voile d'humidité.
Georgette raclait le sol de manière communicative ; je crois que parmi toutes les tâches que ses mains accomplissaient, celle-là lui apportait une grande satisfaction. »
« Toutes les semaines
Georgette appelle longuement sa mère et ses frères et soeurs restés à Hassaké, et on l'entend parler achouri pendant des heures. Cette langue est un mystère pour nous, nous n'en saisissons pas le moindre mot.
Georgette parle à toute vitesse, avec animation, elle parle plus librement qu'avec nous. »
Et puis
Georgette est l'héroïne de plusieurs anecdotes aux divers variantes 😊, «
Georgette et le scorpion », «
Georgette et le serpent »……et surtout elle est un des personnages des films amateurs de la mère à qui le père a offert une caméra peu après la naissance de Déa et qui s'acharnera à filmer sa famille jusqu'aux 18 ans de Déa. le livre épouse en vingt-six séquences en super 8, ces souvenirs émouvants , substituant les mots aux images, évocation nostalgique d'une enfance lointaine.
Et finalement si
Georgette était restée ?
« Restée pour faire quoi ?
Georgette, comme Wahidé, appartient à un monde en voie de disparition. Je n'ai pas de regrets pour ce monde, pour ses lois. Ce n'était pas viable, c'était socialement inacceptable, ce n'était même pas vraiment nécessaire. »
Ces personnes qu'on emploie chez soi et vivent avec nous peuvent devenir vraiment un membre de nos familles, si on les affectionne, les traite correctement matériellement et moralement, et
Georgette était apparemment l'une d'elle du moins à ses débuts, mais finalement l'était-elle vraiment ? Car «
Georgette vivait en effaçant ses traces», et ……
Entre rêves et souvenirs
Déa Liane nous raconte avec tendresse et amour le récit subtil et déchirant d'une contradiction présente au coeur de son histoire, celle de
Georgette, une seconde mère, indispensable mais socialement, une fille, c'est-à-dire une domestique. Un bel hommage à
Georgette, si jamais elle aurait pu avoir l'occasion de le lire !