Ce livre n'est ni un roman, ni un récit. L'inverse d'une autofiction et rien d'une biographie. Il est un acte littéraire relatant quelques six ou sept années de la vie de l'auteur, mêlées à mille souvenirs, pour en tirer une réflexion large sur l'amour et l'amitié.
Mathieu Lindon, fils de
Jérôme Lindon directeur des éditions de minuit durant un demi-siècle, écrit en 2011 l'histoire de son amitié avec
Michel Foucault durant les six dernières années de sa vie et le groupe qui s'est formé autour d'eux avec pour épicentre l'appartement du philosophe Rue de Vaugirard.
Mathieu Lindon utilise toutes les tournures possibles pour décrire son admiration sans réserve ni interrogation pour Foucault, tout en n'épargnant rien de sa propre vie - drogue, sexe, amours, névroses... Il y a alors quelque chose d'un peu « germanopratin » dans cet ouvrage tellement situé (les dîners familiaux avec
Robbe-Grillet, son amitié avec
Hervé Guibert, la rencontre d'un ministre ou président...). Ce serait exécrable si ce n'était qu'un livre d'anecdotes à l'écriture précieuse.
Mais
Mathieu Lindon met tout son talent dans une entreprise d'écriture dont il est évident qu'elle a longtemps mûri, non pour atteindre son résultat mais parce qu'elle touche aux ressorts intimes de son histoire, de sa construction d'homme. Les centaines d'
instantanés livrés (selon un ordre parfois apparemment aléatoire) documentent une réflexion sur les deux amours qui, par effet de miroir se révélant l'un l'autre, lui ont offert de s'ériger en individu : le père et l'ami. L'amitié de Foucault (et plusieurs autres) a fourni ce que l'amour filial semblait délaisser, tout en illuminant ce qu'il avait finalement distillé, plus discrètement peut-être mais avec une force presque transcendante.
Au-delà d'un complément (affectueux) fort intéressant à la biographie de
Michel Foucault, « Ce qu'aimer veut dire » est une forme de work-in-progress, de recherche inachevée dont le sujet est son titre et qui offre de belles heures de lecture.