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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'établi de Robert Linhart est l'un de ces témoignages qui nous font découvrir le monde ouvrier de l'intérieur. En effet, si l'établi est une table servant à bricoler, il désigne aussi la personne infiltrée dans une usine afin de défendre et de propager les droits des ouvriers.
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En l'occurrence, ROBERT Linhart a infiltré l'usine Citroën après mai 68. Lui, l'intellectuel qui aurait pu être professeur, découvre alors le monde de la fabrication de voitures à la chaîne : les produits toxiques, les cadences infernales, les patrons inhumains, les droits bafoués, la santé mise en danger, les horaires discutables, toute personnalité niée. Autant de causes pour lesquelles l'auteur est déterminé à se battre.
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Pour cela, il devra se faire passer pour un authentique ouvrier à la fois auprès des chefs, de la direction mais aussi du personnel. Celui-ci, réservé au départ du fait des cadences imposées, mais aussi de la crainte des représailles, finit par adopter ce français de souche pas très doué pour les travaux manuels. Ces ouvriers, dont très peu sont de nationalité française, nous livrerons alors leur souffrance. Robert Linart devra vivre leur vie et endurer leur calvaire pour faire de la grève libératrice son cheval de bataille, afin de défendre leurs intérêts et par extension ceux de toute la population ouvrière de notre pays.
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Pour ce faire, il en bavera : d'une part, il devra effectuer le travail de tout ouvrier à la chaîne ; d'autre part, il devra subir les représailles de la direction qui n'aura de cesse, une fois son identité découverte, de lui imposer des conditions de travail de plus en plus difficiles pour briser le mouvement de soulèvement qu'il est en train de faire naître et qui perturbe la production, les rendements et les chiffres.
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Un univers qui ne nous est plus inconnu aujourd'hui, mais qui méritait d'être dénoncé. Un très joli portrait d'usine extrêmement humain, avant tout militant mais aussi instructif. Il nous rappelle ce pourquoi ou contre quoi nous devons continuer à lutter chaque jour : l'humain au service de la machine et du chiffre d'affaires, l'humain presque esclave de lui-même, l'humain emprisonné dans une cadence, des mouvements répétitifs, de graves accidents du travail ou des maladies professionnelles, une négation totale de sa vie, de ses besoins mais surtout de sa dignité.
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Et si parfois les syndicats nous semblent irritants, ce livre tend à rappeler pour quoi ils se battent.
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Un livre utile qui, dans une certaine mesure, m'a rappelé la Scierie, dont je vous mets le lien ci-dessous.

Lien : https://www.babelio.com/livr..
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C'est un livre daté comme le sont certaines expressions : "prendre son compte" = démissionner. Il date de la 2 CV grise et de la chaîne que l'on remonte à contre-courant pour gagner les 2 à 3 minutes d'une pause cigarette. Les chefaillons, le syndicat C.F.C. pro-patronat, les brimades, les punitions, les bruits, les odeurs, la chaleur, le froid de l'usine sont dépeints avec réalisme.
Au lendemain de 68, il s'est "établi" pour contribuer à la lutte des ouvriers à l'intérieur de Citroën. Lui, c'est le narrateur, un intellectuel qui continue le combat et qui débraye sur place avec quelques camarades pour bloquer la chaîne.
Une année de sa vie de travail jusqu'à son licenciement le 31 juillet, veille de la fermeture de l'usine au mois d'août.

L'écriture respire le vécu, la difficulté et le regard de celui qui n'était pas préparé, mais qui réalisera son "vrai" travail d'établi.
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J'ai vu avec intérêt le film « L'établi », sorti en avril dernier. Comme tous les films qui décrivent le monde du travail, agricole, industriel. En résonance avec les échos des discussions et contestations des sujets sociaux, j'ai voulu me plonger dans le texte, qui a servi de référence au scénario du film. Et je ne le regrette pas. Au contraire.
La force des mots dans la séduction des images du film, aussi réalistes de la reconstitution soient-elles.
Ce récit autobiographique d'une immersion de « l'intellectuel » Robert Linhart, d'une durée d'un an, dans une usine d'assemblage de Citroën. Un récit écrit 10 ans après la réalisation de celle-ci.
Un récit dense où l'on découvre le monde ouvrier de l'après 67 avec ses difficultés ; physiques, et là on prend la mesure du concept de « pénibilité » (même si aujourd'hui on peut raisonnablement penser que des progrès technologiques ont amélioré l'ergonomie des postes), et morales.
le politique avec les rapports de force, les manoeuvres, l'arrogance voire le racisme ambiant. L'entraide. On comprend bien, avec les mots, le souffle de la prise de conscience de la dignité, qu'a su inspirer ‘auteur dans la mécanique de contestation des décisions de la direction.
Précis, humain et donc instructif.
Une démonstration pratique… de la lutte des classes, et de l'engagement concret de l'auteur qui ne cache pas ses convictions, franc sur ses sentiments, qui confère une authenticité indéniable à ce récit et qui incite au respect ;
Un petit livre que je conserverai.
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Robert Linhart est un établi. Il témoigne.
"Les personnages, les événements, les objets et les lieux de ce récit sont exacts."

Mai 68. le fameux (fumeux ?) brasier s'est éteint.
Nous sommes en automne 68.
Les intellectuels maos décident d'aller travailler en usine.
C'est "l'établissement".
"Il faut comprendre la réalité pour la transformer." Instruire la classe ouvrière et s'en instruire.
La lutte engagée doit continuer.
Robert Linhart pourrait être enseignant.
Il se fait embaucher dans l'usine Citroën de la Porte de Choisy à Paris.
A la chaîne se fabriquent les 2CV et les Ami 8.
Cent cinquante 2CV par jour sortent de l'usine.
Robert Linhart est passé par toutes les cases gauchistes : UEC (Union des Etudiants Communistes), l'UJCML (Union des Jeunesses Communistes Marxistes-Léninistes) puis la Gauche Prolétarienne.
C'est la lutte des classes, le combat intransigeant contre l'idéologie bourgeoise.

Il publie "L'établi" en 1978, dix ans après l'effervescent printemps.

"Me voici donc à l'usine. Etabli. L'embauche a été plus facile que je l'avais pensé. J'avais soigneusement composé mon histoire..."

Le début à l'usine est dur, très dur. Avilissant, abrutissant.

"Qu'ai-je fait d'autre, en quatre mois, que des 2CV ? Je ne suis pas entré chez Citroën pour fabriquer des voitures, mais pour faire du travail d'organisation dans la classe ouvrière."

Notre établi va découvrir le monde ouvrier.
Ses cadences infernales, ses petits chefs autoritaires racistes et humiliants, les mouchards, les "syndicats maison", les briseurs de grèves, les truqueurs d'élections, les cadres cravatés de suffisance, les planqués des Ressources (in)Humaines.
Mais aussi la solidarité, l'amitié, l'espérance d'une grève victorieuse.
"Entre la diffusion des tracts, nos petits meetings d'ateliers, les réunions du comité de base, le pointage fiévreux de notre progression, ce mois de propagande fut, tout compte fait, un mois de bonheur."

L'écriture de Linhart est sensible et teintée d'émotions.
Linhart l'établi est aussi écrivain.
Le lecteur sent les illusions de cet intellectuel engagé se perdrent dans la crasse, le bruit et l'odeur de la chaîne infernale.
"Trente-trois mille fois dans l'année, il a refait les mêmes gestes. Pendant que des gens allaient au cinéma, bavardaient, faisaient l'amour, nageaient, skiaient, cueillaient des fleurs, jouaient avec leurs enfants, écoutaient des conférences, se goinfraient, se baladaient, parlaient de la Critique de la raison pure, se réunissaient pour parler des barricades..."
Ce lucide constat est impitoyable.
Un témoignage poignant et réaliste, vu de l'intérieur, sur la condition ouvrière, le monde du travail.
Bien sûr la condition ouvrière a changé. Aujourd'hui ce sont les cadres qui sont pressés comme des citrons (lire l'excellent polar "Les visages écrasés" de Marin Ledun que j'ai commenté sur MyBoox) mais la lutte des classes est encore et toujours d'actualité et les ouvriers sont encore et toujours exploités au profit de, euh, ben au profit de profiteurs, tiens.

Lecture combattive fortement recommandée pour continuer la lutte...finale ?

"C'est comme cela qu'on produit des automobiles. Des machines moulent la tôle, d'autres pétrissent la matière humaine."
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Me voilà d'accord avec Hubert sur la critique de ce livre. je voudrais juste dire à mon tour combien il est précieux d'avoir un tel témoignage d'une réalité que tant de gens (dont moi) ne pourrait sinon avoir même l'idée. Ce livre nous rappelle que la lutte des classes existe. On ne s'ennuie pas une seconde à la lecture de ces pages et on découvre aussi le portrait de personnages très attachants. enfin, c'est un des rares livres dont j'ai fini la dernière page avec un sentiment de révolte et d'envie de faire changer les choses.
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Tout a été dit dans les diverses critiques précédentes. J'ai lu le bouquin il y a 15 ans environ et je n'ai pas oublié certains passages : cette jeune femme qui pose les élastiques de sièges de 2CV trop rapidement au goût de ses collègues et qui, du coup, se fait mal voir. Cet homme qui a créé son propre établi, qui travaille passionnément mais qui se le voit confisqué pour un autre outil "performant" auquel il se s'habituera jamais et qui entre dans une phase de dépression.
Un excellent livre.
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UN MAO A L'USINE.
Mai 68, quand les marxistes-léninistes accusent la CGT d'avoir trahi la révolution et décident d'aller vers le prolétariat pour changer la société. « Descendus du cheval pour aller cueillir des fleurs » (Mao Dzedong), ces étudiants infiltrent les chaînes de montage des usines automobiles avec le petit livre rouge à la main. (Je me demande comment l'auteur du livre, normale sup' lettres, a pu adhéré à un tel livre d'inepties). La révolution culturelle chinoise initiée en 1966 et qui a provoqué la mort de 20 millions de chinois était encore un modèle politique chez les soixantehuitards. Ce livre autobiographique superbement écrit et cadencé, raconte la tentative d'infiltration du prolétariat, comme l'ont réalisée 2 à 3000 militants maoïstes, qui ont revêtu l'habit d'ouvrier pour « servir le peuple ».
L'usine Citroën d'Ivry : son travail à la chaîne essentiellement fait par des immigrés, ces gestes immuables répétés 9 heures par jour, puis métro dodo et reboulot. Augmentation du temps de travail pour compenser les pertes de mai 68, réunions au café du coin, tracts, grève combattue par du harcèlement de la part des contremaîtres… C'était une autre époque à laquelle a succédé la robotisation.
Un très beau témoignage hallucinant : un document historique à lire.
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L'établi, ce n'est pas seulement une référence à ce processus d'établissement, processus d'intégration de quelques - rares, trop rares? - intellectuels à l'usine.
Non, l'établi, c'est surtout un exemple concret. Au travers de cet établi, qu'un des ouvriers s'est constitué petit à petit, plein d'accessoires et d'astuces qui lui permettent de faire un excellent boulot, reconnu. Mais un jour, un grand chef décide de remplacer cet outil par un monstre moderne. résultat: l'ouvrier perd du temps, n'arrive plus à tenir la cadence de la chaîne.
On voit ici la fracture entre les chefs et les ouvriers, auxquels on ne demande pas leur avis. Combien de doctes experts nous parlent d'éducation sans avoir jamais enseigné? de la mauvaise organisation des hôpitaux, sans y avoir jamais pris la place d'un infirmier ou d'une aide-soignante, ne serait ce qu'une journée?
Un petit livre qui fait réfléchir car il n'a rien perdu de son actualité : on y voit déjà l'aliénation (hier Citroën, aujourd'hui Amazon), le mépris envers les les travailleurs immigrés, la stupidité de cette société qui pousse à toujours fabriquer des produits comme ici des bagnoles qui doivent être parfaites, alors que la rue va impitoyablement les cabosser... On pense à Simone Weil, qui elle aussi fit la même expérience et arriva aux mêmes conclusions.
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Il arrive en lisant un livre qu'il vous en rappelle fortement un autre,en lisant "L'Etabli", ma pensée allait sans cesse vers le livre de Joseph Pontus "A la ligne, feuillets d'usine" Les deux livres ont en commun d'être écrits par des auteurs qui partagent les conditions de vie au travail dans l'usine, tout en étant issus d'un autre milieu qui leur permet la distance et le recul d'où ils écrivent ensuite. L'écriture et le style de Robert Linhart m'ont fait regretter l'écriture de Ponthus, si forte dans son rythme et sa concision. Ici, la langue est plus traditionnelle mais la description du travail à la chaine est précise et traduit bien également le contexte productiviste des années de croissance des trente glorieuses avec les conséquences qu'elles ont pu avoir sur le monde du travail. Plus que dans le livre de Ponthus, Linhart détaille la manière dont s'exerce sur les ouvriers la pression de la hiérarchie, la ségrégation assumée entre les travailleurs français et immigrés, l'injustice au quotidien. Ce poids paralysant de la maîtrise rend difficile l'organisation des luttes, Robert Linhart sait trouver les mots pour dire comment la défense de la dignité humaine réussit malgré tout à faire bouger les lignes. Un témoignage très fort.
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Je l'ai lu d'une traite car il s'est révélé passionnant : l'auteur, un universitaire et intellectuel de gauche, s'est fait embaucher dans l'usine Citroën de Choisy juste après les événements de 1968 en prétendant n'avoir aucun diplôme, d'où ce témoignage historique. On découvre une entreprise où les ouvriers sont spécialisés de catégorie 1 s'ils sont d'origine française, de catégorie 2 s'ils ont une autre origine européenne, et ne sont que manoeuvres s'ils sont d'origine africaine. La hiérarchie reposait sur le racisme sans que cela ne choquât personne. La médecine du travail en 1968 ? On apprend qu'elle aurait prescrit de l'aspirine à la Mort si ça lui avait permis de travailler... ☠ Les syndicats ? Hum... le droit au travail ? On voit vite comment le patronnat l'entendait. Quant au titre, "l'établi", il trouve son sens dans le dernier chapitre où un vieil ouvrier méticuleux s'oppose à un bureau des méthodes dictatorial. Des portraits se détachent de l'ensemble, mis en relief par la volonté de l'auteur de rendre hommage à ses "camarades". Il ne s'agit pas d'une fiction, mais d'un ouvrage autobiographique et engagé, d'un cri de révolte. L'auteur a d'ailleurs fini par s'enfoncer dans le mutisme quelques années après avoir écrit cet ouvrage qui reste une plongée très éclairante parmi les ouvriers d'une usine.

Lien : https://www.instagram.com/fo..
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