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4.33/5 (sur 380 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Nice , le 04/1944
Biographie :

Robert Linhart, né en 1944, est un sociologue français. Ancien élève du lycée Louis-le-Grand, de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm (L 1963), docteur d'État en sociologie, il est actuellement maître de conférences au département de philosophie de l'Université de Paris VIII.

Ancien adhérent de l'Union des étudiants communistes (1964), il y anime le cercle des « ulmards », marqué par la figure tutélaire de Louis Althusser. Au premier trimestre de l'année scolaire 1964-1965, une revue voit le jour, Les Cahiers marxistes-léninistes, dont le premier numéro – ronéotypé – sort avant Noël 1964. Prochinois et très critique à l'égard du « révisionnisme » du PCF, il est exclu de l'UEC et fonde en décembre 1966 l'Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes, UJC (ml).

Le 10 mai 1968, alors que Mai 68 bat son plein, il entre en cure de sommeil, victime de problèmes psychologiques. À l'été, l'UJC (ml) se scinde et Robert Linhart rejoint la Gauche prolétarienne, fondée à la fin de l'année par Benny Lévy. Dans le cadre du mouvement des « établis », il entre alors comme ouvrier spécialisé dans l'usine Citroën de la porte de Choisy à Paris, et a tiré de cette expérience son ouvrage le plus célèbre, L'Établi, paru en 1978 aux éditions de Minuit.

En 1979, il accompagne au Brésil Miguel Arraes, l'ancien gouverneur de l'État du Pernambouc, renversé par le coup d'État d'avril 1964, lors de son retour dans son pays natal à la faveur d'une amnistie politique. Le sucre et la faim est l'enquête qu'il tire de son observation des conditions de vie des travailleurs agricoles brésiliens dans les plantations de canne à sucre où se recompose lentement un mouvement social réprimé par la dictature militaire.
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L'établi, d'après Robert Linhart.


Citations et extraits (64) Voir plus Ajouter une citation
L'enchevêtrement fracassant qui m'avait abasourdi le premier jour s'est progressivement ordonné, au fil des itinéraires, des rencontres et des postes connus. (...) C'est comme une anesthésie progressive: on pourrait se lover dans la torpeur du néant et voir passer les mois - les années peut-être, pourquoi pas? Avec toujours les mêmes échanges de mots, les gestes habituels, l'attente du casse-croûte du matin, puis l'attente de la cantine, puis l'attente du casse-croûte de l'après-midi, puis l'attente de cinq heures du soir. De compte à rebours en compte à rebours, la journée finit toujours par passer. Quand on a supporté le choc du début, le vrai péril est là. L'engourdissement. Oublier jusqu'aux raisons de sa propre présence ici. Se satisfaire de ce miracle: survivre. S'habituer. On s'habitue à tout, paraît-il. Se laisser couler dans la masse. Amortir les chocs. Éviter les à-coups, prendre garde à tout ce qui dérange. Négocier avec sa fatigue. Chercher refuge dans une sous-vie. La tentation...
On se concentre sur les petites choses. Un détail infime occupe une matinée. Y aura-t-il du poisson à la cantine? Ou du poulet en sauce? Jamais autant qu'à l'usine je n'avais perçu avec autant d'acuité le sens du mot "économie". Economie de gestes. Economie de paroles. Économie de désirs. Cette mesure intime de la quantité finie d'énergie que chacun porte en lui, et que l'usine pompe, et qu'il faut maintenant compter si l'on veut en retenir une minuscule fraction, ne pas être complètement vidé.
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"Le premier jour d'usine est terrifiant pour tout le monde, beaucoup m'en parleront ensuite, souvent avec angoisse. Quel esprit, quel corps peut accepter sans un mouvement de révolte de s'asservir à ce rythme anéantissant, contre nature, de la chaîne ? L'insulte et l'usure de la chaîne, tous l'éprouvent avec violence, l'ouvrier et le paysan, l'intellectuel et le manuel, l'immigré et le Français. Et il n'est pas rare de voir un nouvel embauché prendre son compte le soir même du premier jour, affolé par le bruit, les éclairs, le monstrueux étirement du temps, la dureté du travail indéfiniment répété, l'autoritarisme des chefs et la sécheresse des ordres, la morne atmosphère de prison qui glace l'atelier." (p. 25)
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Je m'étonne. Il n'est que manoeuvre? Ce n'est quand même pas si facile, la soudure à l'étain. Et moi qui ne sai rien faire, on m'a embauché comme "ouvrier spécialisé" (O.S.2, dit le contrat) : O.S., dans la hiérarchie des pas-grand-chose, c'est pourtant au-dessus de manoeuvre... Mouloud, visiblement, n'a pas envie de s'étendre. Je n'insiste pas. A la première occasion, je me renseignerai sur les principes de classification de Citroën. Quelques jours plus tard, un autre ouvrier me les donnera. Il y a six catégories d'ouvriers non qualifiés. De bas en haut: trois catégories de manoeuvre (M. 1., M. 2, M.3); trois catégories d'ouvriers spécialisés (O.S. 1, O.S. 2, O.S. 3). Quand à la répartition, elle se fait d'une façon tout à fait simple: elle est raciste. Les Noirs sont M. 1, tout en bas de l'échelle. Les Arabes sont M. 2 ou M. 3. Les Espagnols, les Portugais et les autres immigrés européens sont en général O.S. 2. Les Français sont, d'office, O.S. 2. Et on devient O.S. 3 à la tête du client, selon le bon vouloir des chefs. Voilà pourquoi je suis ouvrier spécialisé et Mouloud manoeuvre, voilà pourquoi je gagne quelques centimes de plus par heure, quoique je sois incapable de faire son travail. Et après, on ira faire des statistiques subtiles sur la "grille des classifications", comme disent les spécialistes.
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Les bourgeois s'imaginent toujours avoir le monopole des itinéraires personnels. Quelle farce ! Ils ont le monopole de la parole publique, c'est tout. Ils s'étalent. Les autres vivent leur histoire avec intensité mais en silence. Personne ne naît O.S. ; on le devient.
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La femme, elle, fonce, inaccessible, murée dans son acharnement à produire des sièges. Il paraît qu'elle est là depuis des années. Des années à planter quatre mille crochets par jour, des années à répéter ces coups de pouce frénétiques. Pense-t-elle s'en sortir comme ça?
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À l’extérieur, l’“établissement“ parait spectaculaire, les journaux en font toute une légende. Vu de l'usine, ce n'est finalement pas grand-chose. Chacun de ceux qui travaillent ici a une histoire individuelle complexe, souvent plus passionnante et plus tourmentée que celle de l'étudiant qui s'est provisoirement fait ouvrier. Les bourgeois s'imaginent toujours avoir le monopole des itinéraires personnels. Quelle farce ! Ils ont le monopole de la parole publique, c'est tout. Ils s'étalent. Les autres vivent leur histoire avec intensité, mais en silence. 
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Et si l’on se disait que rien n’a aucune importance, qu’il suffit de s’habituer à faire les mêmes gestes d’une façon toujours identique, dans un temps toujours identique, en n’aspirant plus qu’à la perfection placide de la machine ? Tentation de la mort. Mais la vie se rebiffe et résiste. L’organisme résiste. Les muscles résistent. Les nerfs résistent.
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La peur suppure de l'usine parce que l'usine au niveau le plus élémentaire, le plus perceptible, menace en permanence les hommes qu'elle utilise. Quand il n'y a pas de chef en vue, et que nous oublions les mouchards, ce sont les voitures qui nous surveillent par leur marche rythmée, ce sont nos propres outils qui nous menacent à la moindre inattention, ce sont les engrenages de la chaîne qui nous rappellent brutalement à l'ordre. La dictature des possédants s'exerce ici d'abord par la toute-puissance des objets.

(page 70)
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le vestiaire me fascine. Il fonctionne comme un sas et, tous les soirs, une métamorphose collective spectaculaire s'y produit. En un quart d'heure, dans une agitation fébrile, chacun entreprend de faire disparaître de son corps et de son allure les marques de la journée de travail. Rituel de nettoyage et de remise en état. On veut sortir propre. Mieux, élégant.
L'eau des quelques lavabos gicle en tous sens. Décrassage, savon, poudres, frottements énergiques, produits cosmétiques. Etrange alchimie où s'incorporent encore des relents de sueur, des odeurs d'huile et de ferraille. Progressivement, l'odeur des ateliers et de la fatigue s'atténue, cède la place à celle du nettoyage. Enfin, avec précaution, on déplie et on enfile la tenue civile : chemise immaculée, souvent une cravate. Oui, c'est un sas, entre l'atmosphère croupissante du despotisme de fabrique et l'air théoriquement libre de la société civile. D'un côté, l'usine :saleté, veste usée, combinaisons trop vaste, bleus tachés, démarche traînante, humiliation d'ordres sans répliques ( " Eh, toi!"). De l'autre, la ville : complet-veston, chaussures cirées, tenue droite et l'espoir d'être appelé "Monsieur".
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Il est évident que pour travailler à la chaîne, il est indispensable de présenter de sérieuses garanties de moralité. On ne va pas donner huit cents franc par mois pour dix heures de travail par jour à des gibiers de potence! Mais n'allez pas croire que, cette rigoureuse sélection effectuée, Citroën considère pour autant que ses ouvriers sont d'honnêtes gens. Non. Pour Citroën, tous les ouvriers sont des voleurs potentiels, des délinquants qu'on n'a pas encore pris sur le fait. Nous sommes l'objet d'une surveillance rigoureuse de la part des gardiens, qui procèdent à des fouilles fréquentes à la sortie de l'usine ( "Eh là, toi!.... Oui, toi, ouvre ta serviette"..." Fais voir l'intérieur de ton manteau, ça à l'air gonflé.") . Fouilles humiliantes, tatillonnes, stupides. Sandwichs minutieusement déballés. Pour les ouvriers, bien sûr. Jamais on ne fouillera une de ces voitures de cadres qui circulent librement : tout le monde sait bien qu'ils embarquent des boîtes de vitesse entière et qu'ils se servent sans gêne dans les accessoires. Pour eux, l'impunité est assurée. Mais le pauvre type qu'on aura piqué à sortir un tournevis est sûr d'être licencié sur-le-champ.
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