Je remercie Babelio et les éditions Payot-Rivages pour l'essai d'Arthur Lochmann « La vie solide : La charpente comme éthique du faire. »
L'ouvrage d'Arthur Lochmann est une ode au travail manuel, à la transmission du faire tout autant que du savoir-faire. Délaissant des études de droit et de philosophie, il entreprend un CAP de charpentier et c'est cet apprentissage qu'il nous raconte. Apprentissage d'un travail en groupe, où le « bien faire » est le leitmotiv parce que ça ne pardonne pas : la charpente doit résister pendant des générations, bien au-delà de la carrière professionnelle de l'artisan. Des gestes, une éthique, une posture corporelle, un travail en communauté qui auront des répercussions pour l'auteur sur la manière presque inconsciente de penser le monde, ce qui l'entoure et même ce qu'il est et comment il se représente. Comme un parallèle avec ces gestes qu'on apprend, qu'on acquière et que la main et le corps finissent par faire « instinctivement ».
En ouvrant cet essai, je m'attendais à y lire une approche plus philosophique du travail manuel comparativement au travail dit intellectuel. Et j'avoue avoir été un peu décontenancée par les premiers chapitres, détaillant techniques de la charpenterie, énumérant les outils spécifiques, décrivant la gestuelle, les essences de bois à utiliser selon les chantiers, les charpentes à bâtir ou restaurer. Sûrement autant décontenancée qu'un jeune en apprentissage apprenant tous les termes, les procédés et habitudes de ce milieu artisanal.
Mais comme sur un même tempo, à mesure qu'il prenait de l'assurance, acquise par les gestes appris, répétitifs, par le contact avec le bois et les outils, à mesure qu'il assimilait les outils, de leur nom à leur utilisation, aidé par les échanges avec ses collègues et chefs et par les nouveaux chantiers, je suis entrée dans son récit, dans cette initiation, avec une curiosité de plus en plus exacerbée et plaisante.
Je suppose que cet intérêt et plaisir plus vifs s'expliquent par le fait qu'il ne s'est pas contenté de d'écrire le quotidien d'un charpentier. Tout au long de son récit, comme celui d'un compagnon qui apprend, s'instruit, découvre des savoir-faire, Lochmann appuie ses réflexions par des références sociologiques, philosophiques, historiques et même linguistiques sur le travail manuel, le travail en équipe avec la transmission (de génération en génération) et la confiance qui sont intrinsèques à ce métier, mais aussi sur la conscience du corps, de la posture, de la main qui crée, tient, cloue, lime, scie, touche, caresse, bâtit.
J'ai trouvé qu'il y avait une humanité dans ce récit, dans ce monde artisan qu'est la charpenterie. C'est un vrai microcosme avec ces codes, son langage et ses expressions (apprenant entre autre, que « dans le jargon des compagnons, l'apprenti, qui court partout pour aller chercher ce qu'on lui demande, s'appelle ‘'le lapin'' ») et bien entendu la transmission des savoirs et son éthique du faire.
Malgré parfois des passages un peu trop techniques pour la béotienne que je suis, j'ai pris du plaisir à lire cet ouvrage (vous aurez bien entendu noté la plus que subtile insertion du terme « ouvrage » qui signifie à la fois « texte écrit » mais aussi, selon le Larousse, « un produit du travail de l'artisan ou de l'artiste »).
Son écriture est claire, agréable, parfois drôle lorsqu'il raconte certaines anecdotes de chantier. J'ai apprécié son caractère franc et humble aussi parce qu'il ne cache pas les difficultés d'apprentissage, les plantages -les mauvaises coupes et les faces de contact se plaquant mal les unes aux autres (bref lorsque cela ne « biche » pas)-.
Cela rappelle l'importance de la formation et de la patience. L'importance du temps, de la prise de conscience de ce temps mais aussi de l'espace, en sentant nos pieds bien ancrés sur terre, comme sur un échafaudage. II faut observer les autres, accepter de se tromper, recommencer encore, s'améliorer.
Plaisir de lecture lié aussi à ce sentiment d'avoir appris un peu plus sur une profession, sur l'humain, découvert l'habitus de ce corps de métier. Tout au long de ce récit-essai, Lochmann montre ainsi les valeurs et l'éthique de ce métier et de ces hommes artisans (parfois très proches des artistes).
Cela m'a confortée dans cette conviction de l'importance de la création par ses propres mimines. Faire, créer, bref le processus de création donne du sens (rassérénant pour le coup) et apporte aussi une petite satisfaction dans une ère du tout à la va-vite, de plus en plus vite, une ère du prémâché au supermarché (quel plaisir de préparer un bon repas et oublier les plats cuisinés industriels ; faire pousser ses carottes plutôt que de les acheter au supermarché ; tricoter même de ridicules moufles ou encore donner à ses meubles une seconde vie).
Lochmann montre son plaisir à travailler le bois, d'être souvent en extérieur à pouvoir respirer, contempler la nature, entouré d'hommes qui ont la même foi et le même amour de leur métier et c'est bien là un agréable « bouquet final* ».
(*tradition où l'on installe une branche fleurie au sommet de la « belle » charpente terminée).
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Arthur explique dans un produit marketing à usage unique et oublié demain comment de brillant "philosophe" (sic) et "avocat en devenir" (re-sic) il a consenti à se tourner vers le métier de charpentier (qu'il abandonnera probablement une fois son caprice passé pour rentrer dans le rang de sa classe sociale). Sa généreuse contribution à la charpente se sent dès le titre rédigé dans le jargon imbitable des pseudo-intellos bureaucrates et idéologues de l'Educ' Naz': La Charpente comme... éthique... "du faire". Oui, c'est ridicule. En même temps, c'est pas du français, hein. Donc on s'en cogne.
Marrant comme mon intérêt va plutôt aux gens qui ont fait le parcours inverse exactement, comme Gaston Bachelard, fils de cordonnier, facteur à 16 ans, puis instituteur (après une guerre courageuse), puis licencié de mathématiques, puis professeur de sciences physiques, puis agrégé de philosophie, puis docteur ès lettres à la Sorbonne, puis le génie qu'on sait, Gaston Bachelard, tel qu'en lui-même l'Eternité le fixe. Ou, plus près de nous dans le temps, comme Emmanuel Legeard, sans famille, issu du quartier le plus dur de France, gagnant sa vie comme pigiste, puis reporter, et parallèlement faisant décrocher des médailles d'or à des champions olympiques pour financer son ascension vers le doctorat ès lettres à la Sorbonne, et pour devenir qui on sait. Ca, c'est du mérite, et même plus: de la VALEUR. Mais dans ce pays où le grand, l'immense Michel Siffre est condamné au RSA (inimaginable!) et où Philippe Pujol, prix Albert-Londres 2014, est au chômage de longue durée... on préfère se tourner vers les choses et les gens médiocres, c'est plus rassurant. Ca dilue la responsabilité collective. N'est-on pas dans le meilleur des mondes?
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Arthur Lochmann a abandonné ses études de philosophie et de droit pour devenir charpentier. Cet ouvrage est le récit de son apprentissage. Fils de maçon, c'est parce qu'il avait besoin d'un gagne-pain qu'il a commencé un CAP. Au final, ce métier lui a appris bien plus, et lui a permis de trouver des repères.
L'auteur aborde ici tous les aspects du métier de charpentier, qu'ils soient techniques, historiques mais aussi sociologiques et même philosophiques. La charpenterie nécessite un engagement total du corps et de l'esprit, les outils deviennent des prolongements de la main, le geste et l'intellect sont intimement lié. le rapport au temps est différent, les gestes s'inscrivent dans la durée, dans ceux des charpentiers prédécesseurs et pour plusieurs siècles à venir. La transmission du savoir est essentielle où "les savoir-faire constituent un trésor immatériel qui appartient à toute la société. Chaque ouvrier en est le dépositaire temporaire. A ce titre, sa responsabilité est de la faire vivre en le transmettant."
Il y a un autre aspect de remarquable dans ces métiers c'est la satisfaction du travail bien fait liée "au fait que l'on se sache hautement responsable de son travail. Et cet engagement est d'autant plus fort que les savoir-faire mis en oeuvre sont nombreux, précis et difficiles à acquérir: on se sent d'autant plus auteur d'un ouvrage que l'on a la main sur sa qualité."
C'est un ouvrage étonnant, riche, écrit avec passion. L'auteur livre là une belle réflexion sur les métiers d'artisanat dont il fait l'éloge, comme une réponse possible aux défis de l'époque moderne.
Merci à Babelio et aux éditions Payot-Rivages pour cet envoi!
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Récit et réflexion s'entremêlent dans ce qui est un éloge du travail artisanal, prouvant que le corps et l'esprit ne font qu'un dans la "pensée matérielle". Hommage au beau métier de charpentier qui a conféré de la solidité à l'existence de l'auteur.
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Arthur Lochman présente ici son parcours de vie, en commençant par des études universitaires en droit et philosophie pour finalement se ré-orienter vers le métier de charpentier, à la recherche de concret, à la recherche d'une éthique du faire.
Il est intéressant de noter comment le texte évolue en parallèle de la vie de l'auteur, en parallèle du niveau technique qu'il acquiert sur les chantiers et de la conscience de son geste. D'abord assez simpliste, le discours se densifie et termine presque en apothéose vers une recherche philosophique du travail d'équipe, de la charpente comme état d'être au quotidien.
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