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Critique de traversay


C'en est sans doute terminé des romans "universitaires", irrésistibles de drôlerie, qui ont fait la renommée de David Lodge. Avec L'auteur ! L'auteur !, l'écrivain britannique s'était lancé dans un tout nouveau genre, la biographie romancée, consacrée en l'occurrence à Henry James. Une livre qui n'a pas laissé un souvenir impérissable, pour être honnête, car franchement ennuyeux. Ce n'est donc pas sans appréhension que l'on s'attaque aux 700 pages dédiés à la vie, aux vies plutôt, de H.G. Wells, le célèbre auteur de la guerre des mondes, dans Un homme de tempérament. Une crainte vite dissipée tant Lodge maîtrise son sujet et nous plonge illico dans cet immense chantier que fut l'existence de Wells entre publications innombrables, engagement politique, participation à la vie littéraire de l'époque et aventures sentimentales et sexuelles si variées qu'elles feraient passer Casanova pour un ascète. Apôtre de l'amour libre, l'auteur de L'homme invisible a largement mis en pratique ses théories, quitte à scandaliser la société anglaise puritaine de l'époque et mettre en péril sa réputation d'homme public. On ne retrouve pas dans ce "roman" la verve drolatique de Lodge, celui-ci s'est mis entièrement au service de son sujet et c'est davantage dans la construction de son livre et quelques figures de style qu'il imprime sa marque. L'une d'entre elles consiste, à intervalles réguliers, à interrompre le récit factuel pour pratiquer des auto-interviews de Wells, fictives évidemment, pleines d'ironie, et qui font office de respiration au coeur d'une narration qui enchaîne les événements à une cadence rapide. L'avantage de ces confessions intimes de Wells est de sauter parfois des années entières, résumées en quelques lignes, et d'approfondir le moi profond de ce personnage bourré de contradictions, aussi génial et visionnaire (imaginer la bombe atomique et l'approche d'une guerre mondiale, dès le début du vingtième siècle, par exemple) que d'une candeur et d'une mauvaise foi parfois désarmante. Ainsi était Wells, entraîné dans une tourbillon incessant, dont on se demande comment il arrivait à contrôler les dommages collatéraux d'une vie passée à concilier plaisirs et travail. Au-delà de son personnage principal, Lodge brosse le portrait d'une époque et d'un milieu, d'où émergent une brassée de rôles secondaires, qui occupent tour à tour le devant de la scène. Sa deuxième femme, Jane, est très présente. Incapable d'assouvir les appétits charnels de Wells, elle devient sa confidente, son amie, sa conseillère ès adultère, celle qu'il ne délaissera jamais. Plus que complaisante, elle est du genre à acheter la layette pour l'enfant qu'attend l'une des maîtresses de l'écrivain, avec laquelle elle entretient d'ailleurs des relations plus qu'amicales. Et des maîtresses, dieu sait s'il y en eut, des passades souvent, et quelques amours véritables, où la sensualité jouait un très grand rôle, conformément aux besoins de Wells en la matière. Doté d'un physique plus que banal, il fut pourtant toujours le chassé plutôt que le chasseur, surtout quand la Diane qui le convoitait était une jeune femme fraîche et aussi avide de plaisirs horizontaux que le maître. Peut-on reprocher à Lodge d'avoir conçu son roman autour des amours de Wells ? Certainement pas, d'une part parce que c'était l'une des caractéristiques principales de l'écrivain, et, d'autre part, parce qu'il ne néglige pas pour autant les autres aspects de sa personnalité, son oeuvre littéraire, incroyablement abondante, ses relations avec ses confrères (sa correspondance avec Henry James, de par son onctueuse hypocrisie, est savoureuse) et son implication dans la vie publique et politique, lui qui traversa deux guerres mondiales. Alors, roman, biographie, ou un mélange des deux, qu'importe ! Un homme de tempérament est un livre passionnant de bout en bout, clair, dynamique, et qui agit comme un puissant aphrodisiaque.
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