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Critique de Erik35


Smoke Bellew (qu'un éditeur farfelu -Hachette- ou en mal de ventes, avait fait traduire en "Beliou la Fumée" dans les années 70, pour le plus grand malheur de ce chercheur d'or tellement américain, dans l'esprit, l'âme et le coeur, que tenter de traduire son pseudonyme était stupide autant qu'inutile) n'a pas chez nous le même succès que les aventures glacées d'un superbe et attachant Croc-blanc (dont les éminentes éditions Phébus/Libretto propose une toute nouvelle traduction que j'ai hâte de découvrir. Fin de la coupure promotionnelle !!!) ni du féroce et saisissant Appel sauvage (traduit malheureusement en France par l'Appel de la forêt), ce Bellew n'a sans doute pas la résonance aussi révolutionnaire que quasi-mystique d'un Vagabond des étoiles, ni la force tragique et envoûtante du chef d'oeuvre absolu de Jack London -de mon point de vue- qu'est Martin Eden. Non ! Rien de tout cela avec Smoke Bellew.

Et pourtant... Et pourtant, c'est un des meilleurs London que j'aie jamais lu ! Jubilatoire, enthousiasmant, souvent drôle, parfois totalement et volontairement loufoque, parfois sauvagement tendre aussi, ce texte est purement jouissif et même si quelques jours ont passé depuis que j'en ai refermé la dernière page, cette succession ininterrompue de courts récits -à la manière d'épisodes plein de rebondissements et de vie d'une bonne série aventurière, si nous étions devant la petite lucarne, n'était l'impossibilité historique de la chose- dans lesquels on admire, souvent ébahi, notre jeune pied-tendre de héros, ce « chekako » comme on les appelle au Klondike, sortant tout juste des salons chauds et feutrés du San Fransisco de l'époque et de la feuille de choux où il se fait largement exploiter, devenir un véritable « mangeur de viande », en deux mots : un chercheur d'or, pur jus, pure malice, pures souffrances aussi -parce que même si l'ensemble se veut positif et souriant, la peine, les malheurs, la mort elle-même, liés à ces contrées si dures, ne sont jamais très éloignés.

Alors, tant pis si, pour l'ultime ouvrage nous contant les aventures du nord canadien qui lui ont apporté le succès que l'on sait, Jack London recycle de manière plus ou moins ouvertes des nouvelles parues dans des recueils plus anciens (l'histoire de cette indienne se sacrifiant pour notre héros existe déjà dans le Dieu de ses pères. Quelle importance si notre génial auteur donne une seconde vie, d'une manière parfaitement inattendue, à l'histoire de ce fonctionnaire pris par le démon des affaires et qui tente de rallier le Klondike avec une cargaison de plusieurs milliers d'oeufs, histoire que l'on peut découvrir dans "Parole d'homme" ?

Du début à la fin de cet ouvrage, on est littéralement pris par les aventures de ce Candide à la sauce californienne -un Californien dans les "fumées" de neige que ses maladresses innocentes et rocambolesques transforment en marque de fabrique et, peut-être, en commencement d'histoire d'amour...-, on se pose à la fin de chaque nouvelle aventure plus ou moins croquignolettes en songeant que c'est aussi peu réaliste que probablement pas si éloigné d'une certaine réalité de cette époque totalement folle, inconsidérée, énorme lorsque l'on songe un instant aux conditions dans lesquels ces hommes -ou femmes. Et quelles !- se rendaient, avec le strict nécessaire, en ces lieux inhospitaliers autant que reculés.

Ce beau presque-roman de formation, d'initiation, est aussi traversée d'une superbe histoire d'amitié virile et fraternelle mais tendre, fugacement. C'est, en filigrane, une déclaration d'amour à ce nord impossible et vrai qui failli coûter la vie à London, avant que de lui donner matière à en vivre, une déclaration toujours forte et sans barguignage aux femmes et à "la femme", ainsi que l'ensemble de son oeuvre passée ou à venir, de même que sa vie, le prouvent. C'est, peut-être, l'ultime regard nostalgique d'un homme qui doit tant à ces quelques mois d'aventures -vraies, pour le coup- qui lui vaudront le surnom de "Kipling du nord". Mais, toujours, accompagné de cet énorme éclat de rire. le rire intangible et pur de toute malhonnêteté de notre étonnant Smoke Bellew !
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