Citations sur Pennyroyal Green, tome 11 : La légende de Lyon Redmond (10)
Ce sourire… une porte ouverte sur un univers dont il n’avait jamais soupçonné l’existence. Il comprenait subitement la signification du mot « joie », ce petit mot de quatre lettres, ce sentiment simple et profond – une flamme soudaine dans le noir.
On prétendait qu’il excellait sans effort dans tout ce qu’il entreprenait. C’était faux. Il se focalisait sur ce qu’il voulait maîtriser et y consacrait toute son énergie, méthodique et implacable, qu’il s’agisse de mathématiques, de cricket, d’escrime, de tir au pistolet. Ou d’une femme. Il obtenait effectivement toujours ce qu’il voulait, mais il veillait à cacher le travail acharné qu’il lui avait fallu fournir pour cela. Il connaissait depuis toujours le pouvoir de la subtilité et de l’effet de surprise. Chez les Redmond, c’était inné. Au bout du compte, s’il avait le choix, Lyon déciderait probablement de rester lui-même.
Il avait cependant de plus en plus l’impression d’être un taureau de concours condamné à rester enfermé dans un enclos doré, du moins jusqu’à ce que son père, Isaiah Redmond, juge que le moment était venu pour lui de féconder la génisse aristocratique qu’on lui aurait au préalable sélectionnée.
Le roseau plie mais ne rompt pas.
L’illustrateur avait dessiné une femme.
Elle s’en approcha avec circonspection, et fut soulagée de constater que la femme était plutôt jolie. De longs cheveux noirs lui tombaient dans le dos et elle était vêtue d’une élégante robe bleue – la couleur préférée d’Olivia. Ses seins généreux – l’artiste avait à l’évidence une prédilection pour les poitrines opulentes – tendaient dangereusement son corsage. Une espèce de dentelle posée sur sa tête descendait jusqu’au sol.
De toute manière, une femme doit avoir des passions.
Maudits Français ! L’amour… ils n’avaient que ce mot à la bouche. Un mot naguère magique, qui semblait aujourd’hui grotesque et hérissé d’épines.
Elle adorait flâner dans la boutique de l’éditeur, examiner les nouvelles gravures et les menus objets, souvent ravissants, qu’on y vendait – c’était là qu’elle avait déniché son étui en écaille pour les cartes de visite.
Il lui donnait aussi d’autres petits noms qui commençaient tous par « mon ». Mon cœur. Mon amour. Il enfilait ces mots-là comme des perles, avec la candeur et l’imprudence de ceux qui n’ont jamais souffert. Tous deux avaient compris depuis le mal que pouvaient faire les mots.
Opter pour le ruban argenté ne manquerait pas d’ironie : la pauvre princesse Charlotte avait épousé celui qu’elle avait choisi au lieu de se marier avec l’homme que lui destinait son père.
Les hommes sont prêts à faire pour les femmes des choses auxquelles, dans leur état normal, ils ne consentiraient jamais.