AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de bdelhausse


Comme l'écrit un Babeliote dans une très longue chronique de ce roman (à laquelle je souscris globalement même si le nombre respectif d'étoiles est très différent), il est difficile d'avoir un avis tranché de ce roman. J'aurais dit "un avis objectif". Mais il n'est certainement pas nécessaire d'avoir un avis tranché ou objectif.

J'ai pris le roman dans les tripes. OK, il y a un étalage malsain. OK, Edouard Louis dit du mal -abondamment- de sa famille. Familles, je vous hais... comme disait l'autre. OK, OK, OK, mais comme Springora dans le Consentement, il y a bien davantage que cela dans cet "étalage"...

Par un subtil effet du hasard, j'ai lu la vraie vie d'Adeline Dieudonné il n'y a pas si longtemps. Et il y a des similitudes dans les univers décrits. Patriarcat, racisme, idées préconçues, place de la télévision... Et j'ai aimé les deux romans, fatalement.

Edouard Louis décrit de manière cash sa relation aux autres dans son enfance. La découverte de son orientation sexuelle. Les moqueries, les coups, les crachats, les vexations et tout le reste. Ecriture rock'n'roll, sans fards ni faux-semblant. Edouard Louis appelle un chat, un chat", fatalement dirais-je. Et c'est pour cela que cela provoque le dégoût ou le malaise. le rejet. Car finalement, ce qui est décrit semblerait appartenir au XIXè siècle, à Zola. Alors que c'est quasiment du présent. Fin 1990, début 2000. Et si vous cherchez bien, cela existe encore. Il ne faut pas chercher très loin.

Il n'est pas inutile de revenir sur le costard qu'Edouard Louis taille à sa famille. On lit aussi beaucoup de tendresse envers sa mère. Il y a énormément d'empathie et de compréhension par rapport à ce qu'est devenu son père. Et même s'il éprouve de l'indignation envers les gens qui le jugent et n'ont pas les mêmes préventions envers son cousin (avec qui il a des relations sexuelles), il ne semble ni vindicatif ni en réellement en colère. Il arrive à se détacher, à regarder les choses de loin, dépassionnées.

Il est sans nul doute facile pour nous de tout remettre sur la Picardie, ben oui vous savez, le Nooooooord, que des dégénérés, consanguins comme une célèbre banderole de foot... Outreau, Fourniret... la pomme ne tombe jamais bien loin de l'arbre. Je ne serais pas aussi affirmatif pour balayer cette réalité d'un revers de main. Pour Edouard Louis, cela ne doit pas être si facile que cela de haïr sa famille, de haïr ses proches, d'avoir tracé sa route sans ami, craignant le moindre couloir de lycée, etc.

Bornons-nous à remarquer que personne ne semble avoir essayé de défendre Eddy Bellegueule... Pas le moindre oasis de tempérance, de soutien dans les mémoires de son enfance. le comble du pathétique se voit quand lui-même en arrive à exprimer sa haine des homosexuels. Cela m'a fait penser à un Australien élevé dans la haine et le mépris de l'arborigène et découvrant à 21 ans qu'il en était un lui-même (pris à sa famille alors qu'il était nouveau-né et placé dans une famille "comme il faut"). Renier, haïr, mépriser ce que l'on est, c'est la pire des tortures. Et ce roman cathartique permet à Edouard Louis de jeter cela à la face du monde. Je vois du courage dans cette remise à plat de ses origines. C'est ce que je choisis de retenir de son long cri de douleur. Je vois aussi le parcours, la résilience, le développement, l'affirmation de soi. Il dit à ses tortionnaires, ses bourreaux: "vous avez essayé de m'annihiler, vous avez loupé votre coup". Et je tire mon chapeau. Qu'aurais-je fait si j'avais croisé Eddy Bellgueule? Aurais-je tourné la tête? Aurais-je hurlé avec les loups en brandissant mon jaune à peine dilué? Aurais-je craché une bile amère, relents d'intolérance et de xénophobie, sur son corps efféminé?

Je lis pour m'instruire, pour me distraire et me délasser, mais surtout je lis pour être secoué, déstabilisé, remis en question. Sur ce point, je ne suis pas déçu par ce roman clairement autobiographique.
Commenter  J’apprécie          212



Ont apprécié cette critique (21)voir plus




{* *}