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Critique de Woland


Woland
05 septembre 2015
A Case Of Spirits / le Médium A Perdu Ses Esprits

Retrouvé dans les innombrables cagettes où, faute de mieux, je range les livres qui me sont tous revenus de chez ma défunte génitrice (y compris une "Histoire des Papes" qui a malheureusement reçu l'imprimatur et qui date un peu puisqu'elle s'arrête à Jean-Paul II), ce "Médium a Perdu Ses Esprits", en dépit d'un certain ton humoristique (Grande-Bretagne et Londres, où se déroule l'action, obligent) n'est pas de ces livres qui vous laissent un souvenir inoubliable. D'ailleurs, voyez-vous, je me demande bien de quoi je vais bien pouvoir vous entretenir dans cette petite fiche.

Nous sommes à la fin du XIXème siècle, une époque où le spiritisme est devenu à la fois un sport, une mode et une folie (parfois les trois) pour certains. du plus humble représentant de la faune cockney jusqu'au plus distingué représentant de l'entourage de Sa Très Gracieuse Majesté, tout le monde se presse pour invoquer les esprits et faire tourner les tables. Comme autres spectacles de choix, signalons les mains lumineuses (et parfois baladeuses) qui flottent dans l'air, les haleines glacées qui soufflent sur les nuques délicatement découvertes des dames (les esprits ont un faible pour les dames, semble-t-il ), les productions ectoplasmiques un peu moins prisées comme les gros orteils (véridique), les bras ou même les visages énigmatiques, les célébrités professionnelles dont les américaines soeurs Knox ou le très écossais Daniel D. Home et, un peu plus tard il me semble, le cas, très ambigu, de l'Italienne Eusapia Palladino. le problème, c'est que, bien au-dessus de tous ces spectres étudiés et quasi en permanence, c'est avant tout celui de la supercherie qui plane, avec ses ailes de chauve-souris tout en dollars, en livres sterling et en francs-or. Une plaque photographique, ça peut se truquer - et le temps n'est pas loin où, au cinéma, Georges Méliès poussera la pratique, au début tout à fait par hasard, jusqu'à sa perfection. Un medium, fût-il pratiquement intégralement dévêtu (ou, à tout le moins, revêtu d'un chaste maillot) et soigneusement ligoté, peut se révéler un redoutable et merveilleux contorsionniste. Pour être clair, il y a, entre le spiritisme et l'illusionnisme, de bien troublants points communs ...

Dans quelques cas, c'est vrai, l'histoire ne peut s'expliquer de manière matérielle et logique. Mais c'est rare, très rare ... N'empêche que les cas existent - et qu'il y en a encore aujourd'hui. N'oublions pas que ce sera la Grande-Bretagne qui donnera en quelque sorte ses lettres de noblesse à la vérité des expression spectrales avec l'hallucinante mais incontestable "An Adventure", vécue par Miss Jourdain et Miss Moberley, en août 1905 (je crois), dans les jardins de Trianon.

Pour en revenir à notre domaine policier, Lovesey nous offre ici le cas typique, mais sans beaucoup d'imagination, d'un riche notable londonien, le Dr Probert, qui organise des séances chez lui car il est persuadé du talent du jeune Brand, que lui a recommandé, il est vrai, un autre medium, sensiblement plus âgé, dont la réputation n'est plus à faire et qui n'a jamais été pris en flagrant délit de tricherie, le Pr Eustache Quayle. le bouche à oreille fait rapidement le reste : pour dix guinées, offrez-vous donc, chers amis, l'une des "matérialisations" de Brand.

Que vient faire la police là-dedans ? Après tout, ni Brand, ni Quayle ne mettent un pistolet sur la tempe des amateurs pour les faire s'asseoir devant la table traditionnelle. Soit. Mais il se trouve que, dans deux maisons où a officié Brand, deux cambriolages ont été effectués - une porcelaine de Worcester dans l'une et une toile un peu "coquine" dans l'autre. Sous les ordres de l'Inspecteur Jowett, Scotland Yard prend donc l'affaire en mains et s'infiltre dans d'autres réunions du Dr Probert tout en se livrant au délicat exercice de marcher sur des oeufs. Coup de théâtre au cours de l'une d'entre elle : Brand, qui avait accepté le principe de "la chaise électrique" afin de matérialiser un esprit, se retrouve ad patres - et pas bien joli à regarder. du coup, les cartes sont à rebattre et à redistribuer : en admettant même que Brand eût été un charlatan, un vrai de vrai, qui aurait-eu intérêt à le voir rejoindre cet Au-Delà qu'il célébrait en termes si riches et si vibrants ? Et surtout de cette manière horrible, alors que tous les assistants savaient que deux policiers se trouvaient parmi eux ? Sur cette question-là, aucun doute : il y a un tueur dans le groupe.

Raconté comme ça, ça a l'air assez passionnant. Mais l'ouvrage, malgré quelques bonne touches d'humour, çà et là, est loin, bien loin, de tenir ses promesses. Soit conviction personnelle, soit manque d'imagination, l'auteur n'a pas même songé à glisser, au milieu des grosses ficelles de tous ces actes de charlatanerie, le "petit incident" tout à fait inexplicable - matériellement parlant. Contrairement à ce que fait, par exemple, l'excellent Robert van Gulik dans "Trafic d'Or sous les T'ang", la première de ses aventures du Juge Ti.

Dommage, vraiment dommage ... Passez au large de ce médium qui a perdu ses esprits : en fait, il n'en avait aucun. ;o)
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