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Citations sur La baignoire de Staline (64)

– Tskaltoubo… Je me demande bien ce que vous avez à y faire. Autrefois, on l’appelait « la capitale du thermalisme ». Ce fut l’un des projets pharaoniques de Joseph Staline. Mais il n’y a plus rien là-bas. Que des ruines. Comme tout ce qu’il a construit, du reste.
Sa femme se leva soudainement en écrasant sa cigarette d’un geste agacé.
– Je te rappelle tout de même qu’il a vaincu Hitler, lâcha-t-elle avant de disparaître.
– Oui, murmura Kartadze, comme s’il se parlait à lui-même. Mais pas tout seul. Avec l’aide de vingt millions de pauvres bougres soviétiques qui y ont laissé leur peau…
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– Mon ambassadeur prétend que ce sont les Géorgiens qui ont codifié la tradition des banquets soviétiques. C’est vrai, d’après vous ? demanda Turpin au moment où une serveuse déposait sur la table une montagne fumante de khinkalis.
Kartadze ferma les yeux en humant la brume odorante qui s’élevait entre eux. Les raviolis étaient encore trop chauds pour être engloutis.
– Son Excellence n’a pas tort. Même si, bien sûr, les Russes n’ont pas eu besoin des Géorgiens pour apprendre à ripailler. Mais il est vrai qu’une bonne partie du rituel de ces banquets – en particulier la désignation d’un des convives pour prononcer les toasts, l’ordre des discours – est d’origine caucasienne. Tout cela s’est solidifié à Moscou sous le règne de Staline. Pendant trente ans, les Géorgiens ont investi le Parti et pullulaient dans tous les secteurs de l’État soviétique. Un peu comme si votre Napoléon avait placé des Corses à tous les postes-clés de son empire, et transposé en France des traditions séculaires de son île. Avouez que c’est tout de même une drôle d’histoire.
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Vous savez que les archives locales du KGB ont été rapatriées en Russie en 1991, à la chute de l’Union soviétique. Elles sont centralisées sous bonne garde à Smolensk. Il est quasiment impossible d’y accéder. A moins d’être très bien introduit. Et russe, bien sûr.
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Il songeait avec mélancolie au moment où il lui faudrait quitter son poste, dans quelques semaines, après quatre années de séjour. Il avait aimé ce pays. Sous l’âpreté montagnarde des Géorgiens se cachait une douceur de vivre qu’on apprenait au gré de leurs banquets joyeux et généreux, de leurs chansons tristes, de leurs danses. A la violence des mœurs caucasiennes répondait une nonchalance orientale dont on s’imprégnait pas à pas, sans hâte, avec la satisfaction de celui qui vient de loin et qui est bien accueilli. La nature était grandiose et presque intacte, ce qui était rare dans l’ancien Empire soviétique. La nourriture, sublime, il n’y avait pas d’autre mot, même dans la bouche d’un Français convaincu de son bon droit.
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Bien sûr, la courte guerre survenue l’été précédent avait perturbé son plaisir et sa tranquillité. En quelques jours, après un coup de poker tenté par le président et aussitôt perdu, l’insatiable ogre russe avait arraché d’un coup de griffe un nouveau lambeau du sol géorgien.
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Sur un côté du bureau trônaient une dizaine de matriochkas colorées, rangées en ordre croissant. Nougo dut se pencher pour s’apercevoir qu’elles représentaient les maîtres de la Russie depuis Nicolas II. La plus volumineuse des poupées figurait un Vladimir Poutine dodu et satisfait. Il est vrai qu’elle avait vocation à contenir toutes les autres.
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Imaginez-vous ce qu'a pu être son existence, une fois là-bas...L'isolement, la méfiance. les Russes lui livraient des exemplaires du Times vieux de plusieurs semaines. A ce qu'on raconté des amis qui lui ont rendu visite, l'Angleterre lui manquait. Des petits riens. Il suppliait ses visiteurs de lui apporter des produits typiquement britanniques. De la moutarde de chez Colman's. Des petits pots de Marmite.
Turpin frémit à l'évocation de telles tortures alimentaires qui, chez un Français, auraient justifié toutes les trahisons du monde. Le Cloarec semblait sur le point de vomir.
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En visionnant les clichés, Turpin se souvint des mots de Kartadze. Attendez-vous à découvrir un paysage de ruines. La plupart des photos avaient été prises à l'intérieur de bâtiments déglingués. Des salles de bains aux carrelages fendus. De grandes chambres au parquet arraché. Du matériel médical vieillot, gravé de caractères cyrilliques. De vieux téléphones. Le diplomate crut reconnaître une immense salle de théâtre dont tous les fauteuils avaient perdu leur cuir. Une salle de bal, aussi, aux murs noircis. L'ensemble produisait une impression d'absolue dévastation, comme au lendemain d'une bataille.

- Comment savez-vous que ces clichés ont été pris à Tskaltoubo ? demanda Turpin. Vous en êtes sûr ?

Le visage de Shenguelia se crispa dans un rictus à la fois gêné et douloureux. Il semblait hésiter à poursuivre.

- J'en suis certain. J'y ai moi-même vécu, lâcha-t-il.

Comme le diplomate ne disait rien, il se força à continuer.

Les mots sortaient difficilement.

- Ma famille... Nous sommes des réfugiés d'Abkhazie. Vous savez, à la chute de l'URSS, il y a eu une guerre terrible. Les Abkhazes, dont le territoire faisait pourtant partie de la Géorgie, ont voulu leur indépendance. Ils étaient soutenus par l'armée russe. A la fin des combats, les Géorgiens de souche ont dû s'enfuir. Plus de deux cent mille réfugiés... A l'automne 1993... Ma grand-mère, ma mère et moi, nous étions parmi ceux-là. Le gouvernement ne savait pas ou nous mettre. On nous a dispersé ici et là. Pour nous, ça a été Tskaltoubo. Avec des milliers d'autres. Les sanatoriums étaient vides depuis deux ans. Alors on nous a parqués là. Sans aide, sans rien. On avait tout perdu.
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[...] On parle des années 1960. La construction du Mur de Berlin en 1961. La crise des missiles à Cuba en 1962. La tension était à son comble entre les deux blocs quand Philby a gagné Moscou, en janvier 1963.
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[...] À cette époque-là, il faut être capable de se figurer ce qu’a été la guerre froide. Le niveau de paranoïa que les deux camps avaient atteint. La défection de Kim Philby a représenté, à cet égard, un point culminant. Pour nous, à Londres, ce fut un désastre absolu. La crédibilité de nos services secrets mit des années à s’en remettre. Aux États-Unis, dans un sens, ce fut pire encore. Parce que Philby avait servi à Washington et embobiné tout le monde là-bas aussi.
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