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3,27

sur 66 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
°°° Rentrée littéraire 2022 # 36 °°°

« Je me contemplai dans le miroir. J'y reconnus une femme jeune, mais déchue. Je me penchai pour presser ma bouche contre le miroir. La buée se diffusa sur le verre comme de la vapeur dans une pièce où quelqu'un avait dormi aussi profondément qu'un mort. Derrière moi, la pièce se reflétait. Sur le lit se trouvaient des épingles à cheveux, des somnifères et des culottes de coton. Sur le drap, il y avait des taches de lait et de sang. Je pensai : si quelqu'un prenait une photo de ce lit, toute personne sensée se dirait qu'il s'agir de la reconstitution du meurtre d'une petite fille où d'un enlèvement particulièrement brutal. Je savais que la vie d'une femme pouvait se transformer à tout moment en scène de crime. Je n'avais pas encore compris que je vivais déjà dans cette scène de crime, que la scène de crime n'était pas le lit mais mon corps, que le crime avait déjà eu lieu. »

Ce sont les premières phrases de cet étrange roman aux allures de conte inquiétant. La narratrice Rafaela s'apprête à quitter sa famille pour venir travailler dans un immense hôtel isolé du Nord de l'Italie, aux allures de sanatorium d'un film d'horreur ou du moins d'une époque révolue. Sous la houlette de trois austères matrones, elle apprend avec huit autres jeunes filles de dix-neuf ans à cuisiner, nettoyer, repasser, plier sans qu'aucun client ne vienne occuper les nombreuses chambres disponibles.

« Je les appelais chambres fantômes, pas parce qu'elles étaient hantées, mais parce que ces chambres, qui ne recevaient jamais la visite de personnes, se mettaient tout simplement à attirer le mal. Ces chambres portaient toutes une odeur désagréable qui ne semblait pas avoir de source. Elles sentaient la viande crue et la moisissure rouge, comme si elles étaient détruites de l'intérieur, comme si elles aspiraient l'eau putride d'un endroit caché sous la bâtisse. »

Strega ( « sorcière en italien ) est un roman atmosphérique qui distille un poison à action lente et un malaise insaisissable, hypnotisant le lecteur dans une rêverie gothique matinée de références cinématographiques ( Virgin suicides, Suspiria, Melancholia entre autres ). L'écriture incantatoire de Johanne Lykke Holm est de grande qualité, faisant naître des images horriblement belles, souvent surréelles. Elle crée des paysages intérieurs puissants qui mobilisent tous les sens ( surtout le sixième ) d'un lecteur troublé et vacillant, toujours à l'affût des perceptions et sensations ainsi convoqués.

L'expérience littéraire est incontestablement forte mais je n'y ai pas adhéré. Surtout je n'ai pas tout compris. Parfois, cela ne me dérange pas de me laisser porter par un récit sibyllin, cette fois, oui. Derrière le conte à l'esthétique empreinte d'une poésie ténébreuse, se cache un manifeste féministe. Rafaela et ses compagnes doivent lutter contre un destin prédéterminé par un patriarcat diffus. Elles héritent d'une société où on leur dicte ce qu'elles sont censées attendre du monde, devant se soumettre à une violence masculine qu'elles devront endurer sans moufter. La sororité sera leur échappatoire. le problème de cette lecture est le symbolisme omniprésent derrière des phrases souvent alambiquées, sursaturées de métaphores. Cette intense surexplication de tout a achevé de m'épuiser, rendant les 50 dernières pages ( d'un récit plutôt court ) fastidieuses.
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Strega, un petit village coincé au fond d‘une vallée. Un hôtel sans clients perdu dans les montagnes. Un improbable gynécée. Un couvent de bonnes soeurs peu dissertes (pléonasme). Une ambiance éthérée, entre mystères avérés et suspicion de consommation excessive de psychotropes. Un récit entre cauchemar et réalité, sans qu'on sache si c'est du lard ou du cochon. Parfois onirique, souvent n'importe quoi. J'entends l'auteure se marrer et dire à haute voix, entre deux calices d'absinthe : « allez hop, cette phrase aussi je l'écris, je les emmerde, j'ai des super pouvoirs, je fais ce que je veux de mon génie ».
Il m'est arrivé de penser que ce livre était une perle, un « ovni » comme on dit, un truc perché entre Stephen King et Edgar Allan Poe. Et puis, mon verre de Vermentino se vidant inexorablement, je me reprenais, redevenais lucide et le constat fusait, sans appel : « mais oui, on dirait un épisode de Scoubidou ! » Dans une version romancée, bien évidemment, tout en retenue et prose bien léchée. D'ailleurs, quand je m'ennuyais en suivant l'énième divagation de la femme de chambre, j'ai eu cette illumination : dans Scoubidou, le coupable déguisé en monstre c'est toujours un promoteur immobilier qui veut chasser les habitants de la clairière pour construire son lot de maisons Kaufman & Broad.
Il est là le problème. Personne ne veut s'installer à Strega. Tout le monde s'en tape. Quant à l'hôtel Olympic, j'ai cru un instant qu'il serait le théâtre de jolies scènes olé-osée à la « Eyes wide shut » - version lesbienne. Que nenni, ni frisson, ni guili. J'ai fini ma bouteille de Vermentino et je ne sais toujours pas pourquoi ces filles sont parties jouer à cache-cache dans ce trou perdu.
Bilan : 🌹🔪
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Neuf jeunes filles de 19 ans sont envoyées par leurs parents à l'hôtel l'Olympic sur les hauteurs du village de Strega. L'établissement est imposant et luxueux, mais aucun client n'y vient jamais. Les filles répètent les gestes du ménage, apprennent à repasser, cuisiner, récurer, dans l'attente que quelqu'un vienne. Elles sont chaperonnées par trois femmes, tour à tour sévères et laxistes. Epuisées par leur journée de labeur, elles se retrouvent le soir au parc ou dans le dortoir, à se raconter des histoires, à boire de la liqueur et à fumer des cigarettes. Elles se soutiennent et finissent par ne faire qu'un, quand l'une d'entre elles disparaît...

Voici un roman singulier, à l'écriture onirique et flirtant avec le fantastique et le conte. J'ai aimé l'univers intemporel et magique de sorcières, de fêtes païennes et de bacchanales. Les nonnes y sont inquiétantes.

« Strega » a justement été comparé à l'univers de Sofia Coppola. J'ai aussi pensé au film « The Lobster » de Yórgos Lánthimos qui se passe dans un palace et qui est tout aussi absurde.

La place des femmes dans la société et leur vulnérabilité face aux hommes y sont mises en lumière car « la vie d'une femme peut se transformer à tout moment en scène de crime ».

J'ai aimé l'écriture si spéciale de l'autrice. J'adorerais en lire un recueil de poésie. Sauf que pour le genre du roman, le style prend trop de place à mon goût au détriment du scénario et de la construction des personnages.

Passée l'enchantement de cette plume métaphorique et de l'ambiance si mystérieuse, je me suis ennuyée, bien que le texte soit court. J'ai attendu quelque chose, je me suis perdue dans le style ampoulé, voire prétentieux, sans aucune respiration... et j'ai été soulagée de l'avoir terminé.

Je reconnais le talent d'écrivaine de Johanne Lykke Holm et respecte le beau travail des éditions La Peuplade. Mais si je suis honnête et que je note par rapport à mes sensations de lecture, je ne peux pas mettre plus de la moyenne.

J'attends avec hâte vos retours sur ce livre que l'on adore ou que l'on déteste !
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Neuf jeunes femmes se rencontrent à l'Hôtel Olympic, perdu dans les montagnes italiennes. Elles sont venues y apprendre les métiers de l'hôtellerie mais surtout tout ce que doit savoir une jeune femme : la propreté d'une maison, la préparation des repas, le service ainsi que le respect d'une discipline stricte. Les filles nettoient, repassent, font les lits, préparent ce grand hôtel vide dans l'attente des clients. Mais il n'y a jamais de client. Elles font tout cela sans but, sans raison. La narratrice est l'une d'elles et décrit chaque activité, mais aussi les odeurs, les sons, les goûts, les pensées indicibles dans une atmosphère qui oscille entre onirisme, étouffement et incertitude.
Je suis passée à côté de ce texte pourtant singulier. C'est trop ambigu, on ne sait pas exactement ce qui se passe, ce qui relève de la vérité, du rêve ou du cauchemar. J'ai pourtant apprécié l'aura de ce texte dans un décor intemporel mais je n'ai pas compris les intentions de l'autrice et au final l'histoire en elle-même m'a échappé.
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Strega : un roman pour le moins bizarre, sans réelle intrigue, porté par une narration détachée aux accents hypnotiques et qui m'a rebutée dès les premières pages. Je sentais poindre l'ennui carabiné quand, à force de persévérance, l'envoûtement m'a emportée. J'ai continué ma lecture sur le souffle de cette écriture particulière, ne m'attendant à rien d'autre qu'à psalmodier les mots jetés sur la feuille, évocateurs à l'extrême, un livre en odorama, relevant du genre gothique sans en avoir les qualités attendues.
Un roman qui, sitôt terminé, sera malheureusement vite oublié.
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On sait assez peu de choses de Johanne Lykke Holm, l'auteure de Strega. Elle est née en 1987, a traduit des ouvrages du danois au suédois et enseigne l'écriture des femmes à l'École des Sorcières (Hekseskolen) au Danemark. Oui, l'école des sorcières, alors est-ce donc un hasard si son roman s'intitule Strega (sorcière en italien) ? Étrange livre, en tous cas, c'est plutôt un euphémisme, ouvert à tous les vents de l'interprétation où tout semble provenir d'un rêve, ou plutôt d'un cauchemar. Neuf femmes de dix-neuf ans, dont la narratrice, ont rejoint en même temps l'Hôtel Olympic, un établissement isolé des Alpes. Elles ont été envoyées là par leurs parents pour apprendre à devenir des femmes au foyer, en se formant au service des clients. Sauf qu'il ne vient jamais personne dans l'hôtel et que le quotidien ressemble à celui d'un jour sans fin, à ceci près que l'angoisse s'installe et que les repères de la réalité s'estompent peu à peu. Livre de la sororité inquiète, aux allures de conte gothique, Strega semble comme une allégorie de la condition féminine et de la peur de la prédation masculin, entre autres choses. Dans cette atmosphère à la Shining, le style de l'écrivaine prévaut sur le récit lui-même et, par conséquent, le lecteur est soi emporté par l'écriture de Johanne Lykke Holm et de sa traductrice (avec une orgie de passé simple), soit rapidement déconnecté et incapable d'en saisir l'intérêt profond. L'auteur de ces lignes doit humblement confesser qu'à son grand regret, et malgré ses efforts, il appartient à la seconde catégorie.
Lien : https://cinephile-m-etait-co..
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Strega est un roman troublant, dont l'intérêt tient essentiellement à l'ambiance qu'il met en place. Les amateur·ices de David Lynch, de Suspiria ou de Pique-nique à Hanging Rock apprécieront sans doute son côté gothique et mystérieux. Si on ne le lit pas pour son intrigue, c'est un roman intéressant, avec un style d'écriture qui parvient très bien à susciter une atmosphère onirique. Entre délire collectif, rituels de sorcières et métaphore de la violence sexiste de la société, les interprétations ne manquent pas et restent en suspens. Si je suis un peu frustrée que l'histoire ne soit pas servie avec ses clefs de lecture, j'ai quand même passé un moment de lecture globalement agréable et envoûtant.
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Mars, le mois qui me rappelle que je n'avais pas encore beaucoup lu d'autrices cette année. J'ai donc choisi deux publications assez récentes, les romans de deux autrices de la génération Y, École pour filles d'Ariane Lessard et Strega de Johanne Lykke Holm. Sans que je le sache au préalable, ces deux écrits résonnent fortement entre eux.

Le résumé pourrait être le même : l'apprentissage au fil de quelques saisons d'un groupe de jeunes filles, à l'écart de la civilisation. Dans École pour filles, elles sont onze, âgées de dix à vingt ans, à prendre la parole à tour de rôle. Dans Strega, elles sont neuf, toutes âgées de dix-neuf ans, et l'une d'entre elles s'exprime au je, mais aussi souvent au nous. Les unes résident dans un pensionnat, les autres dans un hôtel sans clients, des établissements isolés au coeur de la forêt.

Les deux romans se rejoignent sur les questionnements qu'ils soulèvent, entre autres sur le rôle attendu des femmes, les dangers qui les menacent et la sororité, mais également par l'appel aux sensations, aux forces occultes et aux éléments de la nature. Des textes allégoriques aux ambiances prégnantes qui laissent une grande place au mystère et à l'interprétation.
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Strega
Johanne Lykke Holmsu
Traduction Catherine Renaud

Neuf femmes de dix-neuf ans, dont la narratrice, ont rejoint l'Hôtel Olympic isolé dans les Alpes. Elles ont été envoyées dans ce bâtiment rouge sang dominant un lac aux traîtres remous afin, aucune d'elles ne voulant devenir épouse, d'en apprendre le métier.
Elles sont pures, éthérées, pleines de rêves et de tendresse. Elles seront formées par trois enseignantes douces et sadiques, à coup de punitions collectives, à exécuter toutes les tâches de la servitude féminine et à éviter le pouvoir d'attraction des nonnes résidant au prieuré du village.
Mais l'hôtel n'attire aucun client et cette mascarade d'un service quotidien dans les chambres, à la cuisine, à table alors qu'il n'y a personne à servir engendre, et peut-être en est-ce le but, le désir de voir enfin venir cette clientèle masculine pourtant porteuse de mort. Ce sera d'ailleurs lors d'une fête donnée à l'hôtel que l'une des femmes disparaîtra.

Etrange allégorie aux relents fortement sexistes et sexués, ce livre inclassable conjugué en la personne du Nous plaira sans doute aux amateurs d'une poésie teintée d'un gothique où le rôle de la femme servile et de l'homme prédateur ont subsisté tels que jadis.
Amateur dont je ne ais pas partie.

Merci à Babelio et sa Masse Critique ainsi qu'aux éditions La Peuplade


Lien : https://trancheslivres.wordp..
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J'ai beaucoup tardé a me procuré ce livre. À la librairie, mon regard croisait toujours la jolie couverture de Strega et la note positive d'un des libraires collé dessus. A chaque fois, je songeais a l'acheter. J'ai donc finalement céder mais je ne ressors pas de cette lecture particulièrement contente.
Strega, ce sont neuf femmes qui vivent dans un hôtel éloigné de tout. Elles n'y sont pas par choix, mais par la décision de leurs parents. Et elle ne comprennent pas totalement pourquoi elles y sont. Comment peut-on apprendre à être au service de l'autre quand il n'y à personne à servir?
Ce huis clos scandinave m'a (quel mauvais jeu de mot) laissée de glace. Je n'y ait pas compris ou ressenti grand chose. le résumé en quatrième de couverture nous promettait une enquête sur la disparition d'une des pensionnaires de l'hôtel mais au final, cette disparition ne sera rien d'autre que la révélation pour ces femmes qu'il leurs faudra partir de ce lieu maudit et ce, peut importe les conséquences. Je ressors donc de cette lecture avec une grande incompréhension et peu de plaisir. J'espère qu'il en sera autrement pour vous!
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