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3,27

sur 66 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Strega » envoûtant, le sacre d'une littérature évocatrice. L'effusion sensorielle et intrinsèque.
Il faut lire doucement ce chef-d'oeuvre et étreindre Strega.
Lieu où l'atmosphère dans ce hors-temps est un voile métaphysique frôlant un visage d'une femme.
Ténébreux, superbe, alloué à la magnificence d'un style unique qui happe et ne lâche rien. Strega, nid d'aigle au sommet d'une montagne. Village des cimes, éloigné du monde d'en bas. Sa hiérarchie de silence, de solitude et de sévérité. Ses mystères à flanc de sensations. Un lac noir, au plus près, anneau encerclant cet espace magnétique et sombre.
Paraboles qui se lovent subrepticement, insistantes et significatives.
Ici, l'Hôtel Olympic, où le fantastique, l'ésotérisme est un plafond de verre, où tout se transforme et l'étrange advient. Double langage et toile de fond d'une trame captivante et risquée. Ce texte grandiose, vif, est admirable dans son ressac poétique, imagé à la minute même à l'instar d'un film au ralenti.
« Strega était des filles qui se tressaient les cheveux les unes aux autres d'une façon particulière. Des filles qui transportaient des grosses pierres à travers les montagnes…Strega était une veilleuse qui éclairait la plus laide du monde. »
Neuf jeunes femmes de dix-neuf ans sont sélectionnées pour travailler durant une longue saison à l'Hôtel Olympic. Filles pauvres, la condition éreintée, la rigueur au garde-à-vous, dévouées et attentives à l'apprentissage comme futures femmes au foyer. La domesticité pour avenir. Elles font bloc, siamoises, gestuelles complices, la sensualité dévorante et insoumise. Les amitiés particulières, neuf dans un dortoir tiré à quatre épingles, où les regards semblent deviner les ombres sournoises et assassines. L'uniforme muselière, les rites ménagers.
« En uniforme j'avais l'air d'une femme capable…On a l'impression de traverser une maison close, un endroit où la nuit est éternelle et où tout s'opérait sous le couvert de l'obscurité. Des scènes étranges où une fille se penche en avant dans une robe de mariée immense. »
Un prieuré à portée de vue. Des nonnes mutiques et sourdes. Taire le ressenti, les jeunes filles désignées d'office à l'invisibilité.
« Le conflit entre les nonnes et le personnel de l'hôtel était profond, mais non formulé… L'hôtel avait surgi un été, sorti de nulle part, comme quelque chose de démoniaque. »
Filles de passage, où pas un client ne survient. Les gestes appliqués aux venues improbables. Elles sont habitacles, cigarettes et rires. Lave volcanique prête à fuser. Peurs et scène de crime. Exacerbées dans cet imaginaire à en perdre la raison. Si prégnant, si sournois qu'il devient authentique, eau empoisonnée, fantasmes endormis sous les feuillages. Elles savent l'innommable, l'insondable.
Ce récit est d'ombre et de lumière, d'âpreté et de sensualité, dans une mystique qui bouleverse tout. On est en plongée dans cette idiosyncrasie, résurgence à l'identique d'une nage dans un lac glacé, profond et qui ordonne tout, des flots aux nuances, aux plausibles noyades et aux résistances.
Ce livre est profondément viril, rugueux, mais si beau qu'on en perd le souffle. L'Hôtel Olympic, thriller aux abois, à mille mille d'une carte postale estivale et olympienne. Symbole de l'emprise et des forces du mal.
« Strega » et ses inoubliables enfants , dressées pour les façades dorées et fissurées. L'histoire vigoureuse, immensément mature est percutante. Johanne Lykke Holm entraîne le lecteur (trice) au plus près d'un choc de lecture poignant et obsédant. Cette fierté éditoriale est un bel escompte hyperbolique du futur. Un livre intemporel, stimulant et parabolique. Traduit avec brio du suédois par Catherine Renaud. Á noter une photo de couverture symbolique et magnifique de Marinka Masséus, photographe à Amsterdam. Publié par les majeures Éditions La Peuplade.
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Rafaela, 19 ans, quitte sa famille, envoyée par sa mère dans un mystérieux hôtel niché loin, dans les montagnes, non loin d'un monastère. Elle quitte l'enfance pour cet ancien palace rouge passé, où trois matrones semblent n'être là que pour initier les neuf jeunes filles arrivées en même temps, aux tâches ménagères répétitives, le linge, la cuisine, le service.
Très vite, l'on comprend que ce lieu est chargé d'un crime, par la couleur rouge omniprésente, l'air saturé d'odeurs, les sensations oppressantes, la discipline inquiétante. Comme les soeurs Lisbon de Virgin Suicides, les neuf jeunes filles passent leurs moments de repos alanguies les unes contre les autres, dans une proximité qui se passe rapidement de mots.
Une fête est organisée, des villageois viennent pour l'unique soirée où le service est réellement requis… la menace jusque-là diffuse se concrétise avec la disparition de l'une des jeunes filles.

Strega, c'est un village et un hôtel fantôme à mi-chemin entre le Voyage de Chihiro et Hotel California. Une liqueur amère peut-être empoisonnée. C'est le nom de la sorcière, peut-être le symbole de la sororité qui se déploie entre les jeunes filles malgré, où à cause du meurtrier qui n'est pas identifiable, pas localisable. Car si « seules certaines seront choisies, nous sommes toutes candidates » à la violence masculine.

Dans une langue (et une traduction de Catherine Renaud) magnifique d'invention et de sensualité onirique, Johanne Lykke Holm nous emporte comme la lente rivière d'Ophelie dans un tableau sombre, imprimant nos rétines impuissantes.
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Des mois que nous attendions de nous plonger dans Strega avec @chroniquesessentielles et @hanyrhauz et nous n'avons pas été déçues. Alors, oui, comme l'a souligné @hanyrhauz , nous n'avons pas toujours tout compris, mais était-cela l'essentiel ? Selon moi, non. Je suis assez coutumière des textes atmosphériques, stratosphériques ou lunaires poke @moonpalaace, je n'ai donc pas été dérangée par cet aspect, mais je peux tout à fait concevoir que des lecteurs plus terres à terre ou du moins qui aiment tout comprendre ne puissent y adhérer.

Alpes. Strega. Elles sont neuf. Neuf jeunes femmes de 19 ans envoyées à L'Hôtel Olympic pour devenir de parfaites maîtresses de maison. L'établissement est perché dans la montagne, isolé au coeur d'une forêt et ne peut être atteint que par un téléphérique. Un hôtel un peu particulier, puisque les clients l'ont déserté. Pourtant autrefois, il était un endroit réputé, où fêtes et mariages y étaient célébrés.

Inlassablement, tous les jours, Rafaela (la narratrice), Cassie, Alba, Alexa, Bambi, Barbara, Gaia, Paula, Lorca répètent les même gestes. Elles préparent les chambres, les tables, les repas… Elles sont encadrées par Rex, Costas, Toni, des femmes aux prénoms masculins. C'est d'ailleurs une des rares traces masculines du récit. Les hommes ne sont que très peu représentés ici. Ne sont-ils pas invisibles, des prédateurs ou des meurtriers ? « Nous étions des filles de mères travailleuses et de pères invisibles qui rasaient les murs. »Près de l'hôtel un couvent. Ils arrivent aux jeunes filles de croiser les nonnes dans la forêt. Regards en chien de faïence. Et pourtant, mènent-elles une vie si différente de la leur ? Puis un jour une fête, et une disparition qui vient tout ébranler…

Strega (sorcière en italien), c'est le roman de la nature, du nous, de la sororité, de l'onirisme, et de la poésie. J'y ai retouvé une je ne sais quoi de « Quand viendra le temps du feu » de Wendy Delorme. Strega c'est une atmosphère singulière, pesante et cinématographique, où la description et les odeurs y sont prépondérantes. Une ambiance à la Shining avec une pincée de David Lynch. Un roman au passé simple qui reprend également les codes du gothique, où les personnages y sont mélancoliques et en quête d'identité. Il n'y a que très peu d'actions, et pourtant nous sommes complètement absorbés par ce qui nous est conté.

Ma chronique ne lui rend vraiment pas justice, car il n'est pas évident de résumer un tel roman, mais j'espère avoir au moins éveillé votre curiosité 🙃

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Roman d'atmosphère, thriller et conte gothique. Un savant mélange singulier qui m'a envoûté.

Neuf jeunes femmes vont vivre à l'hôtel Olympic situé à Strega, perché sur les hauteurs, derrière une forêt, on y accède en téléphérique. L'hôtel est tenu par une mystérieuse Rex dont la prestance impose et interroge. Aucun client ne se présente, jamais, l'hôtel comme un prétexte.
Parmi ces neuf filles, Rafaela nous guide dans la narration aux côtés de sa nouvelle amie Alba dont les cheveux sentent le patchouli.

Le quotidien à l'hôtel est rythmé par l'apprentissage des filles pour être une « bonne » femme au foyer. Si les tâches assimilées sont concrètes, l'ambiance de l'Olympic est carrément mystique. Il s'y joue des événements que l'on devine où l'odeur de lait se mêle à celle de la sauge. Quand un drame se joue, la sororité se multiplie. Les cigarettes aussi, elles sont comme une condition de survie et l'odeur nous brûle les narines.

A Strega, la nuit paraît éternelle, le jour ne semble jamais se lever vraiment. La brume intensifie le côté mystique et le prieuré, voisin de l'hôtel, ajoute une dose religieuse.
L'atmosphère enchanteresse est omniprésente et la lisière au gothique est palpable grâce à une scène de crime. du sang rouge qui rappelle cette couleur prédominante dans les couleurs de l'Olympic.

Roman d'atmosphère où la vie s'étire, s'étiole, s'effrite. Où l'odeur de la cire nous parvient efficacement grâce à une plume descriptive tout aussi évidente. le charme est absolu, le temps suspendu nous embarque dans une intemporalité occulte.

« Nous nous trouvâmes pour un instant dans un autre ordre, en dehors de l'ordre réel, ou la terre irradiait et le ciel se trouverait au-dessus de nous comme une matière muette réfléchissant la lumière. »
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Je continu à vider ma pile à lire hors Gallmeister avec ce roman suédois acheté lors du festival les Boréales de l'année dernière.

Il est assez étrange ce livre je dois dire. C'est un roman d'atmosphère, un roman qui nous plonge entre rêves et réalités, un roman dans un style magistral. J'ai eu lors de cette lecture une impression d'être dans une sorte de brouillard épais, vous savez celui qui parfois hante nos rêves et qui fait travailler notre imagination en nous envoyant des flashs ou des visions. Je crois que je n'ai pas tout compris de ce livre, mais j'ai la certitude que Johanne Lykke Holm a fait de moi exactement ce qu'elle souhaitait en écrivant son roman.

Il y a neuf jeunes femmes, dans un hôtel vide de tout client. Il y a à quelques pas de l'hôtel un prieuré mystérieux peuplé de nonnes. Il y a une forêt obscure et une montagne donnant des frissons. Il y a cette ville Strega (qui signifie sorcière, rien que ça) tout aussi étrange que ses habitants. Les neuf femmes sont encadrées par trois maronnes qui vont leur apprendre à devenir des femmes modèles, devenir le genre de femmes que les hommes s'attendent à trouver lorsqu'ils rentrent du travail le soir, bonjour le patriarcat. Neuf femmes qui vont finir par n'en devenir qu'une.

Vous avez tous les éléments maintenant pour vous imaginer l'ambiance de ce roman. Très hypnotique mais très visuel, je n'ai eu aucun mal à imaginer l'hôtel, le parc, le téléphérique, le prieuré et la forêt. C'est le genre de roman qui si on se laisse prendre la main nous embarque dans un univers onirique et mystérieux. C'est le genre de roman où soit ça passe, soit ça casse, je ne pense pas qu'il y ait d'entre deux. Pour moi cela l'a fait et j'en suis ravi. Alors tentez ?
Lien : https://readlookhear.blog/20..
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