Aujourd'hui, c'est à moi qu'est dévolu le rôle ingrat du pisse-froid… Désolé par avance les amis/amies ! blink
J'avais adoré le tome 1, j'avais bien aimé le tome 2, mais ce tome 3 m'a laissé de marbre. Je l'ai lu dans le cadre d'une lecture commune avec les potes des Chemins de Khatovar, et au départ j'ai cru que cela venait de moi. Mais depuis, je me suis fait une raison puisque j'ai aimé tout ce que j'ai lu avant, pendant et après "La République des voleurs"…
Avec tout autre que
Scott Lynch, j'aurai peut-être été moins sévère, mais on se doit d'attendre mieux d'une des têtes de gondole de la fantasy néoclassique ! Après six ans d'attente, ce troisième volet des aventures de Locke Lamora, Salaud Gentilhomme, n'a pour moi pas tenu ses promesses. Pire, je n'ai presque pas retrouvé ce que m'avait précédemment fait kiffer…
Qu'est-ce qui n'a pas marché avec moi ? ATTENTION SPOILERS
Déjà, le premier reproche à lui faire c'est qu'il est trop long, et pire encore qu'il trop long à démarrer. le roman ne cesse de commencer et avec les récits parallèles sans lien aucun avec l'intrigue principale, les rappels aux tomes précédents, les flashbacks, les faux-départs, les répétitions … on entre dans le vif du sujet qu'au bout de 450 pages ! Au final le dernier tiers du roman était plutôt pas mal, mais autant de pages d'introduction dans un tome de transition c'est insupportable… (et une fois lassé, difficile de se prendre au jeu hein !) Tout est fait pour casser et ralentir le rythme, du coup ça tire méchamment à la ligne et les longueurs finissent par être lassantes voire horripilantes !
Ensuite, dans le livre après une longue période de séparation, Locke Lamora malade renoue avec Sabetha Belacoros qui est maline, rousse, avec les yeux bleus et la peau pâle. IRL après une longue période de séparation, Scott Lynch dépressif renoue avec Elisabeth Bear qui est maline, rousse, avec les yeux bleus et la peau pâle. Locke / Lynch et Elisabeth / Sabetha seraient-ils Gary Stu et Mary Sue ? J'en ai bien peur...
Car ici on nous fait le coup de la romance Young Adult qui n'échappe pas aux étranges émois, aux nouvelles émotions, aux fantasmes adolescents, etc., puis le coup de romance adulte qui n'échappe pas aux je t'aime moi non plus, aux correspondances épistolaires passionnées, aux rendez-vous galants et aux dîners aux chandelles… Avant ce tome 3, je ne savais pas que Scott Lynch était spécialisé en fantasy romantique à l'eau de rose.
Au niveau des péripéties diverses et variées, l'auteur n'avait pas cédé à autant de facilité dans les tomes 1 et 2. Pas mal de péripéties m'ont semblé téléphonées à un tel point que me suis souvent retrouvé en déphasage temporel car je voyais absolument tout arriver à l'avance… (Genre cette scène où Locke se fait bousculer par une grosse femme que personne ne connaît : on précise que personne ne la connaît = il s'agit d'une personne louche sinon suspecte ; on précise qu'elle est grosse = il s'agit forcément d'un déguisement et elle ne l'est pas… Doit-on vraiment s'étonner quelques pages plus loin que ladite personne accuse Locke d'être un voleur et que Locke découvre rapidement la véritable identité de son accusatrice ?)
Il y a des scènes dignes d'un mauvais épisode de Zorro comme celui du vol de la diligence, mais il y a pire :
- le gros cliffhanger de la 1ère partie c'est que Sabetha est de retour mais comme ne parle que d'elle pendant 200 pages la révélation tombe à l'eau
- il y a un traître dans l'équipe de Locke ? Whaou, vu que l'auteur ne présente qu'un seul de ses membres, c'est pas trop dur deviner qui est le traître…
- il y a un traître dans le parti conservateur des mages-esclaves ? Whaou, vu que l'auteur ne présente qu'un seul de ses membres, c'est pas trop dur deviner qui est le traître…
- les parties de « je sais que tu sais que je sais que tu sais » c'est bien, mais si les lecteurs ne savent pas de quoi il retourne c'est complètement bidon et c'est un peu le cas ici car c'est comme s'il manquait un chapitre au deux entre les dernières magouilles des uns et des autres et le master plan de notre magouilleur en chef pour faire la nique aux mages-esclaves qui comptaient les manipuler lui et l'amour de sa vie… (on fait des révélations fracassantes sur des actions, des contre-actions et des contre-contre-actions dont on n'a jamais fait le récit, donc OSEF alors que c'est censé être le clou du roman ! Je sais bien que Scott Lynch adore Jack Vance, mais pas au point d'en reprendre la mauvaise habitude de torcher l'intrigue pour passer à autre chose)
De manière générale, il y a çà et là des cliffhangers / twists méchamment moisis et je sais d'où cela provient : de ce détestable cahier des charges des ateliers d'écritures américains qui expliquent très sérieusement à quels numéros de pages il faut les placer les rebondissements pour obtenir un page-turner, sauf que plein d'auteurs persistent à suivre les recettes qu'on leur a données même quand ils n'ont pas les ingrédients pour le faire… C'est n'importe quoi !
L'auteur n'a certes perdu de son talent de dialoguiste, mais à quoi servent toutes ces tirades grimm & gritty pleines de piques sur le fondement et les parties génitales si c'est pour arriver à un roman PG-13 où la première goutte de sang intervient dans un meurtre à la Agatha Christie à environ 100 pages de la fin ?
Après tout n'était pas à jeter : ATTENTION SPOILERS
Tard plutôt que tôt, on finit par retrouver le mélange de bagarres et de coups fourrés qui a fait la marque de fabrique de l'auteur, qui a déjà fait ses preuves dans ce domaine et ce avec bonheur.
Scott Lynch aime Jack Vance et cela se sent ! Il y a un côté picaresque pas déplaisant du tout, le mélange action pulpienne et humour burlesque est plutôt fun et on n'oublie pas d'égratigner la société américaine. Ben oui, c'est gros comme une maison que l'opposition entre Racines Profondes et Iris Noirs reprend tous les classiques et tous les travers de l'opposition entre Républicains et Démocrates (et que cette opposition est totalement factice, puisque les factions sont totalement interchangeable aux yeux des puissants intérêts qui les manipulent comme des marionnettes). L'hommage va même encore plus loin avec cette longue analepse qui donne son nom au roman et qui emprunte peu ou prou aux "Baladins de la planète géante". Sauf que jusqu'au bout j'ai cru qu'il y allait avoir un lien avec le récit principal, mais pas dut out en fait ! (Sinon prouver au lecteur que Locke Lamora / Scott Lynch n'est pas un érotomane et que Sabetha Belacoros / Elisabeth Bear est vraiment l'amour de sa vie… Soupir)
Il y a du foreshadowing ma foi assez sympathique autour des causes de la disparition de la magiocratie antique, de la chute de l'Empire d'Emberlain déchiré par la guerre civile, sur ce mage décédé qui jouait avec la vie et avec la mort dont Locke Lamora serait peut-être la réincarnation…
A 30 pages de la fin, l'auteur se rappelle du pourquoi du comment et pendant que nos héros prennent la poudre d'escampette tandis que les mages-esclaves s'entretuent joyeusement dans une "Revanche des Sith" à l'envers avant qu'émerge un nouveau Dark Vador après une scène de meurtre digne des "Oiseaux" d'Hitchcock… Cool, mais c'était un peu trop tard pour rattraper le tout !
Au final on passe du statut de must have à celui de bon gros pavé honnête avec ce tome mièvre, lourd et ennuyeux. Mais il faut aussi ajouter cette interview où
Scott Lynch fustigent les clichés qu'il ne veut plus voir en Fantasy, mais dans lesquels il tombe désormais plus que fréquemment… Et dire qu'il reste encore 4 tomes avant de boucler le cycle, et que le quatrième tome est déjà annoncé avec un an de retard !
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