Citations sur Sous l'emprise du Viking (10)
Elle s’exécuta sans protester, et se lova contre son flanc en poussant un léger soupir chargé d’amertume. Décidément, il ne la reconnaissait pas.
Le rejet de sa famille et le danger de noyade l’avaient sans doute profondément choquée.
Le temps panserait ses plaies, exactement comme il l’avait fait avec ses propres souffrances. Bientôt, elle n’en garderait qu’une petite cicatrice quelque part dans son esprit. Enfouie, bien à l’abri sous un monceau d’oubli.
Une nouvelle pensée naquit dans un recoin de sa conscience…
Au moins, maintenant, elle était sienne ! Et avec un peu de chance elle l’aiderait...
Aslak se tourna vers le broch, de plus en plus net à mesure que le langskip approchait de la côte. Il aborderait plus loin, au niveau du long tombeau de pierre situé plus à l’est : les affleurements rocheux protégeaient la tour et les maisons groupées autour d’elle.
Ceux qui étaient restés à Midhauger, femmes et esclaves pour la plupart, s’attroupaient rapidement avec une main en visière pour observer l’arrivée du navire — le seul rescapé de l’expédition.
Le sourire d’Aslak s’effaça lentement, alors que ses pensées prenaient un tour bien plus sombre.
Derilia sembla comprendre son revirement d’humeur, car elle serra sa main plus fermement.
Et il avait résolu de ne pas prendre femme, qu’elle soit épouse ou concubine. Il n’en avait pas besoin. Aimer était trop dangereux, pour lui. Il devait sans cesse juguler ses émotions, alors pas question de prendre une épouse qui, sans cesse, solliciterait de l’attention de sa part. Surtout cette fille-là, qui se révélait capable d’éveiller son côté le plus sombre, le plus incontrôlable.
Il devait retrouver ses automatismes, et le plus vite possible. Avant qu’il ne soit trop tard. La force de son esprit vaincrait ses mauvaises émotions, comme toujours… Il ne pouvait en être autrement.
Il repoussa sa colère, songeant à tout ce qu’il aimait dans son existence.
La pêche, la forge, Herluf, Inga et Taran, et même Frowin… Exaspérant, mais un vrai petit frère pour lui.
La mer. Le mouvement obsédant des vagues sur le sable fin. La respiration régulière de l’océan endormi, sous les étoiles.
La solitude. La paix des îles du Nord.
Son souffle se calma un peu.
N’oubliez pas que la survie de tous est en jeu. Vous en reviendrez plus riches et plus puissants ! Les femmes et les enfants que vous laisserez à Midhauger seront sous ma protection. Alors… Qui est pour, cette fois ?
Certes, les arguments du yarl et de son épouse étaient on ne peut plus convaincants : le clan manquait de ressources et Taran pouvait guider les langskips vikings sur de riches rivages… Ce serait une manière logique et rapide de trouver ce qui manquait à ce clan encore jeune, de nourrir tous ces nouveaux venus et d’assurer à tous la sécurité alimentaire pour un bon moment. Tout simplement. Taran et Inga l’avaient compris : ils savaient qu’à terme partir vers le sud était le seul moyen pour le clan de survivre.
Il n’aimait pas s’avancer dans d’obscures hypothèses : prudence dans les discours, et modération dans les actes. Telle était sa ligne de conduite.
Les tâches les plus ingrates, comme récolter la tourbe pour la faire sécher ou répandre le fumier dans les champs, étaient réservées aux esclaves mâles ; les femmes esclaves, quant à elles, faisaient le ménage, trayaient les brebis et lavaient le linge.
Pour une esclave, devenir concubine d’un berserker représentait une chance inouïe.
Elle apprendrait à l’aimer. Il en était certain.
Un jour, peut-être même lui rendrait-elle ses baisers avec une fougue égale à la sienne, sans donner l’impression de subir ses élans de tendresse… Sans serrer les dents ni fermer les yeux.
Ce n’était qu’une question de temps.
Il avait participé à sa première expédition au printemps dernier, ramenant suffisamment de grain, d’or et de bijoux pour se constituer un petit magot. De quoi racheter Douce, et même plus. Dès qu’il serait un berserker à part entière, il pourrait prendre femme, et son choix était déjà arrêté sur cette jolie fille au teint pâle, à la parole rare et au regard perçant.
Le temps des baisers volés et des chastes étreintes sous l’abri d’un mur ou d’un buisson touchait à sa fin. Douce serait bientôt sienne, et il aurait tout loisir de l’aimer dans le confort de son foyer, sans plus aucune raison de se cacher des regards indiscrets.
La destinée n’est pas une question de chance,c’est une question de choix.
William Jennings BRYAN