Taos et la Devoreuse

Lyon, Capitale d'imprimerie ! À la fin du XVe siècle, Lyon aura produit a elle seule le tiers des éditions françaises.
Taos et la dévoreuse vous mèneront rue Mercière, en ce début de 16e siècle, dans l'atelier de Maître Sébastien Gryphe, libraire-imprimeur.
En nous attablant avec François Rabelais, Joachim du Bellay, en écoutant apprentis et maîtres ouvriers des ateliers, nous nous rappellerons que le livre, avant de devenir d'un commerce ordinaire, fut un objet totalement révolutionnaire.
Parce que l'écrit, le savoir, n'était pas accessible à tous. Il n'était pas transmis à tous. Lire et écrire ne pouvait être envisageable que si l'on avait reçu une formation de latiniste ou d' helléniste, enseignement qui ne pouvait être dispensé que par l'intermédiaire de l'Eglise, c'est à dire sous une autorité religieuse et donc sous sa censure.
Cela était vrai au 16e siècle, cela reste vrai dans une grande majorité de pays aujourd'hui.

L'imprimerie a permis de déposséder les pouvoirs en place, soutanes et Palais. Elle a permis non seulement la large diffusion de la pensée, mais elle a permis sa traduction auprès d'un plus large public. La pensée s'exprimant dans un langage commun et non plus seulement dans la langue d'une élite.
Elle a permis en quelque sorte de « filer les clés du grimoire » au peuple.
L' Imprimé fut toujours depuis sa naissance une arme de combat. Combat d'idée, mais combat théologique également en ce 16e siècle.
De Lyon, de Paris, de Venise, de Cologne, de Leipzig, de Nuremberg, et de nombreuses autres villes chaque feuille mise sous presse, avalée par les « dévoreuses », annonçait l'avènement de l'accessibilité d' « un savoir pour tous » et non plus  « un avoir pour soi seul » réservé à quelques uns.
Dictionnaires, encyclopédies, journaux, recueils de poésie, traités, essais de philosophie, de politique, histoire, médecine, mathématiques, architecture, peinture, physique, astronomie, musique, en passant par les almanachs, les pamphlets, comédies, tragédies, satires, caricatures, tous, même les ancien et nouveau Testaments ont pu être reproduits, diffusés, traduits.

Que serait une bibliothèque publique sans l'imprimé de l'écrit? Qu'est qu'un pays qui ne met pas tout en oeuvre pour qu'une presse libre puisse dévorer l'infamie ?
Qu'est ce que chacun d'entre nous deviendrait sans les livres de tous ?

Apprendre aux enfants l'histoire de l'outil de leur apprentissage, de cet objet qu'ils tiennent entre leurs mains, qu'ils sortent le matin de leurs pupitres, qu'il engouffrent le soir dans leurs cartables, qu'on leur offre ou avec lequel on les berce, ou que leurs maîtres leur désignent,
est une très belle idée, parce que comme le disait St Thomas d'Aquin "rien n'est plus dangereux que l'homme d'un seul livre".

L'Histoire ne commence t elle pas là où l'écriture surgit ?

Des calames de Mésopotamie, au stylet de nos tablettes jolies, plus de cinq mille ans nous contemplent dans chaque encyclopédie.

Astrid Shriqui Garain