Citations sur Un couple dans le vent (10)
Le commandant lui avait signé son exeat. Elle ne faisait plus partie de l’équipage et était libre d’elle-même. Toutes les fantaisies que la mode offre à une jeune femme jolie et bien faite lui seraient permises, à toute heure du jour. Le temps des contraintes était fini.
Tu ne tenais pas à moi. Mais tu es furieux qu’un autre s’intéresse à ma personne. Tu me vois toujours comme ton bien. Tu es de cette race d’hommes qui considèrent la femme comme une esclave à leur usage. Tu crois toujours que je t’appartiens au même titre que tes meubles ou ta voiture. Et j’ai eu beau m’en aller, mettre de la distance entre nous, tu ne peux admettre que j’appartienne à un autre, même si tu m’as trompée honteusement durant des mois de vie conjugale.
Elle avait beau être entichée de ce garçon prétentieux et insolent, elle ne pouvait s’empêcher de détester ses rodomontades. Il la plaignait. La lune éclairait ses traits altérés. Son visage, amenuisé par la fatigue, avait quelque chose d’émouvant. De toute évidence, elle se sentait dépassée par les événements. Elle était faible et -vulnérable.
Elle n’avait pas changé. Elle était toujours terriblement attirante : fraîche, pulpeuse, souple comme une liane. Un jus de fruit, avait-il coutume de dire, au temps de ses épanchements amoureux. Et passionnée aussi. Exclusive. Exigeante sur tous les plans. C’est par ce côté possessif de son caractère qu’elle l’avait captivé. Il aimait à jouer avec la difficulté. Seulement, un jour, il avait cru que tout était acquis. Parce qu’il lui avait passé la bague au doigt. Quel leurre !
Toutes les amères discussions que nous avons eues, ces temps derniers, tes absences prolongées, tout ce que je devine dans ta vie – une femme a des antennes – m’incite à croire que je ne te manquerai guère. Tu t’es peut-être rendu compte que notre mariage était un échec. Au surplus, tu n’es pas fait pour le mariage. Ton métier, ta fantaisie, ton humeur volage, tout cela qui se tient, ne va pas avec la vie régulière et bourgeoise que j’ai rêvée. Aussi bizarre que cela paraisse, oui, je rêvais de continuité et de stabilité. C’est ma manière à moi d’être non conformiste. Je veux un mari à mon usage, que je ne partagerai ni avec l’aviation, ni avec les êtres – masculins ou féminins – que tu rencontres dans ton métier. Et je veux aussi élever des enfants et avoir une famille.
C’était terrifiant de ne pas savoir, d’ignorer d’où l’attaque allait venir, lesquels de ces passagers placides étaient des ennemis mortels.
Elle jeta un coup d’œil rapide sur la cabine où tout semblait si normal. Pourtant, elle sentait confusément que des regards sournois l’épiaient, ceux de ces inconnus malfaisants postés parmi les passagers anonymes. Où étaient les suspects qui faisaient partie de la bande ? Peut-être celui-là qui s’était retourné et semblait, de loin, suivre leur colloque ? C’était terrifiant de ne pas savoir, d’ignorer d’où l’attaque allait venir, lesquels de ces passagers placides étaient des ennemis mortels.
Il était le chef, celui qui prend les décisions, celui dont dépendait la vie des passagers et la sienne propre. L’uniforme dont il était revêtu lui conférait un mystérieux pouvoir.
Cet homme qu’elle avait cru aimer, avec toute la sotte naïveté de sa jeunesse, se révélait de plus en plus l’odieux individu quelle avait fui, un jour de détresse et de cafard, lorsque ses yeux s’étaient ouverts. Est-ce que cette erreur allait peser sur toute sa vie ?
Toute discussion à ce sujet serait stérile. Ce qu’il y a de certain, c’est que depuis quatre ans, je le répète, nos chemins sont séparés. Nous ne savons rien l’un de l’autre, la preuve : notre ignorance réciproque sur nos activités actuelles.