Il n’était pas exactement beau, avec son physique tourmenté et sa maigreur de sloughi, mais il exerçait sur la plupart des gens, surtout les femmes, une incontestable séduction. Cela tenait à plusieurs facteurs : l’air de douceur, une nonchalance étudiée qu’on pouvait confondre avec la distinction, une aisance dans la parole, un accent indéfinissable, et ce sourire dont il jouait, exhibant des dents superbes.
Ce sera bon d’appuyer sa tête contre sa large épaule, d’accrocher ses mains à son cou, de l’embrasser passionnément comme elle ne l’a jamais fait. Ah ! non, il ne sera plus question de réserve ni de timidité. Marion ne se laissera plus décontenancer par la froideur apparente de ce Stane peu exubérant ; Stane, une des plus belles réalités de ce monde qui aurait pu lui échapper.
C’est bien imprudent, pour une jeune femme, de voyager avec une somme aussi importante en liquide alors qu’il y a les chèques, si pratiques. Après tout, Florence Montagné a ses raisons pour agir ainsi. A moins qu’elle ne soit une de ces créatures insoucieuses, négligentes, et bien pourvues, pour qui l’argent n’a aucune valeur relative.
Tout de même, quelle histoire extravagante ! Marion, peu à peu, se sent devenir l’héroïne d’une fabuleuse aventure et elle prépare, en pensée, les phrases pour la raconter. Sûrement les journalistes viendront la harceler pour monter en épingle, à l’intention des lecteurs, ce fait divers qui tient du miracle.
Celui qu’elle aimait et qu’elle admirait, dont elle était si fière, les rares fois où il l’emmenait en public, accrochant au passage les regards féminins attirés par son physique prestigieux. Non, ce n’est pas le même homme. Il y a là-dessous un mystérieux et abominable sortilège.