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Critique de magalibertrand


Campé avec vigueur dans l'univers haut en couleurs toute neuves du cinéma américain des années 50, « Comment dépouiller un millionnaire ? » aurait également été un excellent titre pour ce roman aux multiples facettes qui nous y plonge jusqu'au cou, comme dans un bain de boue. En ce début de printemps 1953, le grand déballage de la Commission Mc Carthy bat son plein et c'est à qui déploiera la bannière étoilée la plus nette et la mieux compassée sur sa production en cours, afin d'obtenir la bénédiction de la Legion of Decency, autant dire celle du dieu Dollar. Mais, en ces temps de suspicion et d'hypocrisie érigée en sport national, elle n'est pas la seule fée à devoir se pencher sur le berceau du cinéma pour qu'une production patriotique bon teint voie le jour, l'armée, moins muette que jamais, est prête à tout pour endosser un rôle de marraine, jusqu'à fournir la timbale en argent…et les dragées, naturellement. C'est ainsi que vont se retrouver inextricablement mêlés les intérêts d'un producteur véreux, d'une poignée de stars à venir ou sur le retour, d'un couple de militaires non fait mais peut-être à faire, de deux familles de mafieux, d'un prêtre un peu trop souvent défroqué pour le rester, de divers enquêteurs, pisteurs et autres donneurs, sans compter ceux d'une vieille dame acariâtre, dépourvue de tout sauf d'une avidité sans limite.
À la lecture de ce roman aux notes cyniques et à la profusion de détails dignes d'une ambiance de film noir américain, on en oublierait presque que son auteur n'est pas un privé roublard, ayant roulé sa bosse dans toutes les histoires glauques du Hollywood interlope, et débitant ses souvenirs en noir et blanc dans des effluves de Lucky Strike et de mauvais bourbon. Ce que l'on ne peut oublier, en revanche, c'est le grand talent que Dominique Maisons déploie pour faire naître sous nos yeux une époque, un climat, une ambiance, cette impression d'entrer de plain-pied dans un panier de crabes grouillant sous le soleil écrasant de Floride. Et, si l'on se perd parfois dans le générique pléthorique qu'il met à la disposition de son histoire, on en retrouve le fil avec bonheur, guidé par un style maîtrisé, imagé, qui va puiser, avec une belle modulation et une juste modération, dans la mémoire, à la fois littéraire et cinématographique, des grands noms qui ont entretenu le mythe. Bien sûr que l'on pense à Ellroy (un Ellroy dont, pour une fois, on comprendrait la fin…), mais il me semble que Scorcese ou Coppola n'hésiteraient à s'attribuer ni la distribution ni les dialogues et que Tarantino pourrait bien jalouser la scène finale. Bref, c'est du brutal, mais bon sang ce que c'est bon !
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