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Critique de karmax211


Rappel.
Première complainte.
Une vingtaine d'années après la fin de la Première Guerre mondiale, Roland Vialatte sur son lit d'agonie se confesse auprès du curé de sa paroisse.
Ce qui obsède toujours ce policier à la retraite, c'est l'étrange affaire concernant les crimes de jeunes femmes perpétrés sur la ligne de front près de Méricourt ( Champagne pouilleuse ) durant l'hiver 1914-1915, crimes dont il a été chargé par l'état-major de l'armée française d'identifier et d'arrêter le ou les coupables.
Les premières victimes sont Joséphine Tallandier, 17 ans à peine, serveuse à " La Champagne Combattante ", Mariette Vauguenard, infirmière dans un service de la Croix-Rouge de Méricourt, Irene Hornby, Canadienne correspondante de presse pour des journaux américains.
Les deux premières victimes ont été égorgées non loin ou dans une tranchée, la troisième étranglée dans un hôtel proche du front.
Le ou les meurtriers laissent sur les malheureuses jeunes femmes une lettre d'adieux écrite de sa main...
Pour tenter de résoudre ces meurtres en série, le lieutenant Vialatte décide de se rendre sur les lieux où ont été commis les deux premiers, à savoir une tranchée en première ligne.
Dans cette tranchée, il tombe sur une vieille connaissance, le caporal Gaston Peyrac, un " internationaliste libertaire ", à la tête d'une escouade de jeunes conscrits - des mineurs délinquants que l'armée a libérés ( eh oui, Prigojine n'a rien inventé !, contre un engagement et en changeant leur date de naissance...) aux comportements et aux " absences " troublantes ...
Lors d'une offensive, un des " gamins " soldats soupçonnés par Vialatte, " Jolicoeur ", est blessé et gît dans une ruine entre les tranchées française et allemande...

Deuxième complainte.
Nous retrouvons l'escouade du Caporal Peyrac.
" Jolicoeur " blessé au ventre appelle ses camarades à l'aide.
Ceux-ci sachant que le soldat français est utilisé par les Allemands comme un " appât ", se contentent pour l'heure de lui chanter des chansons, à la fois pour briser sa solitude et pour qu'il ne s'endorme pas.
Entre appels, tirs d'artillerie, le lieutenant Vialatte continue de faire l'expérience de la guerre et d'enquêter.
Ayant été sollicité par le caporal Peyrac, se soulageant dans les feuillées, d'aller lui chercher dans l'abri quelques journaux pour qu'il s'essuie, il tombe sur des exemplaires qui l'intriguent. Un surtout, du Washington Post, pour lequel travaillait Irene Hornby...l'une des trois victimes, retient son attention, car la date du journal correspond avec celle des crimes. Mieux encore, sur le bureau de Peyrac traîne un journal de bord... dont quelques pages ont été arrachées... et l'on se souvient que l'assassin a à chaque fois laissé une lettre d'adieux sur le corps des malheureuses.
Tout à ses découvertes, Vialatte est demandé par une estafette.
Le corps d'une quatrième jeune femme vient d'être découvert. Cette fois il s'agit d'une jeune prostituée belge, Mathilde Doorne, " pensionnaire " chez Madame Hortense, et " protégée " de son ami le capitaine Janvier, membre de l'état-major du général Berthelot, officier meurtri dans sa chair et dans son âme, amoureux de Péguy et de Victor Hugo ...

Dans ce deuxième opus Maël et Kris s'attardent davantage sur la guerre que sur l'enquête policière, sans pour autant négliger celle-ci.
Le rendu graphique est absolument " spectaculaire " et " saisissant ". Un travail de titan pour un dessinateur complètement habité par son sujet.
À noter l'insistance du travail graphique sur les yeux.
Plus encore que dans le premier tome, ce qui m'est resté après deux lectures espacées, ce sont ces dizaines d'yeux qui ont quelque chose de l'ordre de " l'ailleurs ", de " l'outre-tombe ", de " l'au-delà-du-miroir ", de " l'obsédant " ; des yeux d'une incroyable expressivité et dont la stylisation semble pourtant très " épurée "...
La plume de Kris n'est pas en reste, toujours en parfaite symbiose avec les dessins, toujours pertinente, cultivée, talentueuse.
Deux albums de très haute tenue.
Un témoignage bouleversant qui fait écho à ces mots de Léon Mallefond, sergent d'une section de mitrailleurs :
" C'était dur, une vraie boucherie et un enfer sous les coups de l'artillerie. C'était à devenir fou. D'ailleurs, nous n'étions pas normaux."
Ainsi qu'à ceux d'Henri Fleignac, tireur dans les Corps Francs :
" Nous sommes tombés dans un tourbillon de panique. Ca croulait de partout. Ca fuyait de partout. Sûr qu'on nous voulait du mal."

Un polar dans la guerre, d'une originalité, d'une lucidité, d'un réalisme transposé avec une maestria impressionnante. Une grande, très grande BD du tandem Maël et Kris !
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