aazi avait maigri , mais elle rayonnait d'un bonheur que je ne sais décrire , peut-être parce que le bonheur ne se décrit pas .
-Oublies-tu , Menach ,quelle est chez nous la condition d 'une femme , qu 'elle n 'a pas le droit de rester à bavarder avec un homme seule à seul , pas le droit d 'attendre tous les soirs même dans le coin le plus caché de son cœur un autre que son mari , qu 'elle ne doit pas surtout aller chercher sur la place celui qui compte les étoiles en pensant à elle , pendant qu 'elle use la
mèche de sa lampe en pensant à lui et se baigne de tous les
parfums qui lui plairaient s 'il venait jamais ?
Je m’en vais, Mokrane, mon petit camarade. Je ne reviendrai jamais sur cette colline oubliée où je ne te retrouverai plus. En souvenir de tout ce que nous avons eu de commun, je crois avoir arrangé pour les mieux tout ce que tu as laissé ici-bas de cher. J’y compte Aziz parce que votre séparation tardive et passagère n’a été que l’erreur d’un bref égarement. Dans le fond de ton cœur je suis sûr que tu étais revenu à elle comme elle n’avait jamais cessé d’être toi. Tu restes, toi, fidèle aux lieux où nous avons vécu notre rêve commun. Aussi, je te dis-je adieu ! Adieu jusqu’au jour prochain où à coup sûr, mon âme retrouvera la tienne et celle d’Aziz, d’Idir, de Kou pour refaire ensemble Taasast dans un monde où la souffrance ni l’obstacle ne seront plus. Adieu, Mokrane.
Les mots coulaient, monotones, sans timbre, de la bouche de Sekoura. Aziz l'écoutait et le tableau misérable ou tragique de la dure vie de la maison d'Ibrahim passait au fur et à mesure devant ses yeux.
Le printemps, chez nous, ne dure pas. Au sortir des jours froids de l’hiver où il a venté rageusement sur les tuiles, où la neige a fait se terrer les hommes et les bêtes, quand le tiède printemps revient, il a à peine le temps de barbouiller de vert les champs que déjà le soleil fait se faner les fleurs, puis jaunir les moissons.
«Je laisse la fortune à ceux qui se préparent une vieillesse heureuse : le bonheur les atteindra en même temps que la décrépitude et ils mourront riches, sérieux et tristes » (p 49)
Malgré la grande confusion où étaient toutes les choses ,la grande incertitude où étaient tous les hommes ,il fallait pourtant vivre et pour la récolte de l'huile dont c' était la saison tous ceux de Tasga se mirent aux gestes séculaires qu' accomplissaient leurs pères depuis toujours .
Aazi vint s' affaler pesamment dessus, puis elle se mit à sangloter et à
trembler de tous ses membres .
Ma mère tenait par l'aisselle Aazi qui avait la tête baissée comme un enfant un enfant qu' on gronde, puis elle poussa violemment à l'intérieur .Le lit par bonheur était par bonheur en face .
Tant de mendiants aux yeux creux traînaient sur les routes leurs pieds ensanglantés ou durcis que c'était à douter si la main de Dieu même aurait pu les rassasier et les vêtir tous.