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Critique de Arakasi


La Révolution française vue par une romancière anglaise... Voici un programme digne de faire frissonner les plus braves, surtout si l'on se rappelle le très francophobe « Mouron Rouge » de la baronne Orczy. Et pourtant, et pourtant… Peut-être fallait-il un point de vue étranger pour décrire cette période si controversée et plonger un regard objectif dans ce torrent de passions, de haines et d'idéologies contradictoires qui a secoué la France de 1789 à 1799 – date à laquelle un petit corse bien connu est venu poser ses fesses audacieuses de parvenu sur le trône des Bourbons. Avec sa jolie plume si vive et son regard résolument moderne, Hilary Mantel réussit un petit miracle : écrire un roman qui ne soit ni à charge, ni panégyrique, un récit plein de bruit et de fureur qui parvient à trouver l'équilibre parfait entre exaltation et terreur.

Pour se faire, nous emboiterons le pas à trois jeunes gens dont les noms – vénérés ou décriés – résonneront bientôt dans toute l'Europe et donneront des siècles plus tard des sueurs froides à plein de petits écoliers français : Maximilien Robespierre, Georges Danton et Camille Desmoulins. Tous trois sont jeunes, très jeunes, terriblement jeunes (j'ai eu un petit choc en réalisant que tous ces grands révolutionnaires étaient morts avant d'avoir quarante ans). Tous trois sont brillants, libéraux et ambitieux.

A ceci près ils ne se ressemblent guère. Danton est une force de la Nature, un géant à la voix de stentor dont le physique impressionnant et les colères tonitruantes dissimulent une nature pragmatique et calculatrice, toujours enclin à faire passer ses priorités avant celles des autres. Pourtant, c'est peut-être le plus sympathique des trois car il possède des qualités que l'on admire et des vices que l'on pardonne volontiers – au fond, n'avons-nous pas tous les mêmes ? Camille, jeune exalté au coeur généreux et la plume vénéneuse, brûle les années de sa jeunesse avec autant d'enthousiaste que d'autres en mettent à les faire fructifier. Reste Robespierre, le plus énigmatique et le plus controversé des trois, troublant toujours car apparaissant comme un peu moins ou un peu plus qu'humain selon l'oeil avec lequel on le regarde.

Si les événements du premier tome de la duologie révolutionnaire de Mantel gravitent autour de ces trois hommes, nombreux sont les personnages secondaires qui le jalonnent : le redoutable Marat, le marquis De La Fayette, Mirabeau, Saint-Just… Et, bien entendu, « Louis Capet » et son autrichienne d'épouse ! Tous sont généralement mis en scène avec nuance, subtilité et surtout un grand sens du dialogue. On les suit autant dans leurs vies personnelles que dans leurs vies politiques, les deux forts bien remplies et passionnantes. A noter que les personnages féminins sont bien mis en valeur, détail qu'il faut applaudir au vu du contexte. Enorme travail de recherche également. Tant dans les rendus des caractères que dans la narration des événements, Hilary Mantel fait preuve d'une grande érudition au risque parfois d'assommer un peu son lecteur sous les détails : j'avoue avoir parfois décroché un peu de l'intrigue, le temps de consulter l'imposante liste des personnages ou de jeter un oeil sur Wikipédia (oui, oui, je sais, honte sur moi…), mes connaissances sur la période laissant à désirer. La densité du récit entraîne parfois quelques longueurs, heureusement compensées par la virtuosité avec laquelle Mantel décrit les mouvements de foule et les pics d'action.

Les romans un tant soit peu objectifs sur la Révolution Française sont assez rares et celui-là mérite largement d'attirer l'attention. Il est aussi de ceux qui incitent à se procurer pleins d'ouvrages historique sur la période concernée, histoire de démêler la réalité de la licence poétique (je suis particulièrement curieuse de découvrir la biographie de Robespierre de Jean-Clément Martin qui – une fois n'est pas coutume – semble se dispenser de casser du sucre sur le dos de « l'incorruptible »). En conclusion, un roman historique un peu dense mais brillant dont j'attends avec impatience la suite, « Les Désordres ». Miam, miam !
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