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Critique de glegat


« Renonce à la lecture, cesse de te divertir : ce n'est pas permis. » Livre II pensée 2
Cette pensée de Marc-Aurèle (121 - 180 apr. J.-C.) est comme un caillou qui dépasse sur le chemin de la sagesse. Comment renoncer à la lecture, que veut dire l'empereur philosophe ? Aujourd'hui, on dirait renonce à la tablette (d'argile !), cesse de perdre ton temps en vaines occupations. Est-ce de cela qu'il s'agit ? Probablement puisque les « Pensées pour moi-même » est un condensé des règles de vie adoptées par les stoïciens latins (Sénèque, Epictète, Marc-Aurèle). On sait qu'ils prônaient l'austérité, le détachement, la maîtrise des sentiments, la sérénité. Et Marc-Aurèle insiste puisqu'il dit à la page suivante : « Et ta soif de lecture, refoule-la afin de ne pas mourir en murmurant, mais le coeur vraiment paisible et plein de reconnaissance envers les dieux ». On peut rapprocher ces recommandations de celles de Sénèque qui nous dit dans « La tranquillité de l'âme “À quoi bon d'innombrables livres et des bibliothèques dont le propriétaire trouve à peine moyen dans sa vie de lire les étiquettes ? Une profusion de lecture encombre l'esprit, mais ne le meuble pas, et mieux vaut de beaucoup s'attacher à un petit nombre d'auteurs que de vagabonder partout”. le propos est déjà plus nuancé et j'approuve le fait de faire un choix dans ses lectures afin d'éviter de se disperser. le temps est précieux et devant la profusion des titres il faut apprendre à faire le tri, mais je ne pourrais jamais renoncer à la lecture. de façon élliptique, mon grand-père, qui n'avait pas une longue barbe blanche et ne déambulait pas en toge, m'avait répondu lorsque je lui avais demandé ce qu'il fallait lire : “il ne faut pas trop lire”. Et je ne me souviens malheureusement pas du reste de notre conversation. Probablement que le traumatisme que j'ai subi en recevant cette réponse lapidaire a troublé ma mémoire.

En fait, pas plus que je n'ai suivi la recommandation de mon grand-père je ne donne crédit à Marc-Aurèle, car dans le reste de son texte il montre qu'il a beaucoup lu lui-même en nous citant Homère, Platon, Hésiode, Epictète et bien d'autres.

Toutefois, cette défiance envers la lecture, qui jouait peut-être dans l'antiquité le rôle de nos médias modernes principalement représentés par internet, est assez étonnante. La quantité de livres en circulation était très réduite et le livre était un objet rare très recherché. Il est vrai que la prudence envers la nouveauté est un réflexe attaché à notre condition humaine. Ce sujet mériterait qu'on s'y attarde, mais le livre de Marc-Aurèle contient bien d'autres recommandations qui appellent aussi notre attention. Par exemple : “Accomplis chaque action de ta vie comme si c'était la dernière”.

Ce livre rédigé par Marc-Aurèle dans les dix dernières années de sa vie n'était pas destiné à être diffusé. Comme son titre l'indique, il s'agissait de réflexions qui devaient permettre à l'empereur philosophe de progresser dans sa recherche de la sagesse. Il ne semble pas y être tout à fait parvenu s'il l'on songe à son attitude face aux chrétiens dont il partageait pourtant la morale (il a couvert sinon ordonné le martyre de Blandine à Lyon).

J'aime la philosophie antique et en particulier je suis assez réceptif à l'idée du stoïcisme qui consiste à aborder les difficultés de la vie avec rationalité et d'une manière générale à apprendre à faire la différence entre ce qui dépend de nous et ce qui est inéluctable. Vivre ici et maintenant dans le présent plutôt que dans le passé ou le futur est un bon principe. Mais je reproche aux philosophes stoïques un détachement qui confine au pessimisme et à la soumission.
“Bientôt tu auras tout oublié, bientôt tous t'auront oublié” Page 95, ce n'est pas gai !
“À chacune de tes actions, arrête-toi et demande-toi si c'est parce qu'elle nous prive de cela que la mort est terrible” Page 153.
“Quand tu t'indignes trop, songe que la vie humaine est brève et que sous peu, tous, nous giserons” (Page 166). À dire vrai, je ne sais pas si ces recommandations me consolent de la perspective de la mort.

Je préfère lorsque Marc-Aurèle dénonce l'injustice et le mensonge au motif que la nature universelle a constitué les êtres raisonnables les uns pour les autres de façon à ce qu'ils s'entraident et ne se nuisent aucunement. Page 127

Il y a tout cela dans ce petit livre et chacune des pensées qu'il contient est un sujet de méditation.

— “Pensées pour moi-même”, Marc Aurèle, collection Philanthrop' Éditions France loisirs (2005), 191 pages.
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