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Citations sur Le Sémaphore (19)

Abeilles d'or

La parme dessous leurs chairs
S'est répandue sur elles
Comme un pétale de lumière.

Les abeilles d'or
Sont venues butiner le miel de leurs peaux,
La source de leur lys
Et boire le lait rose de leurs lèvres.

– Le soleil est comme un voile
Qui m'aveugle, mon amie.

– C'est le ciel qui tisse sa toile,
Fait de la terre une corbeille de fruits.

– Quand irons-nous dans l'eau
Retrouver la barbe verte de nos pères ?

– Amie, nous sommes déjà dans son berceau
À naviguer entre terre et eau, entre père et mère.

(p. 52)
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Cendres

J’ai du feu dans la bouche
Et des braises dans les mains.

Personne n’arrêtera mon élan :
Je vais droit comme une flèche
Sur mon chemin.

J’avance dans le jour
Mon cœur entre les doigts
Comme offrande au soleil.

Arrière ! êtres de cendres !
Vous tomberez dans la nuit
Et je m’élèverai dans l’aurore.

La franchise est mon glaive,
L’ardeur est ma loi.

Lazare se relève :
Mon courage est ma foi.

Ma parole est un bûcher
Pour dévorer le mutisme des lâches.

Courez donc vous cacher :
Le bois pourri tombera sous ma hache.

Mon cœur est une maison en flammes.

J’ai brûlé mon habit de deuil
Afin de libérer mon âme.

L’incendie prend naissance
Au sein de ma colère.

Écartez-vous, cendres !
C’est aujourd’hui que je vous enterre.

Éloignez-vous, cendres !
Ma bouche crache de la lumière.

(p. 67-68)
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La Notte (poème initialement écrit en italien puis traduit ensuite en français)

Per Stéphane Hospital

Sei solo
Tra i fiori neri
Del giardino :
Il sole non c’è più qui.

In questa solitudine
Ti ricordi
Di vergini
Con i loro profumi.

Un uccello canta
Nel silencio
E tutto sembra
Così tranquillo.

Vuoi essere
Ma non sai come ;
Vuoi piangere
E la pioggia lo fa per te.

E tu, amico della notte
Che non ci sa
Se la luce d’estate
Ritornerà.

/

La Nuit

À Stéphane Hospital

Tu es seul
Parmi les fleurs noires
Du jardin :
Le soleil s’est éteint.

Dans cette solitude,
Tu te souviens
Des vierges
Et de leurs parfums.

Un oiseau chante
Au sein du silence
Et tout a l’apparence
De la tranquillité.

Tu veux exister
Mais ne sais comment ;
Tu veux pleurer
Et la pluie exauce tes yeux.

Et toi, ami de la nuit
Qui ne sait pas
Si la lumière de l’été
S’en reviendra.

(p. 33)
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Offrandes

Nos peaux sur la verte chevelure
Forment le pain des offrandes ;
Et brûle l’encens de la mousse.

La terre est une femme rousse ;
Le ciel un vase, une fontaine bleue
Où nos bouches boivent la lumière.

Nos seins, de légers fruits de chair.
Allaités par l’or blanc du soleil,
Nos ventres sont des bottes de foin.

- Sœur, que vois-tu au loin ?
Est-ce la nuit dans sa robe de deuil
Qui avance comme un corbeau blessé ?

Ne fuis pas vers le passé,
Éloigne-toi de son seuil.
Où veux-tu donc te cacher ?

- C’est que j’ai peur de me coucher :
Fleur de feu dans le blanc de la neige.
Parle, douce amie, du matin des origines.

- D’abord des grains jaunes
Qui ont labouré la glaise
Et puis le cuivre de nos corps.

- Mais alors, si l’on tire le pis des nuages
C’est la pluie et la rouille ? la mort de la braise ?

- Fais confiance en celui qui fit l’image
Et dors : nous vivons de mirages.

(p. 42)
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Sel

On m’a donné des blocs de sel
Quand j’avais soif -
Et ma langue brûle.

On m’a repoussé
Quand j’ai tendu les bras -
Et mon corps est froid.

On a craché sur ma face
Quand j’offrais mes lèvres -
Et je pleure des crachats.

On m’a donné des coups
Quand j’implorais des caresses -
Et je suis vide de tendresse.

On a sali mon image
Quand j’ai dit mon nom -
Et mon cœur est un puits sans fond.

On m’a cousu la bouche
Quand je voulais parler -
Et mon âme est toute seule.

On m’a montré la laideur
Quand je voulais voir la beauté -
Et mes yeux saignent.

On a bu ma sève blanche
Quand j’ai voulu la semer -
Et rien n’a été fécondé.

On m’a traité d’homme
Quand j’aurais aimé être un chien -
Et j’aboie dans la solitude.

On a piétiné ma foi
Quand j’ai donné tout mon amour -
Et mon chagrin est lourd.

On a fouetté ma peau
Quand je me suis mis nu -
Et le serpent a mordu, mordu.

On a brisé ma voix
Quand je chantais -
Et le verre lacère ma gorge.

On a ri de mes larmes
Quand j’ai été vendu -
Et tous les feux se sont éteints.

On m’a embrassé
Quand je ne le voulais plus -
Et ma salive a goût de vinaigre.

On m’a cloué contre le ciel
Quand j’ai voulu m’envoler -
Et je chante avec la mort à mes côtés.

À présent, enfouissez-moi dans la terre
Comme dans un grand soleil de boue jaune.

Déposez mon front fiévreux et amer
Sur les linges mouillés de l’herbe.

Lavez chacune de mes plaies
Avec l’eau de l’amour.

Enroulez-moi dans des draps frais
Comme une jeune fiancée.

Marquez ma tombe d’une croix
Puis retirez-vous pour prier.

Quand se lèvera le vent
Il chassera ma poussière
Et je rirai comme un enfant
Dans le ventre de la lumière.

(p. 64-66)
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Berger du cosmos

À Pericle Patocchi

Poète tessinois, englouti par la lumière en 1968

Berger du cosmos
j’ai soufflé
dans la corne d’ivoire
du soleil

et le troupeau
des brebis célestes
s’est rallié à mon appel

et leurs clochettes blanches
m’ont chanté
la musique des sphères

mon sourire
est une virgule de lumière

mon âme un fétu de paille
flottant sur le lac
terre à demi transparente
liquide et mouvante

mon visage pierre ancestrale
s’est chauffé au soleil d’ivoire

frères je vous le dis
je voyage
dans la pierre bleue du ciel

et rouge
est la couleur de mon âme.

(p. 45)
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Bouche cousue

Le cœur des êtres sensibles est une maison en flammes.

Les hommes ont des visages de craie
Qui inscrivent le silence
Sur le noir profond de l’inconnu.

Les mots sont des baleines blanches
Hors de portée de leurs filets
Et de leurs harpons.

Ils errent, la bouche cousue
Par un fil d’Ariane.
Et le Verbe est un Minotaure.

Les hommes ont froid, les hommes sont nus :
Ils ont brûlé leurs pagnes.
L’encre dans sa nuit les dévore.

Leurs lèvres sont des éclats de roche bleue
Et la femme, une falaise de marbre.
Arpenteurs maladroits, ils glissent.

Dans le féminin, ils cherchent Dieu.

Les hommes sont de maigres arbres
Tendus au bord des précipices.

Ils ne prêchent pas
Ils libèrent leurs âmes.

Le raisin du soir
Les habille de son sang.

Ils se nourrissent d’illusoire :
D’un peu de sel, d’un peu de vent.

Laissez-les pleurer de joie
Dans le soleil levant.

(p. 51)
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La peau morte

À François Augiéras

L’aube est claire comme du lait
Et je promène en moi une vieille âme ;
De quelle terre noire suis-je fait
Et faut-il que meure en moi la femme ?

Nul ne répondra, ni les eaux du ciel
Ni la bave claire des ruisseaux ;
Le soleil coule sur ma peau tel le miel
Et je vais, priant la nuit de me donner le repos.

De ma bouche sort la complainte du Temps
Et du dedans je me consume ;
Me faudra-t-il pleurer dans le cri du vent
Et que l’encens des lichens me parfume ?

Sur mon front brûle une croix de sang
Qui me rappelle d’ancestrales psalmodies ;
Et quand donc tairais-je en moi ces chants
Qui fouettent mon âme et me crucifient ?

Je me suis fait bête, fauve ou mésange,
Par reniement de la parole humaine,
Et je griffe en moi la crasse qui me lange :
Cet animal pensant et tout gorgé de haine.

J’ai déchiré ma poitrine trop étroite
Et le soleil a baisé mon cœur battant ;
Dans la grande battue, ma peau était moite
Et, gibier lucide, le feu a nourri mes élans.

Je me suis enfui dans les forêts noires,
Du charbon plein mon visage de fou
Et j’ai béni la semence des poires,
Empoissant les pieds qui me tenaient debout.

Où gît le vieil homme qui pleurait en moi ?
Dites-moi où est son tombeau de terre ;
Il voulait se revêtir du lys des rois
Et n’a pas su apprendre à se taire.

Qu’il repose à présent dans l’oubli
Puisque la dernière bougie s’est éteinte ;
Ô, dites-moi si Dieu est, que je le prie !
Et que ma peau morte sente son étreinte !

(p. 31-32)
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Triptyque pour l’Aube

La terre est un chat roulé en boule.
Et le soleil, un quignon de pain blanc.

- Je m’éveille, encore saoule
De l’éclat du matin, de la lune d’argent.

Et je m’étire, rameau de lumière
Sous la résine rouge des feuillages.

J’étais endormie comme une pierre
Et voici que je renais dans le paysage.



- Je suis celle du premier jour :
Un morceau de cire qui flambe.

Tout fleurit en moi comme du velours
Et j’ai du feu dans les jambes.

Je vais faire fête à l’aube,
Cette femme aux yeux d’or

Qui attend que la nuit revêtue de son aube
Fasse naître le miracle et conjurer la mort.



- Je suis une source d’eau-de-vie
Dans la gorge brûlée du pré.

Et je vais quand tout est fini
Me lever comme un épi de blé.

Mon regard est un puits de lumière verte
Et je brille comme une gemme.

La nuit est la peau morte que je déserte ;
L’aube est mon chant, mon unique poème.

(p. 54)
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