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Critique de visages


Pour apprécier ce roman à sa juste valeur, il est nécessaire de le restituer à l'époque de son écriture. En 1922,La garçonne scandalise et pas seulement les bourgeois. le journal l' Humanité y va d'une plume assassine. Victor Margueritte sera radié de l'ordre de la légion d'honneur.
Accusé de promouvoir la dépravation des moeurs,de tenir des propos pornographiques, l'auteur réaffirme qu'il n'a rien extrapolé et que,comme Zola, on lui reproche de prêter à ses personnages féminins une aspiration à la liberté. Il ajoute qu'il ne fait que rendre compte d'une dépravation déjà en cours et même supérieur à ce qu'il écrit. On pourrait y voir une ambivalence quant à ses engagements féministes, cependant il dénonce ouvertement le statut de " la femme prisonnière depuis des siècles, esclave habituée à la résignation et à l'ombre, titubant au seuil brusquement ouvert de la lumière et de la liberté."
Son message me semble être que la liberté s'apprend, et qu'en ouvrant la porte d'une cage sans éducation préalable, l'oiseau sera dévoré sans attendre que les ailes puissent se déployer harmonieusement !
Dans Ton corps est à toi, V.Marguerite développe cette idée en introduisant cinq ans plus tard la question de l'avortement.
Dans La garçonne, on suit le parcours d'une jeune fille d'un milieu bourgeois qui ,à la veille de son mariage découvre la turpitude de son fiancé. Assoiffée d'idéal amoureux au point de ne pas avoir perçu l'hypocrisie du système social dans lequel elle a grandi, elle renonce à son mariage et rompt avec sa famille et son milieu. Elle s'engouffre dans un mode de vie qu'elle veut sans limite quant à ses plaisirs. Un monde qui lui permet un temps seulement de profiter de la liberté mais au sacrifice de ses émotions. L'issue de l'histoire peut apparaître comme un retour minable à la morale, tel que Bruno Fuligni le reproche dans sa préface. Pour ma part,j'y vois davantage la dualité de l'auteur qui, à mon avis, est réellement féministe et prône une révolution qui permettrait un jour que les " d'eux sexes finissent un jour par avancer côte à côte harmonieusement ", et en même temps voit comme un piège, une liberté qui serait dépourvue d'une éducation préalable des femmes comme des hommes pour construire un autre modèle d'organisation sociale.
Ce victor Marguerite là me plaît beaucoup. Cependant j'apprends par B.Fuligni que derrière ce féministe anarchissant,se cache un homme qui,sous couvert de prôner la paix, s'est laissé détourner par la propagande allemande. La garçonne avait été utilisée par la Wilhelmstrasse afin de ternir l'image de la France à l'étranger. Attiré par le communisme, et à mon sens trompé par une mauvaise analyse de ce qui se jouait alors,il soutient Hitler lorsqu'il envahit la Rhénane. Ceci ne l'empêche pas de dénoncer la rigidité du stalinisme.
Alors, qui était vraiment Victor Marguerite ? Un humain imparfait avec ses erreurs,certes mais aussi un écrivain qui s'est engagé pour l'égalité homme/femme avec un réel courage et un bel humanisme. Il est toujours plus facile cent ans après de juger des positionnements critiquables que d'agir sans erreur dans une époque chaotique.
C'est un écrivain qui mérite d'être découvert, et dont les textes ne sont pas si démodés qu'on pourrait le penser.
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