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Critique de hcdahlem


L'amour a tellement de visages

Héléna Marienské a décidé de tout dire, de ne rien cacher de sa vie amoureuse. Son autobiographie est, au-delà du récit de ses multiples rencontres amoureuses, un plaidoyer brûlant pour la liberté que les hétéros et les homos rejettent.

«Ça ne va pas être simple, cette vie. Pas simple à raconter non plus. Moi qui mens toujours, par réflexe pavlovien pour échapper à l'inquisition maternelle, mais aussi par habitude acquise et cultivée — jeu, amour de la fiction — comment dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité je le jure?» Nous voilà prévenus d'entrée, l'histoire ou plutôt les histoires qui font cette autobiographie sont passées au tamis de la littérature, de l'envie de donner une cohérence à un parcours, mais aussi d'offrir une belle perspective, celle d'une femme libre.
Pour la narratrice — qui s'appelle Nathalie Galan et deviendra Héléna Marienské — il aura fallu franchir bien des obstacles pour parvenir à s'émanciper et à oser tout dire, avec une bouleversante sincérité.
C'est vers sept ans, du côté de Montagnac, que la fillette découvre avec son amie Ange comment fonctionne son corps. Une première expérience de la sensualité qui est un encouragement à poursuivre cette exploration. À quinze ans, elle fait l'amour avec Claudine et comprend très vite combien les sentiments peuvent être fluctuants. Quand elle revient d'un séjour à Londres, où elle a trompé son exil en se jetant sur les fish and chips, les pizzas et les rhubarb pies, Claudine ne veut plus d'elle. La "grosse" se rabat alors sur les hommes, mais sans pour autant s'y attacher. Ce n'est que quatre ans plus tard, en arrivant à Paris, qu'elle retrouvera les bras d'une jeune femme, Albertine. Mais là encore, la liaison sera brève. Alors, elle navigue à vue. Sa vie amoureuse est un chaos, du coup elle se tourne vers une analyste lacanienne orthodoxe, Mme Michelangeli. Car son bilan est peu reluisant: "J'ai épousé en premières noces, à vingt ans, un amateur de nymphettes, Daniel. Il a l'âge de mon père mais lorsque je rencontre Michelangeli, je suis à vingt-trois ans déjà une vieille chose à ses yeux. À qui parler? J'ai rompu en visière avec mes parents, je n'ai aucune amie. Je veux divorcer et comme mon époux me complique la tâche, je multiplie les aventures — c'est l'époque merveilleuse de l'insouciance pré-sida. J'ai arrêté mes études et je n'ai aucun métier." La psy lacanienne va réussir à mettre un peu d'ordre dans ce capharnaüm sentimental, éloigner les relations toxiques et faire entrer sa patiente dans un cercle vertueux. Elle trouve l'homme idéal, se marie, donne naissance à deux filles merveilleuses et connait vingt ans de bonheur. Un bonheur qui se dédouble grâce à la littérature qui va provoquer le réveil de la belle endormie. Albertine a publié un livre dans lequel elle raconte leur rencontre et évoque un regret. Il n'en faut pas davantage pour que Nathalie éprouve la nécessité de la revoir. La passion est toujours là, mais Albertine n'entend pas bouleverser sa vie. Elle se consolera alors avec Coline, avec qui elle va partager sa vie et son petit chien. Ce dernier, qu'elle promène dans le Marais, va lui permettre de faire bien des rencontres, d'engranger de nouvelles expériences. Jusqu'à excéder Coline qui la renvoie. La traversée du désert qui suit sera de courte durée. Jusqu'au jour où elle croise Naomi. "Je ne maîtrisais plus rien. J'aimais à quarante-cinq ans d'un amour adolescent. Naomi était rodée aux histoires de coeur et de corps avec les femmes, tandis que je les découvrais avec émerveillement. Albertine avait été inaccessible, je m'étais comportée comme une idiote avec Coline, mais cette fois, j'aimais. J'aimais et voulais vivre avec Naomi un amour complet. Je le désirais avec frénésie: j'avais à nouveau dix-sept ans, l'appétit de plaisirs et des effusions sentimentales qui vont avec. Cristallisation, idéalisation, aveuglement amoureux tout ensemble. Égarements du coeur et de l'esprit."
Las, cette histoire prendra fin comme les précédentes. Avant que de nouvelles rencontres ouvrent la voie à de nouvelles relations. Cet amour non-exclusif des femmes est raconté, entrecoupé de souvenirs d'enfance, d'une carrière à la télévision commencée par hasard en tant que coco girl et abrégée après un étonnant tournage en ex-Yougoslavie qui va tourner au fiasco, les années d'études supérieures et celles d'enseignante ou encore les figures familiales qui ont marqué la romancière. À la clé de cette autobiographie, le souci de tout dire, de se livrer, de plaider pour davantage de tolérance et d'ouverture d'esprit, y compris chez les gays et les lesbiennes. Car, comme les hétéros, c'est d'abord leur propre pré carré qu'ils entendent défendre, refusant de partager leur sexualité.
Depuis Fantaisie-Sarabande et Les ennemis de la vie ordinaire, Héléna Marienské avait ouvert la voie. Avec Presque toutes les femmes, elle parachève son plaidoyer d'une plume aussi libérée qu'elle-même.


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