L'émerveillement est à tout instant à notre portée, pourvu que nous soyons dans l'état de vigilance et de concentration qui permet une saisie poétique du monde.
Il faut être profondément ancré en soi pour que le regard jaillissant rencontre l'entour et s'en émerveille et ce mouvement paradoxal, du plus intime au plus vaste, dit bien notre condition d'être en relation, d'égale distance de soi et de l'univers
Or, ici le masque agit comme un mur, qui ne laisse voir le visage d'autrui qu'à demi- nu et nous privé du langage émotionnel qui nous renseigne sur son état affectif et ses dispositions à notre égard.
Dernier point : la logique sanitaire crée "des malades potentiels", désigne comme vulnérables des personnes âgées qui ne se seraient jusqu'alors pas définies comme telles.
Cette opposition entre le sentiment de soi et l'étiquette apposée arbitrairement, cette fragilité décrétée, est aussi une expérience assez violente, comme un vieillissement soudain et accéléré.
Elle est le nom d'une nouvelle inquiétude contemporaine.
S'endormir, c'est descendre dans une étrange sphère d'oubli, et cette descente est indispensable à la reconstitution de la nappe phréatique du soi.
Si on se met en couple, c'est d'abord parce qu'on ne va pas très bien.
On manque de quelque chose, on n'est pas tout à fait capable de tenir debout tout seul ou toute seule.
Dans un couple, il est extrêmement important de laisser l autre respirer.
En cela, l'expérience collective du confinement aura peut-être permis d'éprouver sensiblement le fait que le couple, loin d'être une entité seulement affective, n'existe jamais seul.
Il se construit en relation : à deux certes, mais aussi avec tous ceux avec lesquels il interagit. Il peine, dès lors, à survivre à l'isolement.
Nos gestes les plus machinaux et anodins sont devenus sources d'inquiétude.
Ainsi cette crise sanitaire n'est elle pas tant révolutionnaire que "révélationnaire".
Elle a révélé que nous étions entrés dans l'ère de la "synchronisation de l'émotion" qui fait qu'une déflagration, par l'effet de sa propagation mondiale et virale, provoque une "communauté d'émotions instantanées".
La crise sanitaire a autant affecté notre santé que notre intimité. La présence de la maladie a aussi bien exacerbé nos failles et nos fragilités que révélé certaines ressources cachées et forces insoupçonnées. Le confinement a fragilisé les corps, mais aussi touché les cœurs, suspendu les libertés et bouleversé nos sensibilités. La sidération, la peur, la claustration, l’incertitude, la vulnérabilité, l’attente, la solitude, mais
aussi la solidarité et la sollicitude ont scandé ces moments de rupture, d’élan et d’abattement. La crise a perturbé le délicat équilibre entre le contact et la distance. La pandémie a chambardé l’économie, mais elle s’est également immiscée dans les plis de nos vies.