La crise sanitaire a autant affecté notre santé que notre intimité. La présence de la maladie a aussi bien exacerbé nos failles et nos fragilités que révélé certaines ressources cachées et forces insoupçonnées. Le confinement a fragilisé les corps, mais aussi touché les cœurs, suspendu les libertés et bouleversé nos sensibilités. La sidération, la peur, la claustration, l’incertitude, la vulnérabilité, l’attente, la solitude, mais
aussi la solidarité et la sollicitude ont scandé ces moments de rupture, d’élan et d’abattement. La crise a perturbé le délicat équilibre entre le contact et la distance. La pandémie a chambardé l’économie, mais elle s’est également immiscée dans les plis de nos vies.
L'émerveillement est à tout instant à notre portée, pourvu que nous soyons dans l'état de vigilance et de concentration qui permet une saisie poétique du monde.
Il faut être profondément ancré en soi pour que le regard jaillissant rencontre l'entour et s'en émerveille et ce mouvement paradoxal, du plus intime au plus vaste, dit bien notre condition d'être en relation, d'égale distance de soi et de l'univers
La maladie est en effet un sujet de conversation à la fois public et quotidien. Ce qui était de l'ordre du privé, de l'intime, est désormais une préoccupation collective que l'on vit en même temps que les autres, mais qui ne nous rapproche pas pour autant.
Rien n'est plus défatigant qu'une joie. Rien de plus fatigant qu'une angoisse.
Nos gestes les plus machinaux et anodins sont devenus sources d'inquiétude.
Dans un couple, il est extrêmement important de laisser l autre respirer.
Ces heures passées devant l'écran pour l'encodage informatisé des données de santé, cette protocolisation généralisée, leur donnent l'impression de n'être que les rouages d'un système gestionnaire qui les soigne plus mal tout en exigeant qu'ils soignent toujours mieux.
Or, ici le masque agit comme un mur, qui ne laisse voir le visage d'autrui qu'à demi- nu et nous privé du langage émotionnel qui nous renseigne sur son état affectif et ses dispositions à notre égard.
Dernier point : la logique sanitaire crée "des malades potentiels", désigne comme vulnérables des personnes âgées qui ne se seraient jusqu'alors pas définies comme telles.
Cette opposition entre le sentiment de soi et l'étiquette apposée arbitrairement, cette fragilité décrétée, est aussi une expérience assez violente, comme un vieillissement soudain et accéléré.
Elle est le nom d'une nouvelle inquiétude contemporaine.
Si on se met en couple, c'est d'abord parce qu'on ne va pas très bien.
On manque de quelque chose, on n'est pas tout à fait capable de tenir debout tout seul ou toute seule.