La société exige du malade qu'il dissimule sa douleur et sa dévastation, qu'il lui épargne le spectacle de la catastrophe manifeste ou secrète de la maladie.
La maladie oblige l'homme à considérer ce qu'il s'efforce denier : sa vulnérabilité et l'aveuglement sur lequel il construit sa vie, conçue sur le mode d'une durée indéfinie, selon une existence continue, dans un engagement au sein duquel il n'inclut pas la possibilité d'une faille, d'une parenthèse, pour ne pas évoquer celle d'une disparition.
Le geste du médecin censé l'apaiser renforce sa souffrance par l'humiliation qu'il génère. Il ne peut soulager le malade qu'en le réduisant à son corps, qu'en le rabaissant au statut d'organisme défaillant.
Perte de l'équilibre, perte du contrôle de soi, perte de la verticalité, la maladie est l'humiliation de l'homme à terre devant l'homme debout.
Alors que le malade semble se dépouiller de ses habits sociaux, la maladie, elle, s'impose comme personnage tragique aux significations honteuses ou grandiloquentes dans le théâtre de la société.
Il y a dans la maladie quelque chose dont on ne se remet pas, qui laisse une trace en nous, nous atteint. Une découverte de la différence en soi, d'avec soi, qui affecte doublement le sujet.
Plus d'opacité pour le protéger, son corps est traversé par le regard médical.
Le malade est sans cesse traversé par l'étrangeté.