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Citations sur Nativité cinquante et quelques (14)

Maît’ Louis tortille ses fils électriques. La guirlande peu flexible fait des mètres et des mètres. Elle emplit le petit salon. Sur les planches anatomiques aussi le système nerveux de l’être humain. Ça qu’on a dans le corps : des guirlandes. On offre ses nerfs en offrant des guirlandes.
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On vit de peu. Quelques légumes, le cochon qu’on tue, qu’on sale, qu’on stérilise – et ils viennent à plusieurs pour le tuage, ceux du bourg qui savent y faire, Viveur le charcutier, d’autres encore qui perpétuent les anciens gestes ; même Jean Dieu joue son rôle dans le mystère : il faut, pour accompagner le boudin tiède à peine tiré de la marmite, de la moutarde et du pain frais, aussi pour l’occasion cuit-il une fournée de ficelles ; et Maît’ Louis débouche le bourgueil qu’un des tueurs va chercher à la cave, descendant l’escalier raide sur les indications du maître.
Le dernier cochon remonte à quelques jours.
Quelques jours d’avant la neige.
En général, c’est plus tard que l’on tue, vers janvier, février, quand le froid mat roidit mieux la viande. Mais là, l’hiver est arrivé plus tôt, figeant, sec, une grosse semaine avant la Noël. Mais le temps ne l’eût-il pas permis qu’il aurait, Maît’ Louis, tué quand même, pressentant leur venue – car ils allaient venir et pourrait-on décemment, chrétiennement, les laisser dehors avec la faim dans le ventre ? Il faudrait bien les nourrir s’ils devaient rester – sachant qu’ils resteraient bien sûr. D’ailleurs le porc était mûr dans la soue de planches ; un long goret pesant son bon quintal. Il avait fallu deux hommes pour le coucher au sol. Deux hommes au corps habile qui peuvent encore, eux autres, adosser un cochon contre terre et l’y maintenir tandis qu’il agonise et grogne, de l’écume à la gueule – et sa chair vibre de mouvements spasmodiques.
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On s’éveille un matin vers l’approche de la Noël, c’est comme si on avait joué toute la nuit du clairon tant on éprouve en bouche un fort goût de cuivre.
Clairon : c’est ce qui vient à l’esprit quand on a soufflé ne serait-ce qu’une fois dans une de ces trompes – mais on pourrait aussi bien penser aux électrodes des piles quand on y goûte d’un coup de langue point trop déterminé pour en tester la charge.
Et c’est qu’on a mangé quelque chose au dîner – l’omelette à l’oseille, par exemple, qui laisse sur les lèvres une verdeur métallique : et d’autres nourritures ont sur le sommeil des effets semblables, les herbes acides, la ciboulette ou la salade, certains vins rouges, le vinaigre. Mais la cause, peu importe : il y a ce goût, et c’est un goût, cette verdeur métallique, qui donne des envies, qui donne des idées : et Maît’ Louis l’avait ce matin-là dans la bouche, ce fort goût de cuivre cordant de langue à cervelle un écheveau de chimères, et des envies, et des idées, lui tordaient les méninges.
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On n’est jamais seul avec la pâte : elle vous raconte des histoires de taille-crayons, de grelets, de sauterelles. Elle gagne sur le monde. On y replonge les bras : mais rien à faire contre cette expansion, contre ce langage de fête –contre cette effervescence ; et on capitule devant la joie
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Il a pris le pain. C’est beau comme il a pris le pain des mains mêmes du créateur –Jean Dieu est créateur du pain. Pain, pin : ces mots pleins d’odeurs jusqu’au fort de l’hiver. C’est comme un enfant tiède qu’on échangerait contre un peu de monnaie.
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Dans cette terre il faut imaginer le blé qui se détend, s’étire comme un qui se réveille et se frotte les yeux
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On ne dirait pas, comme ça : mais l’odeur du pain c’est comme l’odeur de l’herbe sèche ou de la vendange, rien qu’à la humer, concentrée comme une eau lourde, elle vous trouble la cervelle.
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Ça leur fait rejoindre un univers archaïque, cette mangeaille toute à symboles, et ils n’en sont pas dupes. Les plus instruits –comme du reste les plus instinctifs- saisissent pleinement la signification de leur gourmandise : manger oui, mais prendre dans sa bouche, sur sa langue, déstructuré par la salive, l’épars, l’erratique tohu-bohu de l’univers et tâcher d’en faire du sang, du muscle et du gras. Même chose pour le pain : ils ne sont pas de ces goulus qui vous l’avalent tout rond, sans y penser.
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La rue sentait le pain, le bon pain d’aube annonciateur du jour, un chant de coq d’odeur de pain.
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… Tu sais comment on greffe ? Porte-greffe, greffon ? Maît’Louis, c’était le porte-greffe et la maladie c’était le greffon, mais au final ça donne une seule et même plante, celle qui s’agrippe à la terre avec toutes ses racines et c’est elle qui porte les branches, les feuilles, les bourgeons, les fruits, tout ce qui donne du travail à la sève et qui la fait souffrir.
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