Cette lecture n'était pas du tout prévue, c'est en tombant sur le résumé et la couverture que j'ai tout de suite eu envie de me plonger dans cette histoire. Et je dois avouer que je n'ai pas été déçue, c'est une excellente revisite du mythe du vampire.
La première chose qui m'a happée dans le récit, c'est la plume, je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit aussi visuelle et riche, le fait que ça soit écrit à la troisième personne m'a également conquise. Contrairement aux arguments des réfractaires à ce type de narration, je ne me suis pas sentie éloignée des personnages, on s'attache sans peine à eux, et l'on déteste avec la même facilité les ennemis de nos héros. Ils sont en effet, extrêmement bien développés, il m'arrive encore de penser à ce rustre d'Abner Marsh, auquel je me suis beaucoup attachée, et pourtant cela fait déjà quelques jours que j'ai tourné la dernière page de ce roman. Je pense que c'est notamment lié à ma forte empathie (#teamhypersensible) et aux douloureuses désillusions qui ont jonché sa vie, et ce, jusqu'à la fin, son destin m'a fendu le coeur. Je retiendrais de lui sa loyauté implacable et cette amitié atypique qui l'unit à York. L'évolution de cette relation est la pierre angulaire de cette histoire, car malgré leurs différences évidentes, Abner et York finissent par s'apprivoiser et devenir de véritables amis. Aussi, les ennemis de nos deux acolytes, l'épouvantable Billy l'Aigre et le charismatique Damon Julian sont eux aussi finement construit, certes, ce n'est pas original d'affronter « le bien et le mal » il n'en reste pas moins qu'il y a des explications cohérentes que ça soit dans leurs psychologies ou leur histoire personnelle pour justifier leur méchanceté. Petite précision, quand je dis justifier, je l'entends au sens du scénario, ce ne sont pas des méchants vides de substances dont l'unique but est d'agrémenter le récit. En revanche, les actes barbares qu'ils accomplissent ne sont en aucun cas justifiables, que ça soit l'évocation d'un viol, les scènes de maltraitance des personnes noires réduites à l'esclavage ou encore la scène du nourrisson qui m'a pétrie d'horreur. Ceci étant dit, j'ai adoré les détester et attendu leurs trépas, avec une immense impatience.
Quant au scénario, il est très original, même s'il prend son temps, on est rapidement tenu en haleine pour tous les mystères et cette ambiance particulière. J'ai retenu mon souffle à plusieurs reprises et été soulevée d'effroi par certains évènements, c'était vraiment captivant. Je pense que j'ai autant accroché parce qu'il s'agit d'un parfait mélange entre le roman historique et le roman fantastique, le tout est bien dosé. D'un côté, on se sent entrainé en pleine Amérique du XIXe, avec en toile de fond, la guerre de Sécession, l'esclavagisme, mais aussi la course des bateaux à vapeurs sur le Mississipi et tout le commerce qui en découle. Par ailleurs, l'auteur à travers l'évolution d'Abner et York, il fait passer des messages de tolérance et condamne cette horrible époque où le racisme gangrenait plus que jamais la société. Et d'un autre côté, on a l'aspect fantastique qui agrémente le récit, avec le mythe du vampire, sans forcément tomber dans le rocambolesque ni le « réchauffé ». Il est vrai que j'ai eu du mal à éprouver de la compréhension envers les compagnons de York, cela dit, rien n'est fait non plus pour qu'on les apprécie, mais aussi envers York qui parfois m'agaçait (à la fin), j'ai quand même aimé les idées de l'auteur. Il offre une nouvelle dimension au mythe du vampire, avec cette terrible soif qui les rend esclave, tout en créant une culture autour de ses vampires, avec des « maitres de sang » qui s'affrontent pour guider leur groupe, rien n'est laissé au hasard, il y a une véritable richesse dans cette revisite à tel point que tout se tient et s'imbrique avec brio.
Compte tenu des éloges que je fais des personnages, de la plume et du scénario, pourquoi diable n'ai-je pas mis un cinq étoiles ? Eh bien, si l'écriture m'a plu, j'ai fini par la trouver indigeste par la présence de nombreuses longueurs. L'auteur se veut tellement poussif dans la construction de ses personnages et du contexte historique, qu'il alourdit souvent son texte. J'ai bien conscience que sans cela, je n'aurais peut-être pas autant eu d'attache envers Abner et York mais je pense que certaines scènes auraient pu être raccourcies pour donner du rythme. Quant au dénouement, il aurait pu lui aussi arriver bien plus tôt, j'avais l'impression que je n'en verrais pas le bout tant ça trainait en longueurs. J'ai également été un peu déçue par l'épilogue, qui à l'inverse, s'est montré assez expéditif là où j'aurais aimé avoir quelques détails sur les survivants.
Pour conclure, malgré les longueurs et un épilogue qui m'a laissée sur ma faim, ça n'en reste pas moins une belle découverte. Cette revisite du mythe du vampire vaut le détour pour les amoureux du genre. Attention toutefois aux âmes sensibles : le contexte historique montre l'esclavagisme dans tout ce qu'il y a de plus abjecte. Puis, il y a de nombreuses scènes de violences, de tortures, du cannibalisme et des meurtres, même les plus jeunes ne sont pas épargnés. L'auteur ne lésine pas dans les détails, donc, si vous y êtes sensibles, vous voilà prévenus. En tout cas, je n'oublierai pas le
rêve de Fevre de sitôt, ni son rustre capitaine et son atypique associé aux allures de dandy. Je lirais donc avec grand plaisir les autres romans de cet auteur !