Un essai qui dépeint durement l'abîme de la violence et de la misère au Salvador. Une lecture coup de poing, dérangeante.
Votre mission si vous l'acceptez : essayer de comprendre la violence, trouver comment une société monstrueusement violente peut se créer.
Lieu de l'enquête : en plein coeur du triangle nord de l'Amérique Centrale, au Salvador, le pays le plus meurtrier de la planète.
Óscar MartÍnez est un journaliste travaillant depuis cinq ans au sein de la Sala Negra, un service d'enquête sur la violence du journal El Faro.
Dans «
Les morts et le journaliste », Óscar, notre narrateur, va nous livrer treize ans d'enquête sur la violence avec la peur comme unique compagne. Il nous explique sa relation avec les informateurs mais, surtout, «
Les morts et le journaliste » est un monologue intérieur d'une beauté captivante et inconfortable. Brutal.
Notre fil conducteur est l‘histoire de Rudi, membre de la pandilla (gang) et de ses frères. Dès le début, le lecteur sait que trois vont mourir et qu'un seul survivra. Et il sait aussi que ses yeux vont parcourir difficilement les pages suivantes. Car il sait qu'Óscar raconte des histoires vécues, vraies, qui semblent tirées d'un film d'horreur. Des histoires de vies humaines qui habitent des quotidiens monstrueux. Des paysans étouffés par l'impunité. Des policiers qui commettent des massacres. Des victimes qui sont aussi des agresseurs.
«
Les morts et le journaliste » est un essai. Parfois carnet de notes ou carnet de voyage. Parfois confessionnal ou récit de souvenirs. Óscar y prône une certaine force de courage, celui de douter. le doute permanent. Des doutes épineux mais précis. Des doutes profonds. Ses recherches ne sont qu'une fouille effrénée. Les réflexions de l'auteur sont à la fois terrifiantes et bourrées de pénitence. Jusqu'où aller, quand s'arrêter, qu'est-ce que je veux savoir et pourquoi ? Avec ses investigations, Óscar met ses sources en danger, et il le sait.
« Quand quelqu'un ne peut aspirer selon certaines règles qu'à n'être rien, il cherche à être quelqu'un selon d'autres règles. Être quelqu'un est dans la nature humaine. Être quelqu'un n'est jamais être rien. La vie, c'est la recherche d'un sens, et le monde est fait pour que beaucoup d'individus ne le trouvent pas. »
Au-delà du doute, le journalisme permet de comprendre. Comprendre le monde. Continuer malgré tout à se poser des questions et éclairer l'indicible dans ces régions du monde où la mort violente est une politique d'État et une histoire quotidienne.
La plume d'Óscar est lucide, factuelle, objective. La volonté de comprendre dégorge de chaque phrase. Óscar creuse son sujet jusqu'à la moelle.
Dans ce livre dérangeant, il reste une note d'espoir : parfois le journalisme change quelque chose. Consuelo est une mère ayant été témoin du massacre de son fils de vingt ans par un groupe de policiers. Dans cette affaire, grâce au journaliste, une enquête s'est ouverte, se transformant en procès et condamnation internationale.
Un roman déroutant, dont l'impact sur le lecteur est immense. Acceptez de plonger au coeur de la violence salvadorienne en compagnie d'Óscar. Une lecture éprouvante, je dois bien l'avouer, mais tellement riche.
« Sa vie avait toujours été un désastre dans les grandes largueurs. Les histoires de dépassement existent, mais elles ont leurs limites. Dans ce cas précis, il n'y avait pas de rédemption possible. Personne ne la recherchait, personne ne la lui offrait, et ce n'était pas dans les environs qu'il risquait de la trouver. Survivre, tel était l'objectif. Fuir le mieux possible. Toujours fuir. »
Je remercie les Éditions Métailié et Babélio pour cette lecture.
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