Il ne voulait pas perdre ce calme bienfaisant dans lequel il évoluait depuis deux jours. Peu lui importait de ne plus jamais rien ressentir tant que là, maintenant, tout de suite, il ne souffrait plus.
Une expression lui venait en tête et tournait en boucle dans son esprit : « point de rupture ». Bastien semblait l’avoir atteint. Son esprit semblait ailleurs, n’importe où, mais pas ici, pas avec eux.
Une pointe d’énervement le surprit et le déstabilisa quelque peu. Il ne voulait pas que ses sentiments reviennent. Il était bien dans cet état végétatif, il se reposait enfin. Plus de drame, plus de prise de tête. Juste un vide qui soulageait son âme.
Il devait arrêter de ressasser le passé. Il devait aussi essayer d’assumer son corps tel qu’il était. Marqué en de nombreux endroits, certes, mais ce corps balafré était aussi la preuve vivante qu’il s’en était sorti. Il ne devait plus penser au reste, juste au fait qu’il était encore là, debout, en un seul morceau et capable d’avancer malgré tout.
Il savait qu’elle n’avait aucune mauvaise intention, mais il fut cependant incapable de lui rendre son geste. C’était au-dessus de ses forces. Il voulait bien la laisser approcher, lui laisser une chance d’être son amie et même essayer réellement de lui faire un peu confiance.
C’était viscéral… Il aurait tout donné pour arrêter de réfléchir, pour ne plus ressentir ses pensées grouiller tels des vers sur un morceau de viande avariée.
Trompe- toi, sois imprudent, tout n’est pas fragile. N’attends rien que de toi, parce que tu es sacré. Parce que tu es en vie. Parce que le plus important n’est pas ce que tu es, mais ce que tu as choisi d’être.
« Le viol, c’est un crime qui ne laisse pas de cadavre. Il saccage tout, bousille la tête et calcine le corps. Il ne laisse qu’une victime comme les murs noircis d’une maison incendiée, comme un cadavre ambulant. C’est dans ma tête maintenant. Je suis morte à l’intérieur, mais personne ne le voit. » A.