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Citations sur Paradis inhabité (75)

Comme d'habitude, Eduarda arriva tel un ouragan. La maison se
mobilisa, surtout Tata Maria qui, en l'absence de témoins, tutoyait
les deux sœurs et, à sa façon, les grondait même un peu. Dans la
buanderie, devant une Isabel pendue à ses lèvres, ne l'avais-je pas
entendue dire qu'elle avait connu les " Filles " quand elles avaient
onze et quatorze ans ? " Et Dieu qu'elles étaient différentes ! Le jour
et la nuit ! L'une si gentille, si polie, tout comme il faut, et l'autre qui
faisait ce qui lui chantait, un peu comme ci comme ça, disons... mais
vraiment gentille, la gentillesse même. " Et d'ajouter : " Mais un
phénomène, comme notre Adri. " Isabel glissa un œuf à repriser dans
le talon d'une chaussette et déclara, l'aiguille en l'air : " Ce genre de
choses, c'est dans le sang ". Mais Tata Maria s'étendit sur la question,
oui, elle nous aimait beaucoup toutes et tous, et si méchantes
fussions-nous, ni Eduarda ni moi ne méritions cet adjectif.
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Dès l'arrivée d'Eduarda, je sus que Maman et elle auraient un
entretien grâce auquel, depuis ma cachette, je comprendrais peut-
être l'une ou l'autre de ces bizarreries qui affectaient ma vie ou mon
entourage. Aussi me rendis-je, à pas de loup, jusqu'au boudoir de
Maman, petite pièce adjacente à sa chambre, où je l'avais vue
s'allonger sur un divan, mettre des disques sur le phonographe et
fumer. Elle fumait des cigarettes à bout doré, puis elle agitait les
mains, comme pour chasser des papillons de fumée, se poudrait le
nez, se recoiffait, se mettait une touche de rouge à lèvres, ombrait ses
paupières du bout des doigts, et se dirigeait vers le salon, où
l'attendaient souvent amies ou invités. On aurait dit un guerrier paré
pour la bataille. Sans trop savoir pourquoi, en ces moments-là, je
sentais naître en moi une grande tendresse à l'égard de ma mère,
qu'ensuite, au fil des jours, elle-même et ses longues absences
érodaient. Je pense qu'en ces occasions elle éprouvait le même
sentiment que moi devant les Géants. Devait-elle aussi les affronter ?
Comme moi ? Elle était grande, belle et vaillante. Moi pas.
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J'étais si menue que l'on s'imaginait parfois que j'avais des liens de
parenté avec les chers gnomes pour lesquels je préparais à goûter
sous un radiateur, dans un vieux coffret à dominos, avec des miettes
de pain et des bouts de chocolat. J'avais une prédilection pour les
radiateurs du salon, haut lieu de mes excursions nocturnes où je
pouvais me cacher sous n'importe quel meuble ou derrière le dossier
d'un fauteuil. Ma taille lilliputienne et ma propension au silence
faisaient de moi une véritable petite éponge qui absorbait tout ce
qu'elle écoutait ou voyait.
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Mes premières années ne furent toutefois pas malheureuses. J'oserai
même dire qu'elles furent plus heureuses que celles de bien des
enfants nés sous de plus favorables auspices. Je m'étais fabriqué un
monde à moi. Je vivais plongée dans un élément nébuleux, un cocon
de cette merveilleuse chaleur qui m'avait été accordée avec
parcimonie. Cette cachette, même si j'étais convaincue que les deux
domestiques connaissaient ou soupçonnaient son existence, n'était
pas le seul de mes refuges. Je ne puis me rappeler avec exactitude
quand j'ai commencé à sortir de mon lit pour explorer le monde
nocturne de la maison. Je supposais que tous dormaient, mais la
maison, elle, ne dormait pas. Elle s'éveillait tout juste.
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Parfois, les souvenirs
ressemblent à des bibelots : en apparence inutiles, nous y tenons
sans trop savoir pourquoi et ne parvenons pas à nous en défaire. À la
longue, ils s'entassent au fond de ce tiroir que nous évitons d'ouvrir,
par crainte d'une trouvaille indésirable.
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