Considérée comme un auteur important dans la deuxième moitié du XXe siècle dans son pays (prix
Cervantès, elle a fait partie de l'Académie espagnole de lettres) elle a eu les honneurs de nombreuses traductions françaises. La plupart de ses livres ont peu à peu disparu des catalogues, même si récemment quelques rééditions semblent redonner une seconde vie à certains de ses romans, en particulier aux éditions Phébus. Cela n'a pas encore été le cas de ce roman,
Les brûlures du matin, devenu donc difficile à trouver.
Nous sommes à une date indéterminée pendant la guerre civile espagnole, dans une île loin du monde, qui n'est pas nommée. La narratrice, Matia, se trouve chez sa grand-mère. Sa mère est morte, son père quelque part au front, chez « l'ennemi rouge ». La maison loin des combats accueille aussi sa tante Emilia avec son fils
Borja, le père et mari de ces derniers est officier dans l'armée nationaliste. La terrible grand-mère règne sur tout ce petit monde, comme elle règne en partie sur l'île. Les deux enfants, ou plutôt adolescents, vivent des moments hors du temps en apparence, avec des jeux et des découvertes d'enfants, se construisant un univers qui leur permette d'échapper à main mise de la grand-mère. Mais l'univers de l'enfance s'éloigne de plus en plus, face à la violence du monde, et aussi face à la violence qui les habite.
Ana-Maria Matute a un incontestable talent pour créer une ambiance, un décor, à rendre compte du monde sensible, avec sensualité et une sorte de poésie mélancolique. Elle est aussi très à l'aise dans le monde de l'enfance, entre la capacité à créer, à inventer, à rêver, et une forme de cruauté brute, primitive, qui ne se cache pas sous les politesses et le jeu d'apparence des adultes. Nous sommes dans une sorte de paradis déjà perverti, dans un récit qui s'achemine un peu vert une fin que l'on pressent tragique d'une façon inéluctable.
J'ai un peu de mal à dire ce qui m'a un peu manqué dans ce livre pour complètement m'emporter. Un tout petit peu trop prévisible, les personnages, en particulier Matia, avec un souffle de profondeur qui fait défaut, les belles descriptions peut-être un rien trop sur-écrites. Quelque chose qui serait de l'ordre d'une nécessité absolue plutôt que de la belle ouvrage très bien faite n'est pas complètement là. À un cheveu de la grand littérature, qui est sans doute l'ambition, presque atteinte. Mais incontestablement une très bonne lecture.