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Citations sur Comme le feu mêlé d'aromates (5)

Soyons des torches en feu.
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On croit souvent que le « péché » est une invention judéo-chrétienne ; que c’est la révélation biblique qui a lié la notion d’impureté à l’acte sexuel. Assurément, opposer la liberté des mœurs de la société païenne à la morale répressive du christianisme est une tentation ; mais au risque de chagriner ceux qui se forment une image idyllique du paganisme gréco-latin, je dois préciser que la vérité est plus complexe.

Ce n’est pas Saint Paul, c’est Plutarque qui, commentant deux vers d’Hésiode, parle de « l’impureté qui est attachée au coït » ; dans son Caton l’Ancien, Cicéron explique qu’un des principaux mérites de la vieillesse est de nous délivrer des plaisirs vénériens, qui sont la part la plus condamnable de l’adolescence, quod est in adulescentia vitiosissimum ; Sénèque condamne le libertinage en des termes que ne désavoueraient pas les Pères de l’Église ; les historiens latins sont farcis d’exemples d’un moralisme sexuel qui laisse loin derrière lui les exigences de la vertu chrétienne. C’est ainsi que dans ses Faits et paroles mémorables, Valère Maxime, après une invocation à la chasteté, raconte, en l’approuvant, comment P. Maenius fit mettre à mort un garçon qu’il avait surpris en train d’embrasser sa fille, afin que celle-ci comprît qu’elle devait conserver pour son époux « non seulement la fleur de sa virginité, mais les prémices mêmes de ses baisers » ; Valère Maxime fait également l’éloge de Cernius et de Vibenius qui châtrèrent les amants de leurs femmes ; et l’on peut voir chez Tite-Live que la découverte du scandale des Bacchanales, cet ancêtre de nos ballets roses et bleus, entraîna la mort de plusieurs milliers de personnes, ce qui prouve d’abondance que ce n’était point être en repos que d’être libertin en 186 avant Jésus-Christ. (II)
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Saint Irénée écrit que le sang versé par le Christ a sacré la terre ; pour moi, j’éprouve fortement que ce sont les trois mystères cardinaux du christianisme, l’incarnation, l’eucharistie et la résurrection, qui fondent l’amour chrétien de la terre.

L’incarnation, c’est le mystère de ce Dieu qui se fait homme parce qu’il est « fou d’amour » pour les hommes, selon la belle parole de Nicolas Cabasilas ; c’est le mystère du nouvel Adam cosmique en qui se réconcilient le créé et l’incréé. À l’encontre des sagesses impersonnelles de l’Inde, où le but n’est pas l’existence en Dieu mais le non-être, la fusion dans le Tout, la foi chrétienne est notre rencontre personnelle avec Quelqu’un : en se revêtant de chair, le Verbe cesse d’être exilé au ciel, abandonne son impénétrable et superbe solitude, nous rend la liberté de voir Dieu, que la chute nous avait ôtée.

L’eucharistie, c’est le sacrement de la chair et du sang.

La résurrection, c’est la chair glorifiée pour l’éternité, selon la prophétie d’Ézéchiel qui, dans le rite byzantin, est lue aux matines du Samedi Saint : « Ossements desséchés, entendez la parole du Seigneur ! »

Et notre cher Nietzsche qui croyait énoncer une maxime antichrétienne avec son « restez fidèles à la terre » ! Antichrétienne, elle ne l’est que pour ceux qui ont peur de ce triple mystère de la chair sur quoi repose le christianisme et qui, par nostalgie d’une « pureté » désincarnée, succombent à un dualisme manichéen, étranger à la vraie tradition de l’Église. (II)
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Nous rejetons l'idée de Dieu car nous avons le sentiment que si Dieu est, l’homme n’est pas libre. C’est le contraire qui est vrai : si nous savons être en lui comme des flèches d’or dans le ciel, Dieu se fait l’azur infini de notre liberté. Le Christ nous délivre du fatum des stoïques. En choisissant l’amor fati pour formule de la grandeur de l’homme, Nietzsche n’avance pas, il recule. Et la mort de Dieu conduit nécessairement à la mort de l’homme. Notre seule issue est la divino-humanité, dont l’incarnation est le prémice et dont le but est la déification qu’annoncent l’Évangile et les Pères : « L’homme est une créature qui a reçu l’ordre de devenir Dieu », écrit saint Basile.

Il faut plonger en Christ comme on plonge dans l’océan. Au risque de se noyer. Un jour que je confiais à Mgr Antoine cette crainte de la noyade, il m’a répondu : « Il y a trois folies : la folie de la foi, la folie de l’espérance et la folie de l’amour. »

N’ayons plus peur de la folie. Le christianisme est la religion de la paix de l’âme, mais il est aussi la religion de la brûlure de l’âme. Soyons des torches en feu.

Pour cela nous devons nous faire humbles, car l’humilité, c’est l’humus, la terre fertile qui seule permet au nouvel Adam de s’épanouir tel un lys royal.

Semblables à ces singes qui, dans les zoos, n’ont pas de plus grand souci que de montrer leurs culs aux visiteurs – regardez-moi ! c’est moi qui ai le plus beau cul ! –, les artistes, et singulièrement les écrivains, sont des monstres de vanité et de superbe. Ils sont, plus que quiconque, assujettis à leur moi peccamineux, coursés par la meute impersonnelle de leurs passions. C’est pourquoi ils répugnent tant à la conversion, et je suppose qu’il existe au paradis des brigades chérubiniques spécialisées uniquement dans le salut des hommes de lettres.

Je ne suis pas meilleur que mes confrères, loin de là ! Si néanmoins j’échappe mieux que d’autres à cette vogue aux fatuités qu’est la vie littéraire, c’est parce que j’ai l’extraordinaire bonheur d’être orthodoxe. Je ne suis pas sûr d’être chrétien, mais je sais que je suis, de toutes mes fibres, orthodoxe. L’orthodoxie étant le christianisme dans sa plénitude lumineuse, une pareille distinction peut paraître absurde. Elle l’est sans doute, mais, outre que l’absurde ne me fait pas peur, voici ce que je veux dire : pécheur, négateur, transgresseur, je me sens à l’aise dans l’orthodoxie ; j’y suis chez moi. (XII)
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J’aime l’Islam. Je m’y sens chez moi. Je suis l’Arabe voluptueux, tener Arabs, de Tibulle. Civilisation de la paresse, de la prière et du plaisir, l’Islam est, dans notre monde mécanique, le dernier îlot ou plutôt – car je sais des paradis qui ne sont point mahométans – l’un des derniers îlots où je puisse vivre selon le rythme et le mode qui sont pour moi le souverain bien.

La manifeste inaptitude des Arabes à utiliser les techniques de la modernité, loin de m’être une occasion de mépris, m’est une raison de les aimer davantage. Ne sachant pas conduire une automobile, je ne suis pas de ceux qui ricanent des Arabes à cause qu’ils ne sont pas propres à manier les chars et les avions : la noblesse d’un peuple ne se mesure pas à son habileté au napalm.

On me dit : « Est-ce la gueuserie de ces populations que vous considérez comme l’exemplaire que nous devons imiter ? » La question est mal posée. Il ne s’agit pas de condamner le « niveau de vie » que l’Occident apporte dans ses bagages, mais de considérer que ce « niveau de vie » n’est qu’une coquille vide s’il n’est pas nourri, habité, par le sens de la vie. Le pain que nous demandons à Dieu dans la prière dominicale est ensemble pain matériel et pain spirituel, pain de la terre et pain céleste. Les techniques ne sont rien si elles ne sont pas porteuses d’une grande idée, et je ne sache pas que la société européenne d’aujourd’hui, fondée sur la machine et l’agnosticisme, soit porteuse de quoi que ce soit qui ressemble à une grande idée : l’indigence matérielle de l’Orient se trouve face à face avec le sous-développement spirituel de l’Occident. L’aide des pays riches aux pays pauvres ? J’y applaudis, mais en marquant que la réciproque est vraie, elle aussi, et que les nantis ont beaucoup à recevoir des déshérités, et dans un ordre infiniment plus relevé que celui où ils leur donnent. Il y a une autre richesse et une autre pauvreté que la richesse et la pauvreté selon le monde.

Il est étrange que ce soit dans la patrie du père de Foucauld qu’il faille rappeler d’aussi premières vérités. N’aurions-nous plus la force de maintenir les brûlantes générosités de l’Évangile, non plus que de nous accorder au dépouillement hautain d’Épicure et des stoïques ? Hélas ! la France est saisie dans le tourbillon brutal où l’Occident abandonne son patrimoine spirituel et, partant, n’a rien à transmettre aux peuples qu’il subjugue, selon un joug économique souvent plus funeste aux âmes que le politique. (IX)
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