Leurs yeux se rencontraient, semblaient se concerter, se comprendre, échanger secrètement une pensée, puis se fuyaient. Mme Walter était tranquille, heureuse.
Elle avait l'air, de loin, d'une vieille, de près d'une jeune, et, quand on la regardait bien, d'un joli piège pour les yeux.
C'était bien là l'œuvre puissante et inattendue d'un maître, une de ces œuvres qui bouleversent la pensée et vous laissent du rêve pour des années.
Et l'envie, l'envie amère, lui tombait dans l'âme goutte à goutte, comme un fiel qui corrompait toutes ses joies, rendait odieuse son existence.
Du Roy rageait du triomphe du Patron.
Son cœur battait ; elle était contente d'avoir souffert un peu par lui.
- Adieu ! dit-elle.
Il la prit dans ses bras avec un sourire compatissant et lui baisa les yeux froidement.
(II, 5)
Son affection pour Mme de Marelle, au contraire, avait grandi pendant l'été. Il l'appelait son "gamin", et décidément elle lui plaisait.
Quand Du Roy, après le départ du ministre, demeurait seul en face de Madeleine, il s'emportait, avec des menaces dans la voix et des insinuations perfides dans les paroles, contre les allures de ce médiocre parvenu.
Il reprit :- Je ne peux plus vivre sans vous voir. Que ce soit chez vous ou ailleurs il faut que je vous voie, ne fût-ce qu'une minute tous les jours, que je touche votre main, que je respire l'air soulevé par votre robe, que je contemple la ligne de votre corps, et vos beaux grands yeux qui m'affolent.
Il se frottait les mains, tout en marchant avec une joie intime, la joie du succès sous toutes ses formes, la joie égoïste de l'homme adroit qui réussit, la joie subtile, faite de vanité flattée et de sensualité contente, que donne la tendresse des femmes.