"Je ne sais pas ce qui vous prend, dit-elle; vous ne comprenez plus la plaisanterie."
Elle me tapa l'épaule et monta. Voilà un trait exaspérant des femmes : toujours le dernier mot. Elles vous laissent bouillonnant de mauvaise humeur, avec une parfaite sérénité. Une femme n'était jamais jamais dans son tort, eût-on dit. Ou, si elle l'était, elle tournait la chose à son avantage, la faisant paraître sous un autre jour.
Je me préparais à un avenir heureux, à me marier peut-être et fonder une famille.
Mais je n'étais pas ainsi fait, ni Ambroise. Nous étions tous deux des rêveurs, sans esprit pratique, réservés, pleins de grandes théories, et, comme tous les rêveurs, aveugles au monde éveillé. Nous étions misanthropes et avides d'affection ; notre timidité imposa silence à nos élans jusqu'au moment où notre cœur fut touché. Alors les cieux s'ouvrirent et nous sentîmes, chacun notre tour, que nous avions toutes les richesses du monde à donner.
- Pars si tu veux, dis-je, mais pas tout de suite. Donne-moi encore quelques semaines à garder dans mon souvenir. Je ne suis pas un voyageur. Tu es pour moi le monde.
"Il existe des femmes, Philip, déclara-t-il, de bonnes femmes peut-être, qui, sans qu'il y ait de leur faute, attirent le malheur. Tout ce quelles touchent se tourne en tragédie. Je ne sais pourquoi je te dis cela, mais il me semble que c'est mon devoir."
La seule chose qui m'agaçait était qu'elle parût accepter de bonne grâce et même avec plaisir mon attitude à son égard, attitude que j'espérais tranchante. Elle prenait mon ironie pour de la jovialité.
La pleine lune dominait les arbres et possédait le ciel
Cet aspect de ma cousine Rachel ne s'était pas présenté à mon imagination. Je la voyais seulement malfaisante et semblable à une araignée. Je ne pus m'empêcher de sourire malgré ma haine.
La jalousie d'un homme est comme celle d'un enfant, violente et absurde, sans profondeur. La jalousie d'une femme est adulte, c'est bien différent.
Je jurai que, quelles que fussent les souffrances qu'Ambroise avait endurées avant de mourir, je les rendrais toutes à la femme qui en était la cause.
“Philip”, dit-elle.
Elle sourit et, tombant à genoux, me prit dans ses bras.
“J’ai une barbe”, dis-je.
Je ne pouvais m’empêcher de rire de cette folie, mais le rire me fit tousser. Aussitôt, elle me tendit un verre rempli d’un liquide amer qu’elle approcha de mes lèvres, puis, lorsque j’eus fini de boire, m’aida à me recoucher sur mes oreillers.