"Pars si tu veux, dis-je, mais pas tout de suite. Donne-moi encore quelques semaines à garder dans mon souvenir. Je ne suis pas un voyageur. Tu es pour moi le monde."
Ambroise me disait à Florence que cela valait la peine de supporter l'ennui des visiteurs rien que pour le plaisir de leur départ.
Il faisait chaque jour plus chaud.
J'aurais pu le matin me pencher à ma fenêtre, regarder les enfants qui jouaient pieds nus dans le ruisseau, et leur jeter des sous, écouter avec passion tous ces bruits nouveaux, me promener le soir par les ruelles étroites et me mettre à les aimer.
[...] ... Dans l'ancien temps, on pendait les gens au carrefour des Quatre-Chemins.
On ne le fait plus. Maintenant, quand un assassin paie sa dette à la société, cela se passe à Bodmin, après jugement en due forme aux assises. Je parle des cas où la loi le condamne avant que sa propre conscience ne l'ait tué. C'est mieux ainsi. Cela ressemble à une opération chirurgicale, et le cadavre reçoit une sépulture décente bien que la tombe reste anonyme. Dans mon enfance, il en allait autrement. Je me rappelle avoir vu, petit garçon, un homme enchaîné et pendu au carrefour où se croisent les quatre chemins. Son visage et son corps étaient enduits de goudron afin d'en retarder la corruption. Il resta pendu là cinq semaines avant d'être décroché et ce fut la quatrième semaine que je le vis.
Il se balançait sur son gibet, entre ciel et terre, ou, comme me le dit mon cousin Ambrose, entre ciel et enfer. Il n'atteindrait jamais le ciel et l'enfer qu'il avait connu était perdu pour lui. Ambrose toucha le cadavre du bout de sa canne. Je le vois encore, remuant au vent comme une girouette sur un pivot rouillé, pauvre épouvantail qui avait été un homme. La pluie avait pourri sa culotte, sinon son corps, et des lambeaux de coutil se détachaient, comme des bandes de papier, de ses membres enflés.
C'était l'hiver et un passant facétieux avait enfoncé une branche dans le gilet déchiré, à l'occasion des fêtes. Je ne sais pourquoi cette plaisanterie apparut à mes yeux de sept ans comme le suprême outrage, mais je ne dis rien. Ambrose avait dû m'emmener là dans un dessein précis, peut-être pour éprouver mes nerfs, pour voir si je me sauverais, ou rirais, ou crierais. Etant tout ensemble pour moi un tuteur, un père, un frère, un conseiller, en fait tout mon univers, il me mettait continuellement à l'épreuve. Nous fîmes le tour du gibet, il m'en souvient, Ambrose taquinant le pendu avec sa canne ; puis il s'arrêta, alluma sa pie et posa la main sur mon épaule.
- "Tu vois, Philip," dit-il. "C'est là où nous finissons tous par arriver. Les uns sur un champ de bataille, d'autres dans leur lit, d'autres suivant leurs destins particuliers. On n'y échappe point. Il n'est jamais trop tôt pour apprendre cette leçon. Mais voilà comment finit un criminel. Que cela soit un avertissement à tous deux d'avoir à vivre sagement. " ... [...]
— Les femmes, surtout Rachel, agissent toujours selon leurs émotions. Nous autres les hommes, le plus souvent, sinon toujours, selon la raison.
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Je conseillerais un petit verre de marsala le matin. Rien de tel que le marsala pour vous fortifier le sang.
- Pars si tu veux, dis-je, mais pas tout de suite. Donne-moi encore quelques semaines à garder dans mon souvenir. Je ne suis pas un voyageur. Tu es pour moi le monde.
"See what a moment of passion can bring upon a fellow," said Ambrose. "Here is Tom Jenkyn, honest and dull, except when he drank too much. It's true is wife was a scold, but that was no excuse to kill her. If we killed women for their tongues all men would be murderers."
Elle était jeune, elle n’avait guère plus de dix-neuf ans, mais l’expression de son visage était sans âge et saisissante comme si son corps léger eût enfermé une âme ancienne qui ne pouvait pas mourir ;
Pars si tu veux, dis-je, mais pas tout de suite. Donne-moi encore quelques semaines à garder dans mon souvenir. Je ne suis pas un voyageur. Tu es pour moi le monde.