Passeuse de soleils

Chaque jour a existé pour que j'apprenne à vivre. J'ai appris à vivre chaque jour.

C’est très difficile de s’intéresser à quelqu’un sans paraître indiscret.
Et savoir rester discret sans sembler indifférent.

Quand on désire trop le bonheur, on se laisse glisser à tort sur le chemin des illusions.

Ouf ! Tout son monologue a été enregistré. Un long silence. Puis sa voix a repris : "Le jour existe pour que j'apprenne à vivre. J'aime ce vers de Paul Eluard. Qu'en pensez-vous, Noé ? Y a-t-il une citation, un poème que aimez particulièrement ?"

Mais sa tristesse n’est pas seulement due au fait de se trouver dans ce Centre. Je mettrais ma main à couper qu’il a un SECRET. Je le sens. Je le sais. J’ai un sixième sens pour repérer ceux qui, comme moi, ont au plus profond d’eux-mêmes, une souffrance muette. Jamais confiée.

Il paraît si triste. Perdu dans un ailleurs. Un autre monde. Certes, se retrouver dans ce Centre de rééducation fonctionnelle, Sainte-Hippolyte-de-Rietz en Vendée, ne prête pas à rire. À sa place, j’exploserais. Car la brochure de Ciel et Océan a beau se proclamer “Centre de rééducation pour tous”, la moyenne d’âge est celle du troisième, du quatrième, bientôt du cinquième âge ! Même moi, qui n’ai plus vingt ans depuis très longtemps - je ne vous dirai pas mon âge, vous seriez fort étonnés - je sature de ces têtes blanches ou grisonnantes. J’aime bien la jeunesse.