À l'ombre des oliviers

Je m'assois sur le muret à ses côtés et soupire longuement.
— Ado, je détestais cet endroit. Je me suis toujours senti coincé ici et je ne pensais pas devoir revenir un jour.
Je relâche les poings douloureux que je n'ai même pas eu conscience de serrer.
— Je voulais fuir cette campagne le plus vite possible, fuir le village, les ragots, la dureté de mon père... Après mon année en internat, je suis allé étudier en ville comme pas mal de monde ici, puis je me suis barré au Canada. J'y ai trouvé un boulot d'ingénieur dans un cabinet de conseil, je me suis construit une vie que j'aimais loin d'ici, loin des souvenirs douloureux. Et à sa mort, j'ai dû revenir et tout laisser en plan pour reprendre l'affaire, ma vie d'expat, mon boulot, ma coloc, mes amis, mon mec...
J'ai une boule douloureuse qui grossit dans la gorge.
Je laisse le silence s'étirer entre nous et les souvenirs douloureux refaire surface. Parfois, j'ai l'impression que même dans sa mort, le paternel réussit encore à me pourrir la vie. Difficile de se sentir chez soi dans un endroit qu'on a toujours détesté.
— J'ai plein de mauvais souvenirs dans ce village. La déception de mon père parce que je n'étais pas comme il le voulait. Les ragots au village. Les insultes et les blagues homophobes. J'ai quitté le nid pour fuir tout ça. Je me suis barré le plus loin possible. J'ai réussi à mettre un océan entre lui et moi. Et là, on se retrouve sur son domaine, avec ses dettes sur les bras, à essayer de sauver son affaire…
Je me tais soudain, conscient des confessions trop intimes partagées.
— Parfois, j'ai l'impression d'être coincé à nouveau dans ce patelin, d'être redevenu cet ado qui avait peur de son jugement...
Liam garde le silence quelques instants en observant la vallée.
— Aujourd'hui, c'est toi le maître du domaine, Daniel. Tu n'as plus à fuir ton père, tu peux écrire l'histoire que tu veux...