Aujourd'hui, la plupart des universités sont à ranger dans le même sac que les asiles de vieux, des endroits où l'on case les gens pendant quelques années parce qu'ils sont dans une tranche d'âge difficile.
L'un des dangers de trop aimer quelque chose, c'est qu'on finit par en devenir dépendant, de même que l'on devient dépendant de choses que l'on déteste ou redoute.
Cependant, l'essentiel de ce que nous voyons dans les visage et les formes des autres est ce que nous savons d'eux et il m'était impossible de regarder Agnès sans voir en elle une abondance de contexte-son divorce, le livre de recettes et ces grosses pilules de vitamines complètement inefficaces qu'elle essayait de vendre avec si peu de résultats.
Pendant la plus grande partie de ma vie d'adulte, j'avais subi avec un ennui incommensurable les histoires décervelantes que les gens racontent sur leurs chers animaux familiers, des histoires relevant dans bien des cas de l'hallucination plutôt que du récit objectif. "Il dort avec nous et lit le journal." "Il allume la télé à six heures trente précises tous les soirs !" "Elle utilise les cabinets!" Or maintenant que je sortais promener Otis, il m'arrivait souvent de m'arrêter en route pour bavarder avec d'autres propriétaires de chiens, trouvant tout naturel de passer quinze ou vingt minutes à parler en détail de leur alimentation, leur transit intestinal et des petits gestes adorables qu'ils faisaient avec leur patte ou leurs grotesques oreilles hirsutes.
Cinq ans plus tôt, le mari d'Agnès, un individu grotesque nommé Davis, l'avait quittée, proclamant qu'il avait besoin de "se trouver". C'étaient ses propres termes. Comme il me l'avait expliqué, "je suis passé du fils parfait à l'étudiant parfait au mari et père de famille parfait. Maintenant, il faut que je me trouve, que je découvre qui je suis réellement". Je l'avais écouté avec stupeur, partagé entre la colère et la gêne devant cette récupération inversée du jargon M.L.F. de la première heure. Sa tirade puait la psychothérapie à la petite semaine. D'abord, ses prétentions à la perfection étaient parfaitement gratuites. Quant à découvrir qui il était réellement, cela se concrétisa fort rapidement par quelque chose d'aussi profond, en termes de quête du moi, que d'aller s'installer dans un abominable immeuble de studios rattaché à un club de mise en forme, skier tous les week-ends à Montréal et ignorer royalement les charges de sa précédente et parfaite incarnation sur cette terre-sa femme et sa fille, par exemple.
Aussi loin que remontent mes souvenirs, mon père a toujours raffolé des jeux télévisés, essentiellement parce qu'ils le confortaient dans sa certitude que la race humaine n'était qu'un ramassis de tarés sans cervelle.
La théorie selon laquelle cuisiner demande de l'amour est absurde. La bonne cuisine demande de la confiance en soi.
L'une des choses que m'avait enseignées la lecture de centaines de biographies, c'était que les relations chaotiques, mal définies, si séduisantes soient-elles au commencement, n'ont pas un dénouement heureux. J'avais également appris que c'est presque toujours une erreur d'enterrer partiellement la vérité -non pour des raisons de moralité, mais parce qu'il y a toujours quelqu'un, en fin de compte, pour éprouver le besoin de tout déterrer et de l'exhiber, en pleine lumière.
Je me suis toujours senti particulièrement mal à l'aise avec les enfants, surtout ceux qui sont intelligents, à qui on ne peut pas faire gober n'importe quoi et qui n'ont pas encore appris les vertus sociales du mensonge. Ils ont une façon de vous regarder bien en face avant de détourner hâtivement les yeux comme s'ils avaient décelé quelque chose d'immonde qu'il était préférable de maintenir dans l'ombre.
Pareil à bien des gens qui ont conscience d'un vide dans leur existence sans pouvoir l'identifier, j'envisageais souvent de recourir à la Société Protectrice des Animaux pour me fournir un affectueux compagnon canin. Cela me paraissait beaucoup plus simple et faisable que d'essayer de trouver un amant ou l'épanouissement spirituel.