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Citations sur Une Odyssée : Un père, un fils, une épopée (57)

Tom pose la question "pourquoi votre père suit ce cours"?


Notre chambre était donc devenue son bureau. PROF. JAY MENDELSOHN, annonçait la plaque en plastique blanc sur la porte.
Je l'imaginais mal dans son rôle d'enseignant. Je voyais très bien ma mère en institutrice, à l'époque où elle enseignait en maternelle et en primaire, dans les années 1950, d'abord, peu après leur mariage, puis après vingt années d'intermède, quand elle a eu fini de nous élever, dans les années 1980 et 1990. Maman était exubérante, vive, pleine d'entrain et intelligente ; tout le monde disait qu'elle était faite pour enseigner. Avec mes frères et sœur, nous avons d'ailleurs profité de son instinct pédagogique même si, à l'époque, nous ne l'appréciions pas à sa juste valeur : quand nous rentrions de l'école, l'après-midi, nous trouvions sur la table de la cuisine une rose dans un soliflore, ou une orange soigneusement coupée en deux, ou un poivron vert, et elle nous faisait asseoir autour de la table et disait : Regardez mes enfants comme la nature est merveilleuse ! Admirez cette géométrie parfaite des pétales, des tranches, des cosses !........

Mais j'étais totalement incapable de me figurer mon père devant une classe. Je repensais à l'œil qu'il posait sur les exercices et les interros de maths que je rapportais à la maison, sur les X rouges griffonnés en marge, comme une broderie furieuse festonnant le côté du papier, et j'en étais réduit à me demander quel genre d'enseignant PROF. JAY MENDELSOHN avait pu être.
Et maintenant, en ce premier jour du séminaire sur l'Odyssée, il était assis dans ma classe la main en l'air.

"Effectivement, je suis son père" di-il!

Je suis le cours de Dan (quelques étudiants s'amusèrent à l'entendre m'appeler par mon prénom) parce que j'ai eu envie de relire les Classiques que j'avais lu au lycée. C'était pendant la Seconde Guerre mondiale, dans les années 1940.
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Mon père détestait les signes de faiblesse, à commencer par la maladie, pour laquelle il affichait une sorte de mépris, comme si le fait d’être souffrant était une défaillance éthique plutôt que physique. Quand il nous arrivait de devoir rester à la maison parce que nous étions malades, il passait la tête par la porte de notre chambre avant de partir travailler et soupirait d’un air las et excédé, comme si cette grippe ou cette varicelle signifiait le début de quelque irréversible décadence morale.
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Mais qu'elle est la vraie nature d'un homme, demande l'Odyssée, et combien de natures un homme peut-il posséder ? Comme je l'appris cette année-là, l'année où mon père a suivi mon cours sur l'Odyssée et où nous avons refait le voyage du héros, les réponses peuvent être surprenantes.
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En grec, nostos signifie «le retour». La forme plurielle du mot, nostoi, était en fait le titre d’une épopée perdue consacrée aux retours des rois et des chefs de guerre qui combattirent à Troie. L’Odyssée est elle-même un récit de nostos (...) Peu à peu, le mot nostos, teinté de mélancolie et si profondément ancré dans les thèmes de l’Odyssée, a fini par se combiner à un autre mot du vaste vocabulaire grec de la souffrance, algos, pour nous offrir un moyen d’exprimer avec une élégante simplicité le sentiment doux-amer que nous éprouvons parfois pour une forme particulière et troublante de vague à l’âme. Littéralement, le mot signifie «la douleur qui naît du désir de retrouver son foyer», mais comme nous le savons, ce «foyer», surtout lorsqu’on vieillit, peut aussi bien se situer dans le temps que dans l’espace, être un moment autant qu’un lieu. Ce mot est «nostalgie».
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En partie parce qu'il donnait l'impression d'être toujours penché sur un livre, en train de raisonner ou d'absorber les raisonnements des autres, quand j'étais petit, je ne voyais mon père que comme une tête. Cette impression que sa tête était la plus grande partie de son corps était accentuée par sa calvitie précoce, apparue sans doute alors que j'étais encore enfant, et j'imaginais que l'énorme cerveau qui se logeait à l'intérieur de sa boîte crânienne avait tellement grossi qu'à force d'appuyer sur les parois, il avait fini par faire tomber les cheveux de son crâne. Nombre de mes souvenirs de lui partent d'une image, non pas de son visage - l'ovale cireux souligné par l'arcade de ses sourcils et ses petits yeux marron foncé légèrement rapprochés, le long nez busqué, un peu tordu au bout, qui avait l'apparence du caoutchouc, la bouche aux lèvres fines qui avait tendance à se figer dans un pincement -, mais de sa tête, cette tête dégarnie qui semblait presque émouvante de vulnérabilité, comme exposée aux blessures (J'ai lu, 2018, pp. 45-46).
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Quand on entend le heros de l'Iliade -poème qui célèbre le sombre éclat d'une mort précoce-expliquer au héros de l'Odyssée-poème qui célèbre avant tout l'instinct de survie- que la vie à tout prix, même comme domestique d'un paysan pauvre, est préférable à un règne glorieux sur un peuple de morts, c'est un revirement sidérant, qui en même temps a un petit côté humour noir. C'est comme si l'Iliade disait à l'Odyssée, C'est bon, tu as gagné.
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Le meilleur enseignant est celui qui veut vous faire découvrir le sens des choses qui lui ont donné du plaisir, de façon que l'appréciation de cette beauté lui survive. A cet égard -- parce que cela procède de l'acceptation du caractère inévitable de la mort --, ce qui fait le bon enseignant fait aussi le bon parent (J'ai lu 2018, p. 342).
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La rancoeur que m'inspiraient la dureté de mon père, son obstination à penser que la qualité ne pouvait naître que de la difficulté, que le plaisir était suspect et que l'effort était une valeur, m'apparaît aujourd'hui ironique, car, à mon sens, ce sont précisément ces qualités qui m'ont donné envie d'étudier les auteurs anciens. (p. 57)
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"Sur les traces d'Ulysse" était une croisière "culturelle", et mon père, qui par ailleurs méprisait tout ce qu'il considérait comme un luxe inutile- les croisières, le tourisme et les vacances-, tenait la culture et l'instruction en haute estime. Ainsi, quelques semaines plus tard, en juin, encore fraîchement imprégnés de notre immersion dans le texte homérique, nous avons embarqué pour cette croisière de dix jours, un jour pour chaque année du long périple qui ramena Ulysse chez lui. (p. 15)
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C’est drôle, dit-il, mais je trouve que cette partie du poème [la reconnaissance d’Ulysse sous les traits d’un vieil homme par Pénélope] est tout à fait réaliste. Il y a des choses qu’on partage dans un couple qui n’ont rien de physique : des blagues ou des souvenirs glanés au fil du temps, des petites choses que personne d’autre ne sait.
Il leva les yeux et vit tous ces regards de jeunes gens braqués sur lui. Soudain embarrassé, il tenta de détendre l’atmosphère : Bon, des fois aussi, ce sont des choses physiques! (...)
Les étudiants ne pipaient mot. Qu’auraient-ils bien pu dire ? Le mariage de mes parents avait duré trois fois leur vie. Leurs visages graves, les regards ébahis qu’ils posaient sur mon père à l’autre bout de la salle disaient à quel point ils étaient impressionnés. Et même, me sembla-t-il soudain, admiratifs.
Alors, dans le silence palpable qui régnait autour de la table je compris que les métamorphoses magiques qui ont lieu dans l’Odyssée ne sont rien d’autre que cela. Elles n’ont rien de magique. Quelque chose se passe, quelqu’un s’exprime avec passion ou autorité – avec des «mots ailés», épê pteroenta, selon l’expression d’Homère -, et l’on voit soudain les choses autrement : la personne en face a effectivement l’air d’avoir changé.
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