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Fatima Mernissi se rememore dans "Reves de femmes" son enfance a Fez, dans la maison ou vivaient sa grand mere paternelle, ses oncles, cousins, et autres parents, avec sa petite famille nucleaire. Un patio carre, avec une fontaine en son centre, entoure de chambres. Les portes et fenetres des chambres donnaient toutes sur ce patio. Aucune n'etait ouverte vers l'exterieur. Une maison aux allures de forteresse. C'etait un harem. Pas un harem imperial, cher a l'imaginaire et aux phantasmes des occidentaux, mais un harem familial, c.a.d. une maison ou vit une famille elargie.


Decrit-elle un monde revolu? Peut-etre ce genre de harem domestique existe encore en quelques endroits. Mais j'arrete d'extrapoler et me reporte au recit de Mernissi. Ce sont les annees 40 du XXe siècle. C'est une fillette qui apprend comment s'affirmer en tant que femme dans un monde qui la confine a l'interieur de frontieres antiques, demodees, donc craquelantes. Ces frontieres, ce ne sont pas seulement les hauts murs qui entourent la maison d'ou elle ne peut sortir que par permission speciale ou par effraction. le "houdoud", la frontiere, c'est surtout le respect aveugle de normes de conduite traditionnelles. Sa maitresse le lui enseignait: respecter le houdoud c'est avant tout obeir. Sans poser de questions.


Mais Mernissi est une petite fille curieuse de tout, qui s'etonne de tout, veut tout comprendre. Pourquoi sa mere deteste le harem familial et reve d'un petit appartement pour sa famille restreinte, son mari et ses enfants. Pourquoi sa mere, analphabete, lutte pour la faire passer de l'ecole coranique traditionnelle a une ecole moderne. Pourquoi elle lui rabache sans arret qu'elle se doit de devenir une femme moderne, independante , forte, surtout pas soumise comme elle. Pour comprendre, la petite Fatima s'appuie sur sa tante Habiba, divorcee et d'autant plus recluse. Habiba a le "hanan" (=affection, et surtout tendresse), qu'elle donne inconditionnellement, sans demander contrepartie. Et en plus c'est une grande conteuse. Les contes de la tante Habiba, tires des mille et une nuits, eveillent en elle des reves de femmes fortes et sages qui arrivent a etre les egales des hommes. Des reves d'avenirs fantastiques pour elle-meme. Ces contes sont doubles de petites saynetes qu'organise sa cousine Chama, admiratrice des premieres femmes "feministes" de Turquie et d'Egypte. Chama ne se revolte pas seulement contre le harem familial, comme sa mere, mais contre la condition de la femme au Maroc. La petite Mernissi a une autre conseillere aimee et admiree en la personne de sa grand-mere maternelle, Yasmina, qui vit dans une ferme a la campagne. Cette ferme est aussi un harem, dans le sens que plusieurs femmes partagent le meme mari, mais comme c'est a la campagne chacune d'elles est beaucoup plus libre de faire ce qu'elle veut et d'aller pratiquement ou elle veut. Comme il n'y a pas de murs, de frontieres physiques, les frontieres sociales sont aussi beaucoup plus laches. Mais Yasmina explique a sa petite fille que rien n'est jamais accorde sans un peu d'affirmation de volonte, sans un certain entetement, bref sans lutte.


A travers ses souvenirs Mernissi transmet non seulement le quotidien des femmes qui entourerent son enfance, mais aussi et surtout leurs reves, leurs esperances. Elle fait aussi allusion a la situation historique des annees 40: la partition du Maroc en protectorats francais et espagnol, le nationalisme (moderne) grandissant, la guerre entre chretiens qui fait rage hors du pays, l'arrivee de soldats americains. le tout vu par ses yeux de petite fille, et plus ou moins explique (et moins ou plus compris) par les grands.


Le livre charme. Il est bien ecrit (malgre quelques passages longuets). En plus, bien qu'on n'entende que la voix d'une petite fille, on sent les preoccupations (sinon les jugements) de la sociologue universitaire, de la feministe engagee qu'est devenue Mernissi. Il faut dire que son parcours de vie peut etre edifie en modele: fille et petite fille de femmes analphabetes, elle n'a parle que l'arabe jusqu'a ses vingt ans. Decidee a franchir – entre autres frontieres – la barriere de la langue, elle a reussi a en dominer plusieurs, ecrivant – apres des etudes en Sorbonne et a Brandeis – exclusivement en francais et anglais. Et je le repete: ecrivant bien. Ce livre est bien ecrit (ce n'est pas que mon avis. D'autres critiques le partagent). Il charme tout en faisant grincer les dents. Un livre charmeur et combatif en meme temps: que peut-on demander de plus?
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Rêves de femmes, c'est l'évocation de l'enfance de l'autrice, Fatima Mernissi, alors une fillette dans un harem marocain au milieu du XXe siècle. Les souvenirs de la Seconde guerre mondiale sont encore vifs dans les esprits, tellement qu'ils se confondent avec le présent. On y retrouve la petite Fatima, ses parents, oncles, tantes, cousins et, bien sûr, le grand-père, le patriarche de la famille, avec ses épouses. Il y a celle qui vient du Rif, dans le nord montagneux, robuste, l'autre qui vient de la ville puis, enfin, celle qui vient de Maurétanie, aux coutumes étranges mais qui a toujours des histoires originales à raconter. Parlant d'histoires, l'enfance de la petite Fatima est bercée par celles-là, mais surtout par les contes des Mille et une nuits (en particulier celui de la princesse Budur, qui s'est travestie pour protéger sa vie et son existence. Toutes illettrées parce que l'essentiel, c'est d'être belle et de divertir… C'est ce à quoi est destiné la fillette?

Pour l'instant, La petite Fatima ne pense pas si loin. Elle vit une enfance (sur)protégée, enfermée dans une cage dorée, elle s'amuse avec son cousin Samir (encore assez jeune pour aller et venir comme il le veut dans le harem des femmes). En tant que lecteur, nous découvrons cet univers avec elle. La montée du nationalisme en Égypte, la rivalité entre les chanteuses Asmahan et Oum Kelthoum, les escapades au cinéma, etc. Et, à l'image du lecture, Fatima devient une fine observatrice du monde qui l'entoure. La vie en communauté, avec l'épouse principale du patriarche qui régente la vie de toute la famille, les changements apportés par les français, au niveau technologique (radio, cinéma) mais aussi sociétal (fin de l'esclavagisme). Et féministe? Les femmes veulent augmenter « leur pouvoir de séduction, se coiffer avec une frange pour ressembler à l'actrice française Claudette Colbert, ou bien comploter des escapades […] » (p. 169)

Cette reconstitution de ce monde (presque) révolu, l'autrice Fatima Mernissi a su le créer en fouillant dans ses souvenirs, en choisissant ceux qui sont les plus évocateurs et en les agençant pour en former un tout cohérent. Surtout, son écriture est si fluide. Je n'aime pas ce mot, trop souvent utilisé, mais aucun autre ne semble convenir ici. Pendant ma lecture, c'est comme si je glissais entre les souvenirs et les événements. Et que dire du ton intimiste? J'avais l'impression de faire partie de la famille. de plus, même si l'autrice dépeint un univers différent du mien, passé et étranger (du moins, pour un lecteur occidental, nord-américain de surcroît), elle réussit à le rendre compréhensible, accessible… familier? Décidément, ce mot revient et revient.

Toutefois, plus les années passent, plus elle s'interroge sur le monde des adultes et sa place dans le monde. Elle grandit, commence à s'intéresser à des recettes de beauté, à l'image qu'elle projette (comme ses tantes illettrées). Samir grandit aussi, on l'éloigne du harem des femmes. Fatima elle aimerait également voir ce qu'il y a au-delà mais on l'en empêche. Elle ne comprend pas pourquoi, jusqu'à ce moment, son cousin pouvait fréquenter le harem des femmes ni pourquoi, elle, ne pourrait éventuellement aller du côté des hommes. La réponse des femmes? « L'enfance, c'est quand les différences ne comptent pas. À partir de maintenant, vous ne pourrez plus y échapper. Vous serez gouvernés par cette différence. le monde va devenir impitoyable. » (page 232)

C'est terrible, comme une sentence. du point de vue de la fillette et du mien. Fatima comprend alors avec douleur les différents traitements entre les sexes. Elle ne semble pas s'en satisfaire. le roman se termine sur cette note un peu amère. Toutefois, c'est compensé par le fait que l'histoire a donné raison à la petite Fatima, la grande majorité des femmes ne sont plus contraintes comme l'étaient celles de cette maison de Fez. D'ailleurs, l'autrice elle-même a pu s'en échapper, est devenue sociologue, travaille à l'université. Son oeuvre a été traduite dans une dizaine de langues.
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Courte, dense, passionnante, fiction et réalité, histoire d'une femme, histoire d'une famille, histoire du Maroc vers l'indépendance et le nationalisme apportant dans ses bagages, un combat en entraînant un autre, l'éducation et sa conséquence l'émancipation des femmes et l'ouverture d'une société vers ce qui n'était pas là hier. Des yeux d'une petite fille décrivant son monde, le livre devient lutte contre une société luttant contre les droits de la personne, commencé comme un conte avec Shéhérazade, l'ouvrage devient instrument de combat contre le pouvoir caché derrière la tradition.

Pour raconter cette période, Fatima Mernissi ( فاطمة مرنيسي), née à Fès dans un harem au sein d'une famille de la haute bourgeoisie marocaine, universitaire et sociologue reconnue internationalement autant de par ses ouvrages que par son action civique. Tout, dans sa délicate écriture, démontre son amour et son respect pour sa famille, le Maroc, son histoire et sa religion.

Mais l'amour se nourrit de liberté. Cet appel à la liberté individuelle, liberté de choix devient un combat lorsque la société refuse à l'amour, la liberté, et lui offre l'enfermement. La magie des mots portera son rêve : “Je me ferai magicienne. Je cisèlerai les mots, pour partager les rêves avec les autres et rendre les frontières inutiles”.

Fatima Mernissi nous prend par la main nous entraînant dans un monde inconnu et pourtant aujourd'hui si proche. Il faudra de l'attention au lecteur occidental pour ne pas caricaturer de par ses propres grilles de lecture les propos et les situations.

Ce livre est un ouvrage incontournable pour tous les européens qui voudraient tenter de comprendre nos voisins.

Lire l'article complet sur le blog.

Lien : http://www.quidhodieagisti.fr
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C'est un livre débordant d'intelligence, d'humour et de sensibilité commençant par « je jouais à I-msaria b-Iglass, un jeu que j'ai inventé à cette époque et que je trouve encore très utile à présent »
C'est un livre qui qui transmet non seulement le quotidien des femmes qui entourèrent l'enfance de Fatema Mernissi , mais aussi et surtout leurs rêves, leurs espérances.
Elle montre magnifiquement les conditions de vie des femmes, les couleurs, les parfums, les rites, le poids des traditions, et surtout les rêves des femmes qui tentent, par le rêve, d'abattre les murs que les hommes ont élevés pour les enfermer.
Sans oublier qu'Elle fait aussi allusion à la situation historique des années 40: la partition du Maroc en protectorats français et espagnol, le nationalisme (moderne) grandissant, la guerre entre chrétiens qui fait rage hors du pays,l'arrivée de soldats américains.

Il y a des pages très belles, sur la vision du ciel depuis la cour carrée, sur les rites de leur vie, la cuisine, la broderie, le hammam, sur la vie dans la médina de Fès, sur la ville de Marrakech, sur les montagnes de l'Atlas.
Mais c'est surtout un livre qui décrit une société luttant contre les droits de la personne, c'est un instrument de combat contre le pouvoir caché derrière la tradition. D'ailleurs on remarque bien que le côté sociologue et féministe engagée de Fateme mernissi prend souvent le dessus pour expliquer et épuiser ses sujets.

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Une phrase de ce récit le résume bien :" Je cisèlerais les mots, pour partager le rêve avec les autres et rendre les frontières inutiles ". Fatima Mernissi a ciselé les mots pour décrire la vie dans le harem Marocain d'une famille de Fès, dans les années 1940/1950. Elle montre magnifiquement les conditions de vie des femmes, les couleurs, les parfums, les rites, le poids des traditions, et surtout les rêves des femmes qui tentent, par le rêve, d'abattre les murs que les hommes ont élevés pour les enfermer. Ce n'est pas le harem d'un sultan avec un grand nombre de femmes lascives, attendant le bon vouloir du maître, image d'Epinal du harem dans l'esprit des occidentaux, mais plutôt la vie dans la maison d'une grande famille, ou les hommes, père, oncle de l'enfant narratrice, sont entourés de plusieurs épouses, mères, tantes, grand-mères. Les femmes y sont enfermées et sur la terrasse elles tiennent des conversations, elles commentent leurs conditions, s'affrontent entre générations construisent autour des conteuses des pièces de théâtres, lisent et relisent les contes des Mille et une nuits, font l'éducation des enfants, et rêvent de cinéma, de chansons, de danse, de vie à l'occidentale, de liberté, d'éducation. Il y a des pages très fortes sur l'origine du harem, sur le poids des traditions qui forme autour de ces femmes un harem invisible, sur la vision musulmane des communautés juives et chrétiennes, sur la présence des français colonisateurs. Il y a des pages très belles, sur la vision du ciel depuis la cour carrée, sur les rites de leur vie , la cuisine, la broderie, le hammam, sur la vie dans la médina de Fès, sur la ville de Marrakech, sur les montagnes de l'Atlas. Fatima Mernissi a publié ce livre dans les années 90, depuis elle a continué à écrire sur la condition des femmes dans le monde musulman.
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Je suis bien étonnée de lire Mernissi écrire un truc pareil, en général elle est beaucoup moins critique dans de genre de contexte. Je trouve son analyse assez simpliste et pas du tout réaliste dans le contexte schizophrénique marocain. Ici, l'habit ne fait pas le moine ..
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Un livre essentiel que nous devrions tous avoir lu, écrit par une femme d'exception, qui a connu un Maroc qui n'existe plus et pourtant qui porte encore ses stigmates, les stigmates d'un monde dominé par quelques hommes avides et sans scrupule, un monde finalement inhumain où les hommes comme les femmes qu'ils enferment, emprisonnés dans leur archaisme.
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Fatima Mernissi a la nostalgie de son enfance à Fès où elle est née en 1940. La belle maison qu'elle habite avec sa grande famille comporte des espaces traditionnellement clivés. le harem est celui des femmes, il est organisé selon des frontières qui régissent ce qui est autorisé. « Mon enfance était heureuse parce que les frontières étaient claires. » dit-elle. Cependant, les femmes ne pouvaient pas franchir le portail sans permission. C'est une petite fille curieuse qui regarde cette société chaleureuse, protectrice mais privant les femmes de liberté qu'elle a su trouver en étudiant et en devenant sociologue.
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Bon mais trop classique à mon goût, sans surprise.
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bon livre
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