Gardiens des cités perdues, tome 6 : Nocturna

- Dis, lança soudain Keefe, tu sais ce qui me frappe le plus quand je me remémore ce fameux vol avec Silveny ? Pour la première fois, j’ai senti que tu me faisais confiance. Pour de vrai.
C’était aussi la première fois qu’il avait tombé son masque de clown invétéré pour lui dévoiler une facette plus sérieuse et complexe de sa personnalité, qu’il se gardait bien de montrer à qui que ce soit.
- J’aime quand tu me fais confiance, ajouta-t-il à mi-voix.
- Moi aussi.
Il se rapprocha d’elle imperceptiblement.

- C’est quoi ton refuge, à toi ? demanda Keefe.
- Le ciel, sans doute, à condition d’être sur le dos de Silveny.
Sophie ne connaissait plus grand plaisir que celui de fendre les airs en compagnie de l’alicorne, au milieu de nuages blancs cotonneux.
- Pas mal, concéda son ami. Je vais essayer de m’y transporter, moi aussi. Il n’y aurait rien que toi, moi, et Miss Paillettes.

- Je veux un câlin, geignit l’Empathe.
Entre son teint pâle, ses vêtements trempés et sa silhouette frêle secouée de tremblements, il n’avait pas l’air de plaisanter. Luttant elle aussi contre les frissons, Sophie alla se blottir contre le dos de son ami puis l’entoura de ses bras avant de se laisser choir derrière lui sur le pont glissant.
- Si tu as envie de vomir, surtout ne te retourne pas, lui ordonna-t-elle en s’enveloppant avec lui dans sa cape afin de se réchauffer.
- Ça fait du bien, merci, répondit-il. Tes vêtements ont une bien meilleure odeur que cet affreux bateau.
- Euh… merci ?
La respiration du jeune homme sembla peu à peu se stabiliser, ses spasmes se calmer…

- Je t’en prie, ne lui donne pas de faux espoirs, laissa-t-elle échapper.
- Jamais de la vie ! Pourquoi est-ce que je ne flirte pas avec elle, à ton avis ? Je vais même jusqu’à badiner avec tout le monde sauf elle, histoire d’enfoncer le clou !
- C’est vrai, murmura la jeune fille, soudain assaillie par un étrange picotement.
Voilà qu’elle tenait enfin une explication plausible aux incessantes taquineries de Keefe ! Elle se doutait bien qu’il devait y avoir une raison à son comportement, n’empêche…
[...]
- Attends, souffla Keefe. Je…
Grady dévala l’escalier en le gratifiant d’un regard assassin. Le jeune homme s’écarta de son amie d’un bond.

- Je prends bien trop plaisir à t’embêter.
- Un de tes plus grands talents, soupira-t-elle.
- Et c’est pour ça que tu m’adores. Peut-être devrions-nous d’ailleurs vérifier si nous sommes faits l’un pour l’autre ?
Il tendit les lèvres vers Sophie qui le repoussa de plus belle.

- Soudain, tout semble si… réel. Et je ne parle pas que de ça ! Fitz a quand même déjà rempli son dossier auprès du Bureau des unions. Et sans doute ne vas-tu pas tarder à aller chercher le tien, si ce n’est déjà fait.
Keefe se mit à ricaner.
- C’est donc ça qui t’a maintenue éveillée toute la nuit ? Tu t’inquiétais de savoir si je m’étais inscrit ?
- Ce n’est pas du tout ce que je voulais dire.
- Ben voyons…

- Mais ça fait des années que je suis amoureux de toi !
Prenant soudain conscience de son aveu, il vira plus cramoisi que jamais.

- Je suis sûr que si je mettais cette odeur en bouteille, j’en tirerais la bombe puante du siècle ! acquiesça Dex. Sauf que j’aurais trop peur que Keefe mette la main dessus.
- Mieux vaut ne pas prendre un tel risque…

- [...] Mais crois-moi, si je pensais avoir la moindre chance de l’attraper, Foster et moi serions déjà en train d’organiser une soirée pyjama du tonnerre.
- Jamais de la vie, l’informa Grady.
- Peur de devenir la cible de mes farces ? demanda l’Empathe avec un clin d’œil.
- Ce n’est pas vraiment ce qui m’inquiète, non.
Sophie tressaillit. Le moment était venu de changer une nouvelle fois de sujet.

- Mais, insista-t-elle, les profs nous rappelaient sans cesse qu’ignorer le passé, c’était risquer de le voir se répéter.