Gardiens des cités perdues, tome 6 : Nocturna

La première peinture la représentait en gros plan avec Grady et Edaline, tous trois enlacés. La pose semblait si… naturelle qu’ils paraissaient avoir toujours vécu ensemble. À l’arrière-plan figuraient des branches qui devaient sans doute appartenir à l’Errant de Jolie.
Le second tableau, plus large, mettait en scène la jeune fille entourée de tous ses amis, debout près du panacier de Calla. Ensemble, ils formaient un de ces groupes incroyablement soudés auxquels elle n’aurait jamais imaginé appartenir. Pourtant, elle était bien là, pile au centre.

Keefe se pencha vers elle.
- Mon père, j’en fais mon affaire. Ce que je ne peux plus supporter, c’est de croiser le Fantôme de Foster, qui nous fiche la frousse à tous depuis quelques semaines. J’ai besoin de retrouver mon amie, la vraie, celle qui me mène à la baguette et que je prends tant de plaisir à taquiner.
- Oh… Suis-je la seule ici à me retenir de scander : « un bisou ! un bisou ! un bisou ! » ? lança Ro à la cantonade.
- En effet, soupira Sandor.
Keefe recula d’un pas tout en jetant un regard mauvais aux deux gardes du corps avant de se tourner vers son père.

- [...] Si Foxfire n’exigeait pas la présence d’un parent ou d’un tuteur pour récupérer les bulletins finaux, je doute même qu’il se rappellerait mon existence.
- Je ne te le fais pas dire, maugréa le jeune homme.
- Oh, génial ! Voici le moment tant attendu des règlements de comptes entre père et fils ! intervint Ro en surgissant des ténèbres. Pourquoi n’ai-je jamais de quoi grignoter au moment opportun ?

- [...] Je vous salue, princesse. Quel plaisir de vous voir ! Goûtez-vous votre séjour dans les Cités perdues ?
Ro haussa les épaules.
- Ça reste supportable tant que je peux pulvériser quelques objets de-ci de-là. Qu’est-ce que je me suis régalée dans votre ancienne maison ! Vous n’étiez pas trop attachée à votre bureau, au moins ?

- Je n’ose imaginer à quel point tu dois être terrorisée, pour accepter mon aide aussi facilement, déclara Keefe avant de lui palper le front, comme pour vérifier qu’elle n’avait pas de fièvre. Tu n’as pas besoin d’aller voir Elwin, au moins ?
La Télépathe poussa un soupir exaspéré.
Pourtant, grâce à cette plaisanterie ainsi qu’au reste de la conversation, ses larmes avaient séché, et elle avait l’impression d’être moins oppressée par le temps.
L’Empathe le sentit. Un sourire triomphant sur les lèvres, il s’empara de la moitié des livres pour l’aider à les ramener chez elle.
Grady, quant à lui, semblait regarder le jeune homme d’un œil neuf.
- Contente de te retrouver, dit Sophie à mi-voix, pour que personne d’autre n’entende.
Les traits de Keefe s’adoucirent.
- Moi aussi, Foster. Moi aussi.

- Ça ne doit pas être bien sorcier, dit Tam en lui prenant l’objet des mains pour le démonter, sans parvenir à l’assembler de nouveau.
- Alors, Mister Frangette, tu t’y retrouves ? lança l’Empathe, qui obtint une grimace pour toute réponse.
L’intéressé eut beau tordre, retourner, faire pivoter les pièces, impossible de les imbriquer les unes dans les autres. Sans parler des bruits accompagnant l’ensemble du processus, qui semblaient horripiler Ro.
- Alors ça, c’est le meilleur cadeau qu’on m’ait jamais fait ! déclara Keefe.
- N’importe quoi ! C’est nul, ton truc, maugréa le Ténébreux.

- Euh… pardon, rétorqua Biana d’un ton faussement outré. Je te rappelle que toi, tu vas passer tout ton temps avec nous, ce qui est bien plus cool.
- Peut-être, mais… dans une bibliothèque.
- Dommage que Keefe ne soit pas là ! répliqua l’Éclipseuse en ricanant. Vous auriez pu faire un concours de jérémiades.
- Je gagnerais à tous les coups, lança une voix familière depuis le pas de la porte.

Les adolescents étaient arrivés à mi-chemin de la porte lorsque Tam se figea.
- C’est toi qui as fait ça ? demanda-t-il à Biana en désignant son portrait.
Son double artistique arborait crânement une frange argentée. L’Éclipseuse acquiesça.
- Je pensais faire pareil avec celui de Linh… sauf si tu es contre, bien sûr.
Avec un immense sourire, le Ténébreux alla examiner l’œuvre de plus près. Les traits de pinceau semblaient hâtifs, le gris de la peinture un peu terne – mais l’ensemble correspondait enfin à son modèle.
- Tu plaisantes ? C’est la plus belle chose que j’aie vue depuis longtemps !

- Tu ne peux ni changer qui tu es, ni choisir ta famille, déclara Tam. Crois-moi… je ne raterais pas une telle l’occasion si c’était possible ! Tout ce que tu peux faire, c’est t’assurer de vivre selon tes principes.

Pour être honnête, l’étreinte de Fitz l’avait prise de court, d’autant qu’elle était couverte de cendre. Les vêtements du jeune homme n’avaient d’ailleurs guère apprécié. Il avait aussi embrassé sa sœur, bien sûr… Même si moins longtemps, quand même.
Et il n’avait rien murmuré à l’oreille de Biana. Certes, il s’était contenté de souffler à Sophie de rester prudente, or l’Éclipseuse n’avait pas l’habitude d’atterrir au Centre de soins aussi souvent qu’elle. Ceci expliquait sans doute cela.
Mais tout de même, en y repensant…