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Critique de Michel69004


« Conne,conne, grosse conne, vache, grosse vache » C'est ce que se répète Sandra à longueur de temps.
La grande, l'immense force du vrai-faux polar de Louise Mey c'est d'être rentrée, en tant que narratrice, dans la tête de Sandra, la Deuxième Femme. La Première a disparu…mais vient d'être retrouvée en Italie, amnésique.
Louise Mey nous transmet donc de l'intérieur tout le processus psychique, émotionnel, corporel des victimes de violences faites aux femmes. Sous la forme d'un roman. D'un polar magistral où la forme rejoint le fond.
Évoquons un peu les deux, beaucoup d'avis élogieux ici (que je me suis forcé à ne pas lire avant !), j'espère juste ne pas être trop redondant.
La forme donc :
Écrit de bout en bout à la troisième personne, le texte nous immerge dans le quotidien de Sandrine et dévoile subtilement, progressivement le mécanisme de l'emprise. Sandrine, célibataire dysmorphophobique à l'enfance tourmentée, rêve du grand amour. Malgré (ou à cause) d'un énorme trouble de l'estime de soi, elle le trouve enfin..
Louise Mey a beaucoup de talent pour raconté les petites choses de l'intime quitte à créer une syntaxe spécifique qui fait mouche. Sidéré, on découvre l'honneur de la banalité des violences, des souffrances quotidiennes. Ça fonctionne aussi parce que l'autrice écrit magnifiquement. Et on se dit : »Mais quelle conne cette grosse Sandrine, pourquoi elle ne se tire pas ». La deuxième femme n'est ni conne, ni grosse ni moche. Et elle ne peut pas se tirer. Caroline, la première femme, la maman amnésique du jeune Mathias, va lui donner un sacré coup de main.
La seconde partie du livre est à la fois digne d'un bon thriller et parfaitement pédagogique.
Le fond donc:
Télérama du 13 au 19 mai 2023« Backlash:
Révocation de l'arrêt Roe vs Wade, en juin 2022, qui garantissait aux États-Unis le droit constitutionnel à l'avortement. En France, nomination d'un ministre alors qu'il était accusé de violences sexuelles , Abandon de la «diplomatie féministe » en Suède, qui en avait pourtant été pionnière en 2014 . Réduction des femmes à leur fonction maternelle en Italie, où Giorgia Meloni refuse de féminiser son titre pour se faire appeler «il presidente ». Décret forçant les femmes à écouter battre le coeur du foetus avant de recourir à une IVG, en Hongrie. Obligation faite aux médecins, en Pologne, d'inscrire le nom des femmes enceintes dans un registre qui pourrait devenir un
gigantesque outil de surveillance alors que l'avortement y est quasiment interdit. Sans parler des filles effacées de la vie publique en Afghanistan etc… »
Manon Garcia, Camille Froideveau-Metterie,,Mona Chollet et quelques autres le disent à leurs façons.
Mais l'impact potentiel d'un tel roman est absolument essentiel. Parce que c'est un polar palpitant très bien écrit…
Quelques phrases, un peu au hasard :
« Des hommes affamés l'agrippaient dans la rue, dans le bus, faisaient des bruits mouillés, sortaient leur sexe gorgé de violence. Elle se figeait comme une bête, ou hâtait le pas, au prix d'un effort surhumain, les pieds lourds de honte… »
« Elle avait exhumé les étoffes molles et indulgentes qu'elle ne s'accordait d'habitude que les jours de maladie. »
«  Il y avait eu cette première journée douce, celle qui revient chaque fois, celle qui sent l'éveil. Celle qui se termine par un froid de mauvais perdant. »
« …elle, la deuxième femme: le père, le fils, et une place dans le lit-même si elle continue d'avoir l'impression de voler, de l'usurper, coucou disgracieux au corps dodu. »
« Mais sa nuit est entrecoupée de rêves répugnants, organiques, où la première femme est en elle, parasite, et sort de son corps en déchirant tout sur son passage. »
Et aussi:

« Il est très, très rare que les pères, même violents, même incestueux, même condamnés, soient déchus de leurs droits parentaux »

Bon, je ne vais recopier tout le livre non plus. Il est paru en poche. Si vous ne l'avez pas déjà, achetez le, offrez le, faites circuler et parlez-en.
En ce qui concerne les violences faites aux femmes, on a pris 10 ans de retard sur le modèle espagnol.
Pourquoi ???
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