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Critique de domi_troizarsouilles


Une excellente découverte !
Ça fait un moment que je vois passer le nom de Deon Meyer, cet auteur semble assez prolifique et ses différents livres (nouveautés ou pas) sont régulièrement mis en avant dans ma librairie. Dès lors, en ce mois de mai où l'Afrique du Sud est mise à l'honneur dans un challenge (sur une autre plateforme de lecteurs, oups!) invitant à découvrir de nouvelles nationalités d'auteurs, c'était l'occasion de tenter l'un de ses nombreux livres et, tant qu'à faire, autant commencer par le plus ancien qu'il ait écrit, et qui a été traduit en français.

Et pour moi, dès les premières pages, la magie a joué ! C'est que, sans trop savoir pourquoi, j'aime beaucoup ces romans policiers où la psychologie du personnage principal, ses pensées, ses errances, prennent au moins autant de place que l'enquête. Si en plus il s'agit d'un héros plus ou moins cabossé par la vie, alors je prends ! Je suppose que ce n'est pas par hasard si j'ai dévoré tous les romans mettant en scène Jean-Baptiste Adamsberg de Fred Vargas, ou Martin Servaz de Bernard Minier (chez lui, je dois encore lire « La Chasse » qui est en PAL).
Or, je pense que, avec notre héros ici, le fameux Mat Joubert, qui se remet difficilement de la mort de sa femme, et qui s'est laissé aller autant physiquement que psychologiquement, mais qui s'accroche vaille que vaille à son métier de policier même s'il sait qu'il est désormais sur le fil et dans la mire de sa hiérarchie, on a le même style de personnage : professionnel mais parfois un peu hors des clous, sérieux mais décalé par rapport à ses proches et certainement avec les femmes, et traînant cette souffrance au fond de lui… La nomination d'un nouveau supérieur hiérarchique va le contraindre à se reprendre en mains, ce qu'il fait d'une manière un peu aléatoire, puis de plus en plus consciencieuse – à faire pâlir d'envie bien des régimeuses, moi-même en premier lieu !

La toute grande différence, ici, cependant, c'est celle que je soulevais d'emblée : on n'est pas dans un commissariat plus ou moins important quelque part en France : on est en Afrique du Sud, et si le chemin psychologique du personnage, ainsi que les ressorts de l'enquête, sont similaires à tant d'autres du genre, où que ce soit dans le monde, ici tout est observé, commenté, dirigé en fonction de l'Histoire du pays. Les descendants des Boers (dont fait partie Mat Joubert) luttent –ou pas- contre les relents d'aparheid qui leur collent à la peau, parfois bien malgré eux. Ils ne savent d'ailleurs jamais très bien quelle langue ils doivent parler : plus spontanés en afrikaans qu'en anglais, ils semblent toutefois avoir honte de leur propre langue mais évitent de parler l'anglais où ils sont moins à l'aise.
En outre, le livre s'ancre bien dans son temps : écrit en 1996, l'action se passe indubitablement à une période proche, ce qui est précisé indirectement. En effet, en 1994, l'ANC a gagné les élections pour la première fois, après des années de clandestinité et de lutte (pacifique), Nelson Mandela est élu président. Ainsi, toute la vie et l'administration publiques, et notamment la police, sont impactées : le nouveau colonel de Mat Joubert est un ancien proche de l'ANC, les policiers noirs ont désormais les mêmes droits que leurs collègues blancs, la même possibilité d'enquêter même quand ça concerne des meurtres de blancs – ce qui ne plaît pas à tout le monde !
Évidemment, tout anti-héros qu'il semble parfois, Mat Joubert est aussi présenté comme un « type bien » malgré ses failles et, s'il n'est jamais dit qu'il ferait partie de ces ex-Boers qui rêvent d'une Afrique du Sud réconciliée (là, ce serait mon interprétation !), il a pour le moins une attitude profondément humaine, tout simplement, envers les hommes qui sont sous ses ordres, que ce soit Le Blanc alcoolique ou le Noir gaffeur. Ou encore, on a un passage où il remet assez sèchement à sa place un témoin qui avait des propos insultants à propos de la présence de Noirs dans la police !

Il faut quand même aussi noter que l'auteur glisse çà et là une touche d'humour pince-sans-rire, que la traduction de l'anglais (alors que l'original de ce livre a été écrit en afrikaans) ne rend peut-être pas tout à fait. Mais quelle ironie souriante, par exemple, qu'est le nom du nouveau colonel de Mat ! le gars s'appelle Bart de Wit : ancien membre de l'ANC, dont il a dû se détacher pour exercer sa fonction de policier, c'est quand même un Blanc qui porte un nom… on ne peut plus blanc ! « de Wit », c'est la traduction littérale du nom « Leblanc » ! ;) Et il m'a semblé que d'autres noms étaient aussi en forme de clin d'oeil, mais je ne les ai pas relevés, le « de Wit » étant tellement énorme que j'en souriais à chaque fois qu'il intervenait dans l'intrigue !

Pour le reste, comme je le disais plus haut, l'intrigue – ici on a même une double intrigue – est assez classique, autant dans sa présentation que dans sa résolution. J'ai assez vite compris quel pouvait être le ressort qui faisait agir le meurtrier – plus vite que Mat Joubert lui-même en tout cas ! ;) mais évidemment il reste toujours une petite part de doute. Et quand tout à coup on comprend en plus –pour le coup, en même temps que Mat Joubert !- qui est le meurtrier, ce n'est qu'une demi-surprise. Tout est amené « l'air de rien », mais tout se recoupe et s'intègre comme les différentes pièces d'un puzzle habilement construit. Cependant, même si ça a un petit aspect de déjà-vu (pour moi qui lis quand même beaucoup, beaucoup de policiers et autres thrillers), ce n'est jamais lassant ou long, car les aspects très personnels du personnage principal ainsi que plusieurs flashes back qui sont montrés presque comme des scènes de cinéma, donnent un certain rythme à tout le livre… et au final on ne parvient pas à le lâcher, jusqu'à la fin !

C'est que la plume est fluide ! C'est celle d'un narrateur omniscient qui se penche essentiellement sur Mat Joubert, et dès lors lui ressemble bien un peu. En tout cas, elle rend parfaitement cet esprit qui paraît parfois indolent, sans pouvoir (ni vouloir) trancher si c'est lié au caractère même du personnage et de ce moment de sa vie qu'il traverse, ou si c'est plus largement typique d'une certaine « africanité ». C'est d'autant plus marquant que j'ai lu ce livre en parallèle (je lis désormais presque toujours plusieurs livres simultanément) avec un autre policier sud-africain, un beaucoup plus récent et clairement classé cosy mystery (« Recettes d'amour et de meurtre » de Sally Andrew, pour ne pas le citer ;) )… et pourtant dans ce livre-là comme dans ce premier opus de Deon Meyer, on retrouve cette langueur propre aux pays chauds, qui n'empêche pas l'action, mais qui donne au temps une valeur toute relative, difficilement compréhensible pour des esprits nord-occidentaux, néanmoins entraînante car ce qu'elle nous raconte est parfaitement crédible et toujours très humain.
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