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3,5

sur 57 notes
Un couple assis à l'avant. Lui en complet noir, elle en robe fleurie. Ce sont probablement ses parents puisque ils le disent. Elle, répète qu'il a de la chance. Qu'un boulot comme ça, ça ne se refuse pas. Qu'il sera logé, nourri et blanchi. Lui, insiste que c'est pour son bien. Qu'ils ont fait des pieds et des mains pour qu'il soit accepté à ce poste. Parce que, normalement, ils ne prennent pas les débutants. Un chemin tortueux, bordé d'arbres, mène au Domaine, un célèbre restaurant gastronomique. À peine a-t-il eu le temps de franchir le grand portail en fer forgé que la voiture qui l'a amené s'en va. L'accueil qui lui est réservé est plutôt glacial et austère. Il faut faire vite : le service du soir ne va pas tarder. On lui montre sa chambre, l'envoie à la buanderie chercher son costume, lui fait faire un tour des cuisines rapidement et lui prodigue les premières règles de base. Il ne s'attendait vraiment pas à ce genre de travail...

Denis Michelis nous plonge dans un roman pour le moins déroutant. Serveur engagé au Domaine, ce jeune homme devrait se féliciter d'avoir un tel boulot tant le monde du travail est cruel et impitoyable. Il va d'ailleurs s'en rendre compte dès son entrée dans ce restaurant. Une manager perverse, un cuisinier aux faux airs de gentil, un colocataire directif... le monde du travail est ici caricaturé, dépeint dans ses excès et ses bassesses. le personnage n'a pas de nom, ses parents sont supposés l'être et l'espace-temps est indéfinissable. L'on demeure dans une sorte de flou. L'atmosphère est pesante au possible et les personnages qui entourent le jeune homme sont d'une cruauté bestiale, sadique et retorse. Une satire sociale, certes poussée dans ses extrêmes, mais qui fait malgré tout froid dans le dos. L'écriture est directe et incisive, les phrases courtes, accentuant ainsi le rythme et la tension palpable.
Une fable glaçante et déconcertante...

Merci pour le prêt, Cécile...
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« La situation est grave, on le répète assez comme ça. La situation est grave pour ne pas dire désespérée, le pays court à sa perte alors il devrait s'estimer heureux d'avoir trouvé un job. » (p. 22)
A qui le dites-vous, ma bonne dame, qu'un travail c'est précieux, que ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval ! On s'en rend compte même pour décrocher un malheureux stage ou un boulot d'été - non rémunéré, en désespoir de cause, histoire d'alimenter le CV.

« Il » s'est fait pistonner pour un emploi dans la restauration, dans un grand domaine prestigieux. Ah, « la chance qu'[il] a ! »
Mais il a peur, ce jeune homme, il est terrorisé, même. Sont-ce vraiment ses parents qui le lâchent dans cet environnement nouveau, donc forcément hostile ?
Dans le monde des adultes, comme ça, abruptement, sans filet, dans le grand bain, ils le poussent...

Le ton est donné, on se croirait dans la tête du petit Poucet, celle d'Hansel ou de Gretel.
L'angoisse grandit à mesure qu'on approche du lieu de 'détention' : « Et il voit se dessiner un grand portail en fer forgé qui ne donne aucune envie de le franchir... » (p. 19)
Ces impressions se confirment, on va rencontrer une sorcière, un ogre, des lutins malfaisants...

En donnant à son histoire des airs de conte cruel, Denis Michelis ravive parfaitement nos angoisses primaires : maltraitance, harcèlement, séparation d'avec les parents, sentiment d'abandon. Cela pour dresser un tableau très sombre du monde du travail (dérégulation, précarisation...).

J'ai retrouvé le même malaise à cette lecture que lorsque j'avais découvert vers dix ans le conte initiatique 'Blondine' de la Comtesse de Ségur (in 'Nouveaux Contes de Fées', 1856).
Un malaise identique également à celui éprouvé en prenant connaissance de l'organisation sociale au sein d'une meute de loups *, avec l'individu omega auquel personne ne portera secours, de peur de prendre sa place de victime...

Court, intense, ce roman est angoissant et triste à hurler. Grandiose ! ♥

* en visitant ce domaine en Ariège : http://www.maisondesloups.com/
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Il est assis à l'arrière de la voiture. La femme lui dit « Je suis ta mère et ce travail est la meilleure chose qui puisse t'arriver ». Il en déduit que l'homme au volant est son père. Tous deux le laissent devant les marches du « Domaine », une vaste maison bourgeoise avec une allée de gravier et, juste derrière, une immense forêt. le domaine est un restaurant gastronomique. le plus prestigieux de la région. Ses parents lui disent qu'il a été accepté comme serveur, que c'est un privilège, « presque un miracle ».

En réalité, tel le Petit Poucet, le jeune homme a été abandonné dans un milieu hostile. Dès le premier contact avec Virg, sa responsable, il se doute qu'il vient de mettre les pieds dans un nid de vipères. Ses effets personnels disparaissent mystérieusement et lorsqu'il demande à signer son contrat, on lui réplique qu'il l'a fait depuis longtemps. Commencent alors les humiliations, les engueulades et le harcèlement permanent. du simple bizutage, on passe rapidement au degré supérieur. le chef cuistot abuse de lui sexuellement et, pour mieux le faire obéir, on l'affuble d'un collier et d'une muselière. Avec cet attribut, il devient une attraction pour les clients, un phénomène que l'on vient voir de loin…

Un premier roman inclassable. Inclassable parce qu'au réalisme le plus cru, Denis Michelis a préféré une forme plus énigmatique, proche du conte fantastique. le Domaine semble être un lieu hors du temps et les personnages qui l'occupent sont désincarnés, froids et pervers. le flou temporel demeure tout au long du récit et on ne sait pas combien de jours, de semaines, de mois ou même d'années va durer la torture subie. L'escalade progressive des brimades est terrifiante, cruelle. On assiste à la construction implacable d'une victime, d'un souffre-douleur. On s'étonne du peu de réaction du pauvre garçon mais l'enchaînement des événements prouve simplement que l'« on s'habitue à tout ».

Entre Kafka et « le prisonnier », un texte glaçant.


Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Étrange histoire que tout ceci, car finalement, en quelques tours de plume tracés avec justesse, ce jeune journaliste n'aurait-il pas, en fait, réussi son premier coup d'essai ?

En effet, en refermant le livre, je me suis dit : "Tu as encore lu trop vite! Tu as dû décrocher et passer des chapitres sans t'en rendre compte!". Mais, en fait, cette impression qu'il manquait des liaisons entre les événements, je l'ai eue tout le long du livre. Je n'ai pas arrêté de faire des marche-arrière, buttant sans cesse sur des "coqs à l'âne". Déjà au début, de but en blanc, le jeune homme semble hors sol, hors réel, en supposant que les adultes à l'avant de la voiture sont ses parents. le livre dans son ensemble sera construit sur ce mode. Les personnages et les événements tombent, sans préparation, comme des pierres dans la soupe projetant leur présence incongrue, leur violence. Et à chaque fois, la sensation, bien réelle, que quelqu'un me frappe la tête, brusquement, sèchement. Peut être était-ce voulu ? Peut être n'étais-je pas disposée à appréhender ce type de conte ? Mais, est-ce un conte ? Peut être que le choix de ce style d'écriture de la part de l'auteur a été choisi pour souligner l'absurdité du monde du travail actuellement ? Son organisation perpétuellement au bord de l'implosion ? Sa hiérarchie où les pouvoirs se conjuguent de prétentions et d'abus ? La résignation lasse de ceux qui en sont victimes ? de ceux qui sont sensés les défendre ?
Seulement voilà, mise à part le souvenir nauséeux du personnage central, affublé d'une muselière entouré de harpies, il ne me reste pour seule sensation qu'un immense vide de sens, de sentiments, d'humains.
Et la souffrance ? Celle du héros ? Celle qu'il est sensé ressentir aux vues et regards des humiliations subies ? Rien ? Et à la fin, le jeune homme que j'appelle celui à « la chance que tu as » qui disparaît, se volatilise avec le silence cotonneux d'une averse de neige alors qu'il croise son remplaçant! C'est tout ? Trois petits tours et puis s'en vont ? Pas de trace ? Pas de crime ? Une âme sans vie est passée entre les serres du domaine ?
Ainsi, je n'ai pas aimé! Mais alors, pas du tout aimé ce que j'ai lu! Car si c'était pour me faire toucher de l'esprit « le monde comme il va », et bien l'auteur a réussi! Mes mains en tremblent encore. Je suis hors de moi!

… Et j'attends son prochain roman avec impatience.
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Un court récit métaphorique, plein de subtilités, qui dépeint sans en avoir l'air la cruauté des êtres humains dans une société où il faut avoir un métier, être irréprochable, accepter des charges de travail toujours plus importantes sans se plaindre et être mis au rebut lorsque l'on devient inutile.
Ce qui interpelle dans ce livre c'est l'extrême soumission du personnage, qui ne choisit ni son métier ni son lieu d'exercice, qui tente faiblement de réclamer un contrat mais qui finalement accepte toutes les conditions imposées, y compris les brimades, le harcèlement moral, voire physique, sans réagir vraiment par peur de décevoir ou de perdre son statut qui n'a pourtant rien d'enviable et subit une routine extrême à tel point qu'il ne voit pas défiler les jours les mois et les années...
Au delà du texte, je vois une satire acerbe de la société actuelle ou tout est fait pour faire peur aux jeunes et produire des générations de moutons de Panurge, facilement manipulables mais sans passion, ni créativité et au final démotivées.
Cette vision du monde du travail est bien noire et j'ose espérer qu'il y ait encore quelque espoir car l'humain a accès à la parole et donc le pouvoir de dire non... ne l'oublions pas !

Merci à Babelio et aux éditions Stock pour la masse critique, cet envoi rapide et ce beau partage.
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Un premier roman percutant !


Grâce à ses parents, et ce malgré son manque de qualification, un jeune homme obtient un poste de serveur dans un restaurant prestigieux, une vaste maison bourgeoise en lisière de forêt : le Domaine.

Nourri et logé, il y vit vingt-quatre heures sur vingt-quatre, isolé du monde. Conscient de la chance qui est la sienne dans une société où trouver un travail est si difficile, il se coule dans le moule, renonce à se plaindre et finit par accepter de vivre sans rechigner l'enfer quotidien que lui font subir ses supérieurs et ses collègues.

Le lecteur est ainsi plongé dans un univers étrange et sinistre, métaphore du monde du travail et de ses dérives… Un roman sombre et efficace à découvrir absolument pour l'originalité de sa forme et de son écriture.
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Sous la forme presque enfantine du conte, voici le récit étrange et effrayant d'une première expérience professionnelle: le jeune narrateur sera serveur dans un grand restaurant, "Le Domaine". Ses parents l'y conduisent et l'y abandonnent comme ceux du Petit Poucet dans la forêt de la sorcière...

le procédé de Sirius qui déréalise les lieux et les êtres en les observant avec un regard étranger, l'absence de toute causalité logique, sociologique ou psychologique, confèrent au récit une bizarrerie et une étrangeté effrayantes, une tension et un effroi palpables.

Un chef-coq- ogre et prédateur, une "manager" sadique et perverse, des parents insensibles et défaillants tissent autour du" héros", faible, abandonné de tous et vaguement consentant aux persécutions dont il est l'objet, une toile maléfique et empoisonnée.

On se croirait dans un mauvais rêve dont on ne parviendrait pas à s'éveiller. Une très belle langue, simple, forte.

Une vraie réussite à mon sens: à découvrir!
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Grâce à ses parents, un jeune homme a obtenu un poste de serveur au fameux domaine, aussi réputé que secret, illustre peut-être du fait de l'énigme qui l'auréole. Pour surmonter ses craintes face à l'inconnu d'un premier poste, il essaie de faire siens les arguments de ses parents : ce travail est une réelle chance aujourd'hui, une sacrée aubaine. Et pourtant, le mystérieux chat qui trône devant l'entrée du domaine vient déjà dire l'effroyable du monde qu'il recèle.

« La chance que tu as » est un roman très ramassé (environ 150 pages plutôt aérées sur le plan de la mise en forme), aussi bref que percutant, une sorte d'uppercut littéraire, en somme, pour un premier roman. C'est aux côtés du jeune homme, le narrateur, que nous découvrons le domaine, métaphore d'un monde du travail déshumanisé où règnent, pêle-mêle, hypocrisie, humiliation physique et morale, exploitation, rapports de force et rivalités.
L'auteur joue habilement sur différents registres : quand le narrateur se heurte à l'absurde d'un monde dont il ne comprend pas les règles, quand il vient s'échouer sur les rives de l'incommunicabilité, l'univers kafkaïen n'est pas très loin. le fantastique fait également quelques irruptions ténues, sous l'apparence d'un chat notamment qui initie et clôture le récit. Ces brèches d'irréel, qui viennent fissurer une intrigue très réaliste de prime abord, semblent placer le domaine dans une sorte de parenthèse éloignée de notre quotidien, édulcorer le tragique de la descente aux enfers du narrateur. Et pourtant, au creux du fictif et de l'absurde du récit, le monde du travail, la société contemporaine plus largement, ne sont pas loin.
« La chance que tu as » est un roman dérangeant, un moment de lecture intense, poignant et magnifique.
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Un récit sur l'esclavage moderne... Ce livre est écrit de manière très froide, tout est suggéré, on devine l'état psychologique de ce jeune homme qui est harcelé par ses collègues.
C'est un livre dur et à la fois qui se lit très vite.
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C'est un premier roman très bien écrit, je trouve que Denis Michelis est un bon écrivain et je le félicite pour cette première parution !

Dans ce livre nous suivons les déboires d'un jeune homme qui arrive dans un domaine pour y occuper un poste de serveur. Tout va mal (même très mal) se passer pour lui. le personnel déjà en place va se comporter de façon effroyable avec ce garçon qui ne comprendra pas du tout pourquoi... et moi non plus je n'ai pas compris ! Il y a trop de choses que je n'ai pas comprises dans ce roman. J'ai d'ailleurs été très touché par le sort du personnage principal, parfois révolté et scandalisé !

Je n'ai eu absolument aucun problème pour rentrer dans l'histoire et la poursuivre par contre j'ai trouvé qu'il y a beaucoup trop de mystères, d'incompréhensions... J'aurai aimé en savoir d'avantage sur le domaine et son organisation, sur les parents du serveur maltraité, sur le contrat du serveur... Toutes ces zones d'ombres ne sont hélas jamais éclaircies et la fin est un peu nunuche, n'apportant rien.

J'ai refermé ce livre avec un sentiment d'inachevé. C'est comme si j'attendais une suite, comme si j'allais reprendre ma lecture alors que j'ai terminé le livre.
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