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3.65/5 (sur 315 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Siegen (Allemagne) , le 31/05/1980
Biographie :

Denis Michelis est journaliste à Arte et vit à Paris. "Le bon fils" est son deuxième roman après "La chance que tu as" qui a connu un écho important de la part de la critique et des libraires. Marqué par ses origines germaniques, l'écrivain avoue aimer la forme du conte à la façon de Grimm ou de la fable grinçante et semi-fantastique à la façon de Kafka.



Source : Stock
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Entretien avec Denis Michelis à propos de son ouvrage Le bon fils :



03/08/2016

Le roman met en scène Albertin, mauvais élève, et son père, décidé à entreprendre une nouvelle vie. Pourquoi avoir choisi un jeune garçon incompris pour personnage principal ?



Je voulais me (re)plonger dans l’adolescence, l’adolescence comme moyen de transfigurer la réalité, de la fantasmer, d’inventer d’autres possibles, d’être à la fois dans une pulsion de vie et de destruction - il y a une grande violence chez mon personnage, et ce, dès le début du livre.
L’adolescence, du point de vue de la fiction, est fascinante car elle permet d’explorer les sentiments les plus exacerbés. C’est aussi un âge où l’on perd son innocence, où l’on vous confisque votre monde intérieur, votre monde imaginaire pour vous projeter dans la vie d’adulte, une vie où la compétition règne sans relâche.



L’univers du roman est rempli de mystères et évoque parfois le genre du conte : des portes fermées, des personnages dont on ne sait rien, un arbre à qui l’on parle...Cette dimension était-elle volontaire dans votre démarche ? Pourquoi ?



Cela s’explique sans doute par mes racines germaniques, dans mon premier roman, La chance que tu as, il y avait des références très claires aux Contes de Grimm. ou à l’univers de Franz Kafka. Le Bon Fils reste dans cette veine germanique, très vieille Europe avec ce personnage de Hans qui ressemble à la fois à la figure du Diable ou du Vampire, cet homme à la beauté et au discours hypnotiques mais le ton du roman est très différent ; Le Bon Fils est une tragi-comédie, le roman se veut plus grinçant, beaucoup plus ironique que le premier.



Au milieu du roman s’invite Hans, un “ami” du père d’Albertin, qui envahit la vie des deux protagonistes et s’attache à faire du jeune garçon un “bon fils”. Que représente cette figure masculine au sein de la famille ? Pourquoi a-t-elle pris la forme d’un autre homme ?



Hans est une figure démoniaque, beaucoup de symboles dans le livre le montrent. Je voulais que le mal soit incarné par un homme pour que mon personnage principal puisse s’identifier à lui, et cherche à tout prix lui ressembler, que Hans exerce sur lui une fascination presque malsaine.
J’avais aussi l’envie de décrire un monde d’hommes puisque c’est là que naît la violence, la violence domestique surtout, celle dont on ne parle presque jamais et qui sévit derrière les portes clauses.



Entre Albertin et son père, rien ne va : le fils déçoit son père et qui délègue sa responsabilité auprès d’un autre. Pourquoi avoir évoqué ce thème de la parentalité ? Le contexte actuel de remise en question de la nature de la famille vous ont-ils inspiré ce récit ?



J’y ai songé, bien sûr. J’ai écrit ce livre en plein débat sur le mariage pour tous, certains lecteurs m’ont d’ailleurs demandé si le père et Hans étaient ensembles ce que je ne crois absolument pas, mais à la rigueur, le lecteur voit ce qu’il veut. Et c’est là la grande force de la littérature : nous permettre à chacun de se réapproprier l’histoire afin de mieux comprendre la nôtre.
Mais je ne vous cacherai pas que de décrire cette drôle de famille, qui plus vit à la campagne, c’était aussi une manière pour moi d’égratigner la société française très à cheval sur ses « valeurs ».



Au départ en marge de la société, votre héros en intègre peu à peu les codes, non sans en souffrir. Doit-on voir dans ce roman une critique de nos valeurs sociales contemporaines ?



Le Bon Fils égratigne, non sans humour, notre obsession de la réussite sociale, réussite qui passe, dans un premier temps, par la réussite scolaire.
Mon personnage est soumis dès le début du roman à une très grande pression, d’abord par son propre père, puis par son père de « substitution », Hans, ces deux hommes incarnant, au fond, une société ne voyant dans ses enfants que de bons petits soldats dont on attend qu’ils ramènent de bonnes notes à la maison.
Ce qui permet, soit dit en passant, de ne pas parler des véritables enjeux : le désir, la sexualité, les peurs, les souffrances, la construction de l’identité qui sont au cœur de l’adolescence.
A un moment de l’histoire, le narrateur devra faire face à un choix cornélien : accepter ou non la violence, de là dépendra son intégration, ou non, dans la société.



L’ambiance du roman est pesante, tout comme les règles du monde pour le héros. Ce ton s’est-il imposé à vous ? Dans la presse on a rapproché le ton de votre roman avec celui employé par l`auteur Elfriede Jelinek. Est-ce l`une de vos sources d`inspiration ? Quelles sont elles ?



Je préfère le terme déstabilisant plutôt que pesant. La lecture d’Elfriede Jelinek mais aussi de Thomas Bernhard, autre grand auteur autrichien, m’ont conforté dans ma volonté d’écrire une littérature exigeante. J’aime leur colère, leur façon de réinventer la langue, la profondeur métaphysique et la beauté qui transparait dans leur écriture.
Jelinek joue beaucoup avec les niveaux de langage, elle sait se faire poète tout en incluant dans son texte des références très prosaïques (chansons populaires, slogan publicitaire etc..)
Bernhard est plus drôle, plus grinçant, ses personnages sont des misanthropes esseulés qui ne parviennent pas à s’extraire d’un monde en déliquescence.
Et tous deux sont très politiques, la critique qu’ils ont fait ou continuent de faire de la société autrichienne est sans appel.
Stephen King et Guy de Maupassant font également partie de mes auteurs de chevet, j’admire l’inquiétante étrangeté qui transparait dans leur écriture.
Enfin, il y a deux auteurs femmes contemporaines qui comptent énormément à mes yeux, ce sont Joyce Carol Oates et Lydie Salvayre.
La première pour la folie, la monstruosité même de son oeuvre (et par le nombre de publication et par leur thématique). La deuxième pour l’engagement politique, l’humour, le grotesque et la langue très mouvante qu’on retrouve tout au long de ses livres.




Votre écriture est ironique et très contemporaine. Comment se déroule le travail d’écriture ?



Je marche sans cesse sur un fil, entre le tragique et le comique, entre le réalisme le plus prosaïque et des passages plus oniriques, entre des scènes de violence très dure et des envolées, disons, plus « lyriques », c’est ça qui crée le décalage et une forme d’ironie, il y a toujours un sens caché derrière le sens premier, c’est très jouissif à faire et compliqué aussi, le livre est écrit, réécrit jusqu’à l’épuisement.
Mais cette ironie ne m’empêche nullement d’aborder des thèmes universels : la transmission, la violence domestique, la place du père dans une famille…



Transparaît dans votre écriture une certaine importance des mots : chambrette, macchinetta, salon traversant... sont des mots qui posent question à votre héros et qui les manipule avec précaution. Que voulez-vous exprimer à travers ce rapport ?



Le personnage du père est obsédé par certains mots en effet, il n’a de cesse de répéter des occurrences comme salon-salle à manger traversant, chambrette, macchinetta bon fils. C’est un homme qui ressasse parce qu’il est dépassé par les événements, il croit se rassurer en agissant ainsi, mais c’est un leurre.



C’est la deuxième fois que vous mettez en scène un jeune héros trompé par ses parents et qui subit un système qui le dépasse. Ce deuxième roman s’inscrit-il dans le prolongement du premier ?



Dans La chance que tu as, le personnage est en effet abandonné par ses parents dans un monde, celui du travail, dont il ne parvient pas à déchiffrer les codes. Je voulais montrer par là qu’à force de violence (dans les rapports dans l’entreprise), on finit par détruire l’individu.
C’est le même processus dans Le bon fils, le système scolaire dépasse complètement le personnage, parce qu’il est, en de nombreux points, absurde.
Le personnage principal avance à tâtons dans un univers qui se délite et qui menace de l’anéantir, d’où la sensation, pour le lecteur, d’être déstabilisé sans cesse, et c’est exactement ce que je cherche à faire : mettre le lecteur dans une situation de malaise, la littérature est faites pour ça. Il faut qu’elle dérange, comme l’écrivait si bien Franz Kafka : « un livre doit être la hache pour la mer gelée en nous. Voilà ce que je crois. »



Denis Michelis et ses lectures



Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?




Ecriture : Mémoires d`un métier de Stephen King soit un essai autobiographique où l`auteur dédramatise l`acte d`écrire.
Après avoir refermé le livre, je me suis dit "essaie au moins une fois dans ta vie !", c`est un livre qui m`a donné une vraie force, car au fond pour écrire, l`envie ne suffit pas, c`est l`énergie qui compte.



Quel est l`auteur qui vous a donné envie d`arrêter d`écrire (par ses qualités exceptionnelles...) ?



Lorsque j`ai lu Perturbation de Thomas Bernhard, j`ai été soufflé par deux choses. Son style (je n`avais jamais lu ça auparavant, quelle musique et quel rythme !) et la liberté totale avec laquelle il a construit son récit : au bout d`une centaine de pages disons "classiques" (une intrigue, des personnages, un décor…), l`auteur "offre" à son lecteur un monologue long de presque 150 pages…
J`ai pensé qu`aujourd`hui plus personne n`oserait écrire et surtout "composer" un roman de la sorte, et qu`on serait tous condamnés à raconter de petites histoires sans ambition aucune.



Quelle est votre première grande découverte littéraire ?



Krabat de l`écrivain allemand Otfried Preussler que je lisais enfant. L`histoire d`un jeune garçon qui est appelé, en rêve, par onze corbeaux à les rejoindre dans un moulin… Bien meilleur que tout ce qui se fait aujourd`hui en littérature fantasy et jeunesse….



Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?



La Chute d`Albert Camus, moins fort que l`Etranger certes, mais qui se lit comme souvent chez l`auteur à plusieurs niveaux (du simple "thriller" au roman philosophique). A noter que l`histoire se déroule à Amsterdam, Albert Camus excelle aussi (mais qui pouvait en douter ?) dans la description d`ambiances nordiques, brumeuses, bref à mille lieux de ce à quoi il nous avait habitués.



Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?



Le Rouge et le Noir de Stendhal, il est sagement rangé dans ma bibliothèque...



Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?



Passer le pont de Pia Petersen : l`auteur s`interroge sur le phénomène des sectes, les sectes comme réponse à la déshumanisation de notre société, le tout sur fond de roman noir, très étouffant, et déstabilisant à souhait.
J`avais été fasciné, mal à l`aise, et totalement happé par ce huis-clos.
C`est le seul roman de fiction, à ma connaissance sur ce sujet.
Il devrait être réédité en poche !



Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?



Gatsby le magnifique de Francis Scott Fitzgerald : je n`y arrive pas !
Je trouve que l`action est "bizarrement" amenée, quelque chose ne colle pas dans ce chef-d`oeuvre...



Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?



Non…..




Entretien réalisé par Marie-Delphine

Découvrez Le bon fils de Denis Michelis aux éditions Noir sur Blanc :




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Le professeur de sciences économiques et sociales, à la fois ravi et surpris de mon intervention, s'exécutait, récitant une page d'un livre qu'il avait photocopié.
Le tueur en série vient en général d'une famille éclatée et à problèmes. Dans ces familles, un père sur deux a abandonné le foyer. Sept pour cent des tueurs ont eu un père alcoolique.
Trois pour cent, un père toxicomane.
Et en France ?, voulus-je savoir.
Pourquoi n'avions-nous pas de tueurs en série ici en France ?
Le crime, conclut le professeur de sciences économiques et sociales, en France est passionnel, alors qu'en Amérique le meurtre est ordinaire, voire banal. La culture française est différente, nous sommes davantage marqués par le mythe d'Oedipe par exemple.

p175
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On dit que l’espoir fait vivre, alors que c’est tout le contraire.
L’espoir nous épuise, il nous ronge de l’intérieur, à cause de lui sans cesse nous scrutons l’obscurité à la recherche de lumière, nous tendons les mains, nous crions à l’aide.
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L'eau du bassin est fraîche, d'une fraîcheur délicieuse qui permet aux nénuphars de s'éployer comme jamais. Leur couleur nacrée conjuguée au vert soyeux de l'eau est tellement intense qu'elle peut, si l'on prend le temps de bien regarder, infuser légèrement la couleur du ciel.
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On dit que l'espoir fait vivre, alors que c'est tout le contraire. L'espoir nous épuise, il nous ronge de l'intérieur, à cause de lui sans cesse nous scrutons l'obscurité à la recherche de lumière, nous tendons les mains, nous crions à l'aide.
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... lorsque qu’on vous accuse d’avoir perdu toute dignité, vous pouvez tout vous permettre.
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«Qu'est-ce que vous avez à me dévisager comme ca ? Vous mettez des enculés de capitalistes au pouvoir et ensuite, pour la moindre foulure, vous exigez une radio complète, un plâtre, des médocs et un arrêt de travail ? »

Un léger frisson m'avait parcouru l'échine, je baissais davantage encore la tête, priant pour qu'il ne me remarque pas.

« Les écoles, les hôpitaux, les bureaux de poste, les administrations, c'est à cause de connards dans votre genre que bientôt ils disparaitront, et il vous restera quoi ? Vos portables de merde, vos applis, vos livraisons à domicile. Allez tous vous faire mettre ! »
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On est bien d'accord : il a fait d'énormes progrès.
Comme quoi la pression, ça a du bon.
Comme quoi ce sont encore et toujours les méthodes à l'ancienne qui fonctionnent.
Ils devraient en prendre de la graine tous ces jeunes arrivistes qui débarquent sur le marché du travail croyant tout savoir.
Ceux qui parlent trop, tous ces intellectuels qui ne sont pas fichus de mettre les mains dans le cambouis.
Quand on y pense, c'est vraiment insupportable.
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Ce n'est jamais bon d'être doté d'une intelligence supérieure à la moyenne dans une famille d'idiots, et encore, je mâche mes mots. J'ai payé un lourd tribut pour cela, docteur, longtemps j'ai été rabroué à cause de mes capacités intellectuelles hors norme.
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Le pardon est une activité très prisée de l'espèce humaine. Pardonner aux autres, se pardonner à soi, n'avoir de cesse de s'excuser, de courber l'échine.
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Dans la vie, les choses évoluent. Les rôles aussi.
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